
Au recensement de 1872 de Saint-Laurs, on trouve beaucoup de mineurs recrutés loin de la commune ou de la proche Vendée. Pourtant, certains locaux ont fait ce nouveau métier dans la région. C’est le cas du chef mineur, François Mitard, 55 ans, qui habite le coron à proximité du puits Sainte-Clotilde avec son épouse et 4 enfants.
François Mitard est né en 1817 à Puy-de-Serre, tout près en Vendée. Il est le fils de Louis Mitard journalier et de Jeanne Denis. Sans doute pour échapper à une condition paysanne peu enviable, François et son jeune frère prénommé Louis comme leur père profitent de l‘ouverture des mines à Faymoreau pour y travailler en tant que mineur dès 1846. Cette même année, François Mitard se marie avec la fille d’un tisserand, Victorine Cottreau. Au cours des 18 premières années de leur mariage, ils auront 9 enfants : 5 filles et 4 garçons. L’aînée Louise décèdera à l’âge de 5 ans.
Les frères Mitard ont-ils bien fait de choisir ce métier difficile et dangereux ? Pour Louis, ce ne fut assurément pas le cas. Il décède sans doute accidentellement à la mine de Bois-Ménias de Faymoreau en 1851 à l’âge de 28 ans. Quant à François, il lui fallut bouger souvent sans doute pour être au plus près des mines où il était employé en tant qu’ouvrier. Je le retrouve successivement en Vendée entre 1846 et 1856 à la Tabarière de Chantonnay, à la Verrerie de Faymoreau, à Martinet de Chantonnay, à la Sourderie de Faymoreau. En 1856, il change d’employeur pour travailler à Saint-Laurs dans les mines du marquis de Nettancourt. Et il est promu ; d’ouvrier, il devient maître-mineur, porion comme on dit dans le Nord. À ce titre, il veille à la sécurités hommes, à l’entretien des outils et il doit avertir l’ingénieur dès qu’une réparation devient urgente.
Alors, François Mitard a peut-être fait le bon choix. D’ailleurs, ses 4 garçons vont exercer très jeunes le même métier. Au recensement de 1872, je retrouve donc presque toute la famille, le père, la mère et 6 enfants.
Des 4 filles, ils n’en reste que 3 au domicile familial. L’aînée Marie Constance est déjà mariée. Amandine, Éloïse et Thérèse vont attendre encore 10 ans pour fonder à leur tour une famille.
Des 4 garçons qui auront des destins très différents, il n’en reste également que 3 à la maison.
– L’aîné, Jean-Baptiste, né en 1852 a choisi après son mariage en 1878 de partir travailler dans le Gard, aux mines de La Grand-Combe près d’Alès, sans doute pour un mieux puisqu’il est selon les actes maître mineur, puis agent de la compagnie Châtillon. Il y meurt avant ses 40 ans, vers 1889.
– Jean-Marcelin né en 1856 mineur également n’aura pas le temps de se marier : il décède de fièvre typhoïde en 1879 à 23 ans en Algérie lors de son service militaire au 8e régiment de zouaves.
– François Xavier le benjamin ne reste pas en place. Il travaille à la mine très jeune, il échappe au service militaire pour cause de frère décédé au service et il part en 1887 rejoindre son frère Jean-Baptiste à Alès. Après le décès de celui-ci et un court retour à Saint-Laurs, il quitte la France pour l’Espagne où il déménage beaucoup puisque je le retrouve entre 1890 et 1907 dans différentes provinces du sud de ce pays (Cordoue, Badajoz, Séville, Grenade et Malaga). Qu’allait-il y faire, je l’ignore, mais cela n’avait sans doute rien à voir avec le travail dans les mines vu les localités où il a résidé.
– Et Auguste, le 2e garçon né en 1854, qu’est-il devenu, pourquoi n’est-il pas là ? On travaillait très jeune autrefois. À 12 ans, Auguste était déjà au fond de la mine, aide terrassier travaillant en binôme avec un mineur. Il meurt à une heure du matin, le 12 juillet 1866, au puits de Sainte-Clotilde. Un courrier de la division des mines dépendant du ministère de l’Agriculture dit : « il n’est pas possible de rendre un compte exact des circonstances dans lesquelles a eu lieu l’accident« . La compagnie dégage toute responsabilité et on conclut : « l’accident doit être attribué à une imprudence du malheureux ouvrier qui en a été la victime ». L’imprudence d’un enfant de 12 ans travaillant au fond d’une mine à 1 heure du matin ! La mine était pourtant hors la loi, le travail des enfants de 12 ans la nuit était alors interdit.
François Mitard père a perdu ses 4 fils soit morts prématurément, soit partis loin de Saint-Laurs. Heureusement, il peut profiter de ses 4 filles et ses 4 gendres (dont 2 sont mineurs) qui habitent tout près. En 1890, la mairie lui octroie une médaille pour avoir travaillé plus de 30 années consécutives « exemptes de tout reproche » aux Houillères de Saint-Laurs.

La vie de François Mitard nous apprend que les mineurs travaillaient jusqu’à un âge très avancé quand ils avaient la chance de passer à travers les accidents et les maladies professionnelles. Celle de ses fils nous montre que les enfants devaient commencer très jeunes à travailler, certains dès l’âge de 12 ans, et parfois pas très longtemps quand ils avaient la malchance de laisser leur vie au fond d’un puits comme Auguste Mitard. Les lois sociales sont encore rares et pas toujours respectées.
François Mitard travaille encore en 1891 à la mine de Sainte-Clotilde soit jusqu’à l’âge de 74 ans. Il aura passé plus de 34 ans au fond des mines de Saint-Laurs et plus de 14 ans dans celles de Vendée. 50 années environ sous la terre ! Est-ce que la médaille du travail l’a consolé de la mort d’Auguste ? En 1896, c’est sûr, il ne travaille plus. Il a déménagé pour une maison à Begrolles de Saint-Laurs où il meurt en 1903 âgé de 85 ans, 10 ans avant sa femme Victorine qui décède en 1913 à la Rampière de Saint-Laurs.

Wow, quelles vies… Pauvre enfant surtout, c’est dément d’imaginer ça aujourd’hui 😢
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Je suis admiratif de cette étude de cas relativement complexe à cause du déplacement des protagonistes au cours de leur vie et qui a dû vous demander quelques heures de recherche.
Merci aussi pour l’information sur ce milieu très particulier qu’est la mine et qui nous montre que le métier n’avait rien à envier à celui de paysan.
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Lettre M : une tripe inspiration. Il fallait caser tous ces récits. Mission réussie !
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Bonjour, oui quel travail de recherches, heureusement moins dangereux que la mine. Scandaleux , comme par hasard, chaque fois qu’il y avait un accident, c’était la faure de l’ouvrier, trop facile de la part des dirigeants, surtout pour un enfant de 12 ans!!!
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