Le mot « onde », qui évoque aujourd’hui davantage une vibration ou la radio que l’eau des poètes, a des dérivés dans des domaines vraiment variés. On en retrouve la racine dans le domaine scientifique avec l’ondulation, météorologique avec l’ondée, l’érotisme avec l’ondinisme (le plaisir sexuel lié à l’urine !) et la religion avec l’ondoiement.

C’est évidemment ce dernier mot qui intéresse les généalogistes (du moins je l’espère !) L’ondoiement, je le retrouve régulièrement dans les actes de baptême des registres paroissiaux, c’est le baptême d’urgence quand le bébé qui vient de naître est en danger de mort. Pour aller au paradis, selon les préceptes de l’Église, il fallait autrefois être baptisé. Les nouveau-nés décédés sans baptême voyaient leur âme errer dans les « Limbes », l’endroit, ni paradis ni enfer, imaginé par les théologiens au XIIe siècle pour rassurer les parents. Cela ne les tranquillisait pas, bien au contraire : il fallait baptiser à tout prix, se précipiter à l’église dès la naissance qu’il pleuve ou qu’il vente, et, dans les situations extrêmes, pratiquer l’ondoiement à la maison. Celui-ci se limitait à des ablutions et des paroles sacramentelles qui étaient prononcées sur le lieu même de l’accouchement par la matrone ou n’importe quel voisin. Et si l’enfant par chance survivait, il fallait le plus tôt possible aller voir le prêtre pour donner le vrai baptême. Ces pauvres petits ondoyés étaient donc bien mal partis dans la vie et beaucoup décédaient le jour même. Heureusement, quelques uns ont réussi à passer les cap de la naissance et de l’enfance, voire se marier et devenir parents. Je pense en avoir trouvé deux chez mes ancêtres directs.
Il y a peut-être Marie-Anne Moreau née le 27 janvier 1758 à La Pommeraie-sur-Sèvre (Vendée) « ayant été baptisée à la maison à cause du danger de mort ». Je doute un peu car le mot « ondoyé » n’est pas utilisé, ce qui veut peut-être dire que le prêtre était présent sur place. Marie Anne Moreau est morte à 35 ans, mère de 4 enfants. Elle est sans doute décédée des suites d’un accouchement, en tout cas très peu de temps après la naissance de sa fille Henriette. Son destin montre bien qu’autrefois la naissance n’était pas vraiment un moment heureux et attendu. Le risque était double : beaucoup d’enfants, ondoyés ou pas, mouraient le jour de leur naissance, et l’accouchement entraînait parfois le décès de la mère.
Je ne voudrais pas conclure de façon trop pesante un article de mon Dictionnaire amoureux de la généalogie, puisqu’il est sensé en donner une vision positive. Je vais donc terminer avec mon autre ondoyé, François-René Frouin né le 12 juin 1742 à Terves (Deux-Sèvres) « qui a été baptisé en sa maison par un chirurgien ». Même si là encore on lit le mot « baptisé » dans le registre, il s’agit bien plus sûrement d’un ondoiement puisque le geste a été fait par le « chirurgien ». François-René Frouin a vécu entre 48 et 58 années, ce qui est honorable pour son époque. Il était de toute évidence un notable incontournable de sa paroisse. Avec son épouse Jeanne Brossard, ils ont eu 8 enfants et il a, en conséquence, aujourd’hui une très nombreuse descendance.
P.S. Mise à jour suite à un retour (sur Facebook) qui me rappelle une anecdote très personnelle (comme quoi les souvenirs mettent parfois du temps à ressurgir). À ma naissance, ma grand-mère paternelle aurait dit : « Il vivra pas c’ui-là. » Il est vrai qu’elle avait déjà vu d’autres nourrissons disparaître prématurément et que dans son esprit la descendance familiale était déjà bien assurée puisque je suis le 4ème. Mes parents, de culture catholique pratiquante, auraient pu tenir compte de son impression mais ils ne l’ont pas fait. J’aurais pu moi aussi être ondoyé !
Mise à jour du 08/12/2018. Je m’aperçois que j’ai oublié dans mes ancêtres directs Renée Thérèse Chemineau, « baptisée à la maison dans un cas de nécessité ». Je la rajoute donc à ma liste d’aïeux ondoyés. C’est d’autant plus dommage de ne pas en parler que l’histoire est finalement belle : elle est née et ondoyée à Nueil-sous-les-Aubiers le jour de Noël, le 25 décembre 1730.
Encore un sujet qui nous interpelle ! Ces actes nous en révèlent beaucoup sur ces périodes où l’accouchement était un moment à haut risque. Le choix des matrones se décidait plus sur leur valeur religieuse que sur leur qualité d’accoucheuse. Sur un acte de Montilliers (49) en 1735 vue 41/351, on peut lire : la mère n’ayant pu accoucher « entièrement », … « la matronne a baptisé son enfens sur un bras au passage qu’elle a déclaré avoir vû remuer… » La mère mourra une heure après son enfant.
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Effectivement Mauricette, il valait mieux être bonne chrétienne que bonne sage-femme pour être matrone. Sylvie a déjà remarqué cela dans un article. En voici le lien : https://arbredenosancetres.wordpress.com/2015/04/20/sage-femme-assermentee-a-sainte-pezenne/
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Merci aussi à Sylvie : c’est la première fois que je vois un serment de sage-femme. Encore une piste de recherche …
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