Nous avons vu dans l’article d’hier (P comme Plan) que très souvent le meunier alimente son moulin par un bief, ce canal qui conduit l’eau de la rivière jusqu’à la roue.
Nos ancêtres meuniers vivent et travaillent sur plusieurs rivières : le Dolo dans le Bressuirais, l’Autize en Gâtine, la Sèvre niortaise et les ruisseaux qui l’alimentent dans le niortais. Tous ces moulins sont tributaires du débit.
Pour savoir de façon plus précise quel était le débit des cours d’eau, on peut se reporter au site Banque Hydro. On y accède à des chiffres récents concernant l’écoulement des rivières et, même s’il y a eu des changements en 3 siècles, ce sont de bons indicateurs. À titre d’exemple, voici, sur l’année 2008, les débits de la Sèvre niortaise et de l’Argenton (où se jette le Dolo)


Ces graphiques montrent un écart du simple au double entre l’écoulement mensuel de la Sèvre et celui de l’Argenton. De plus, la Sèvre dispose d’eau toute l’année alors que l’Argenton (et à fortiori le Dolo) a un débit très très faible en été et au début de l’automne.
Par contre, ces mêmes graphiques nous montrent des pics de fort débit, liés à des pluies importantes, qui provoquent parfois des crues.
C’est le cas de la Sèvre niortaise qui, même s’il est un cours d’eau calme, sort parfois de son lit. Depuis la fin du XIXe siècle les crues les plus marquantes ont été recensées :
– 1872 (crue avec des inondations de maisons à Marans (Charente-Maritime),
– 1904 (inondation exceptionnelle du bourg de La Ronde (Charente-Maritime), les digues séparant marais mouillés et marais desséchés ont failli être submergées en Vendée,
– 1936 (conjonction de pluies importantes et de petits coefficients de marée, 1500 ha couverts de 2 mètres d’eau, plus hautes eaux connues à Niort),
– 1982 (le débit mesuré à Niort était de 329 m3 par seconde)
– 1995 (crue d’environ 250 m3 par seconde).
Pour le XVIIIe et le XIXe siècle, on peut se référer au site du Cercle généalogique poitevin qui a repris les données climatiques de la France et les complète par des témoignages en Poitou. Ainsi, on y apprend que l’ouest de la France a connu des inondations en janvier 1686, février et septembre 1698, juin 1709, novembre 1710, février 1711, juin 1712, janvier 1716, juillet 1720 (année de peste noire) et 1727. Ces phénomènes, finalement assez fréquents, ont sans doute touché les meuniers sur le Sèvre. Nul doute que mes ancêtres des moulins d’Anne, Comporté … aient eu maille à partir avec la montée des eaux.
Pour conclure, je laisse la parole à Michelle Clément-Mainard laquelle, dans son roman La Grande rivière, évoque une crue au moulin de la Bêchée d’Augé. En janvier 1687, le moulin des Jamonneau sur le ruisseau de Cathelogne (qui alimente la Sèvre) sort de son lit !
« À la Bêchée, l’eau atteignit la maison le lendemain du jour de l’An 1687.
Elle se coula en nappe tranquille sous la porte, noya le feu dans l’âtre et continua sa placide montée. L’eau prenait possession de son nouveau domaine sans fureur ni violence. Indifférente. Assurée de sa force. Silencieuse et indolente face à l’agitation et aux cris des humains.
Belle-Marie*, Nanette et la mère, jupons troussés, hurlaient leurs ordres en même temps :
– Vite, Michel ! Grouille de démonter la bonnetière !
– Jacquet ! La maie ! Sur la table, la maie ! Pas de même, grand sot, de l’autre sens !
– Attention, Louis ! Le vaisselier porte à faux, sur les fagots, mets-y une cale ! Non, pas sous ce pied, non-on-on ! Doux Jésus ! »
* Quelques années plus tard, Belle-Marie, la fille aîné de la maison, épousera mon ancêtre meunier Isaac Rouvreau.
Sources :
L’eau en Poitou Charentes
Le climat en Poitou
Michelle Clément-Mainard. La Grande rivière. Fayard et Livre de poche
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