Trouver les décès pendant les guerres de Vendée

vendee-31793 est une année difficile pour la jeune République française menacée de toute part, y compris de l’intérieur avec les guerres de Vendée. Dans le nord  des Deux-Sèvres, région aussi concernée par ce conflit, il y a peu de registres paroissiaux ou d’état civil sur la période allant de 1791 à 1803. Les nombreuses lacunes sont dues à des destructions, mais aussi à l’incendie des Archives départementales à Niort en 1805. En conséquence, il me manque de nombreux actes. J’arrive à déduire les dates de naissance de mes ancêtres, grâce à leur âge supposé à leur mariage ou à leur décès. De même, pour les mariages manquants, les dates de naissance ou l’âge estimé des enfants me permet parfois un encadrement assez précis. Le problème pour moi, c’est le décès  d’un aïeul. Il m’est souvent difficile de deviner l’année dans l’intervalle de 1791 à 1803 et surtout, j’aimerais connaître les circonstances : est-ce une conséquence des guerres de Vendée ? Heureusement, j’ai quand même quelques possibilités de trouver.

D’abord, les actes n’ont pas tous disparu mais il faut de la persévérance et de la chance pour les dénicher. Il faut explorer les quelques documents disponibles : des registres paroissiaux clandestins très parcellaires (et dans un ordre très aléatoire) ou des registres d’état civil incomplets et plutôt mal tenus. Parmi les personnes qui m’intéressent, j’ai trouvé quelques décès que je peux supposer naturels, mais aussi d’autres consécutifs de façon certaine à des combats ou des violences. Ainsi, dans le registre paroissial de Nueil-sur-Argent (BMS 1791-1802), j’ai trouvé la trace de victimes « civiles » des guerres de Vendée le 14 mars 1794, jour du passage d’une colonne infernale qui fit aussi une centaine de morts (hommes, femmes et enfants) dans la commune voisine des Aubiers :
vendee-heitz– Le 14 mars 1794 ont été enterrés les corps de Jeanne-Thérèse Robreau âgée de 32 ans, de François Chatin âgé de 7 ans, d’un autre petit enfant Chatin âgé de 3 mois baptisé à la maison et de Marie-Anne Routureau âgée de 50 ans, massacrés le même jour par l’armée républicaine.
Le 14 mars 1794 sont morts de mort violente par la main des Républicains Louis Paineau sabotier âgé de 36 ans et Marie Bouet sa femme âgée de 39 ans, Marie-Anne Paineau âgée de 10 ans, Marie Paineau âgée de 8 ans et Jean-Baptiste Paineau âgé de 6 ans leurs enfants.
– Le 14 mars 1794 sont mortes de mort violente par la main des Républicains Jeanne-Françoise Paineau, femme de Jean Paineau meunier, âgée de 24 ans et Marie-Anne Ménard, domestique servante, âgée de 29 ans.

Dans ce même registre, j’ai aussi repéré le décès de combattants comme ces 2 cousins qui appartiennent à mon arbre :
– Alexis Burget mort le jour de la bataille de Châtillon 3 juillet [1793] , âgé de 45 ans. (Cette bataille voit la victoire des Vendéeens et entraîne la perte de 2000 soldats dans chaque camp).
– Dans le courant du mois de décembre 1793,  Jean-Baptiste Burget, charron du bourg de Nueil, a été vu mort à La Flèche par un nommé Chatelet d’Anjou. (La bataille de La Flèche, du 8 au 11 décembre 1793, gagnée par les Républicains est un épisode sanglant de la virée de Galerne).

Pour trouver mes ancêtres morts durant cette période, je peux aussi élargir le champ géographique de mes recherches.
Certaines personnes ont pu fuir la zone des combats, ce qui ne préserve pas forcément de la mort d’autant plus que la vie de réfugié était sans doute précaire. C’est à Sainte-Verge, près de Thouars, toujours dans les Deux-Sèvres, mais un peu à l’arrière du front des combats que je trouve l’acte de décès de Jeanne-Charlotte Burget qualifiée de réfugiée en date du 31 octobre 1794. Elle est la tante des 2 combattants que j’ai trouvé dans le registre de Nueil-sur-Argent. D’autres sont allés un plus loin : trois frères, Claude, Pierre et mon ancêtre Jacques Giret se sont réfugiés en 1794 et 1795 à Poitiers avec femmes et enfants. C’est dans les registres d’état civil de cette préfecture que je trouve le décès d’un enfant de Claude Giret et aussi celui de mon aïeule (SOSA 235) Marie-Jeanne Bodin, la femme de Jacques Giret, le 30 avril 1795. J’ai déjà raconté l’errance de cette famille pendant les guerres de Vendée.
D’autres habitants du Bocage sont malheureusement morts en prison ou guillotinés. Il faut alors chercher ailleurs, comme dans des listes conservées aux Archives départementales des Deux-Sèvres. Elles ont été partiellement reproduites dans le livre d’Antonin Proust datant du XIXe siècle, La Justice révolutionnaire à Niort accessible sur Gallica et elles ont été depuis intégralement mises en ligne dans un article du blog la Maraîchine Normande. J’ai pu ainsi découvrir comment étaient morts 2 de mes ancêtres indirects. Denis Croisé,  tisserand à Chiché accusé d’avoir pris part à une émeute et d’avoir forcé des habitants à se joindre aux rebelles, est condamné à mort et guillotiné le 14 décembre 1793 ; il avait 39 ans. Gabrielle Guibert, veuve de Chanteloup âgée de 52 ans, est décédée le 14 septembre 1794 dans la maison des Ursulines de Niort transformée en prison.

Il existe aussi une autre source, les demandes de pension formulées au moment de la Restauration. Les soldats survivants de l’armée du Roi ont pu alors établir des dossiers afin d’obtenir une indemnisation pour compenser les blessures ou les pertes matérielles subies pendant les guerres de Vendée. Les veuves de soldats décédés pouvaient elles aussi y prétendre. C’est grâce à différents documents, certains conservés en salle aux Archives départementales des Deux-Sèvres et d’autres au Service historique de la Défense à Vincennes (et mis en ligne par les Archives départementales de Vendée) que j’ai découvert le décès de plusieurs ancêtres : Jacques Chesseron, époux de Jacquette Bruneau, Pierre Hivert, époux de Louise Forgeard et Augustin Berthelot, époux de Marie-Jeanne Bironneau, sont sans doute morts au combat et les veuves, indigentes, demandent une aide financière ; Pierre Baudouin, époux de Jeanne Caillaud, a été « arrêté sur la commune de Courlay par la troupe républicaine dans le courant de l’année 1793 et conduit à Bressuire là où il fut massacré » ; Pierre Dieumegard, époux de Marie Pitaut « a été blessé d’un coup de feu dans la poitrine à l’affaire du camp de Largeasse en 1794 dont il est mort ».vendee-heitz-2La dernière méthode est sans doute la plus efficace pour trouver des décès pendant les guerres de Vendée. Elle consiste à rechercher les actes de mariage quelques années plus tard, entre 1803 et 1840. L’état civil oblige alors à renseigner sur les parents des mariés, (nom, prénom, profession, et éventuel décès). Étudier ces actes permet de se rendre compte que de très nombreuses familles des zones insurgées ont connu le deuil. Quand un des conjoints est orphelin de père, de mère ou des deux, on retrouve sur l’acte de mariage des formules variées qui renseignent sur la date approximative et la cause du décès du parent. Voici quelques exemples puisés dans mon arbre. Dans ces actes, ce sont majoritairement des hommes, certains morts au combat :
Jacques Giraud, bordier, décédé pendant la guerre civile (mariages Noirterre 1809)
Jean Servant de cette commune décédé pendant la très malheureuse guerre de la Vendée (mariages Chiché 1809)
Jean-François Paynot décédé pendant les troubles civils de la  guerre de la Vendée (mariages Largeasse 1810)
Pierre Guibert, décédé à Chanteloup au commencement de mil sept cent quatre vingt quatorze ayant été tué pendant les troubles de la guerre de Vendée (mariages Chanteloup 1813)
Louis Fradin, décédé à Thou[a]r, il y a 25 ans (mariages Terves 1818). Il est mort sans doute lors de la prise de Thouars par les Vendéens le 5 mai 1793.
André Bonnin, sabotier de son vivant, décédé en l’armée de l’autre côté de la Loire (mariages  La Ronde 1819). Il est donc mort pendant la virée de Galerne fin 1793. Il s’agit de mon SOSA 252.
Louis Poussard décédé pendant la guerre de la Révolution (mariages La Chapelle-Saint-Laurent 1830)
Mais il y a aussi des femmes :
– Marie-Jeanne Violleau décédée aussi à Terves il y a 20 ans,du temps de la guerre civile (mariages Terves 1813)
– Marie-Jeanne Badet, pendant les troubles de la guerre de Vendée (mariages La Chapelle-Seguin 1813).
Et parfois, les 2 parents sont morts :
Jean Fouillet et Louise Goron, tous les deux morts dans les guerres civiles (mariages Beaulieu-sous-Bressuire 1813)
Pierre-Jacques Giret  et Marie-Jeanne Pasquet, tous deux décédés dans le courant de la guerre civile de la Vendée il y a à peu près dix-huit ans (mariages Cerizay 1815). Pierre-Jacques Giret est le 4ème frère des réfugiés de Poitiers.

Ces actes de mariage permettent de trouver le décès de jeunes parents au moment des guerres de Vendée. Il s’agit donc d’une source de renseignement parcellaire puisqu’on n’y trouvera pas le décès des enfants, des célibataires ou des personnes âgées. Il n’en demeure pas moins que c’est dans ces registres que j’ai trouvé le plus de renseignements. Je n’en ai pas le courage, mais une recherche exhaustive sur les communes des Deux-Sèvres et des autres départements concernés apporterait sans doute une vision plus précise (en terme géographique, social et démographique) des victimes de ce conflit. Peut-être existe-t-elle déjà ?
Enfin, il existe certainement des sources que je n’ai pas exploitées (Où chercher les décès des Républicains, civils ou militaires ? Les actes notariés peuvent-ils aider ?) À n’en pas douter, il me reste encore à découvrir de nombreuses informations sur la très malheureuse guerre de Vendée.

Complément en date du 22/02/2018 : Je viens de dépouiller une liste de 370 veuves établie en 1816 qui renseigne sur autant de soldats deux-sévriens morts pendant la guerre de Vendée. La liste est ici (liste de veuves de militaires deux-sévriens de l’armée vendéenne) et l’analyse est là (370 veuves… et 9 blessées)

vendee-4Illustrations : L’histoire de France en BD de Bruno Heitz et Dominique Joly (éd. Casterman). Je ne suis pas spécialement fan des BD didactiques destinées aux enfants, mais il faut reconnaître que cette série est plutôt bien faite, que les dessins de Bruno Heitz sont très lisibles et permettent d’aborder une Histoire de France parfois violente sans traumatiser nos chers petits.

4 commentaires sur “Trouver les décès pendant les guerres de Vendée

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  1. Les actes de notoriété conservés aux archives départementales sont une source à exploiter bien sûr. Ils sont généralement classés par canton ; il faut donc retrouver le chef lieu de canton de la commune de résidence des personnes recherchées, et surtout les regitres qui repertorient ces actes de notoriété, ils sont plus facile à trouver, ils permettent de se rendre un peu mieux compte des ravages de cette guerre. Mais ils ne sont jamais exhaustifs. Seule une étude systématique des registres paroissiaux et d’état civil permet d’établir un bilan crédible pour une commune. Mais c’est long, et il est préférable de la combiner avec l’analyse de toutes les archives disponibles… C’est d’autant plus long.

    Pour les morts côté républicain, à quelques très rares exceptions près, et outre les soldats, ce ne sont que des hommes, généralement membres des municipalités, souvent révolutionnaires convaincus, pour qui la dénonciation des rebelles était une vertu, qui ce faisant ont condamné des femmes et des enfants à mort, qui guidaient par exemple les colonnes infernales, et qui sont pour la plupart morts de représailles après justement le passage des colonnes. Leurs décès sont généralement consignés sur les registres des communes où ils sont morts.

    Les décès des rebelles, du temps de la Révolution, n’étaient au contraire pas consignés : ces rebelles étaient hors-la-loi, n’avaient donc pas de droits.

    Les soldats de l’armée républicaine morts dans la guerre de Vendée doivent être recherchés au service historique de le défense à Vincennes. C’est long. Il faut connaître leur unité.

    Bref, il faut s’armer de patience… Bon courage.

    Aimé par 1 personne

    1. Merci pour ce long et circonstancié commentaire. C’est vrai que j’avais oublié de parler des reconstitutions d’état civil qu’on trouve dans les chefs-lieux de canton (Bressuire, Cerisay, Argenton-Château…). Réalisés plus de 20 ans après les guerres de Vendée, ils sont très parcellaires voire imprécis, mais ils sont bien utiles, surtout pour trouver les mariages et les naissances de cette période. Malheureusement, peu de décès y sont consignés.

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