
En 1872 Jean Morisset, mon sosa 16, vit à la Geloterie, un hameau de Saint-Laurs, avec son épouse Augustine Vincent, il a 38 ans et son épouse 34. Le couple a 3 enfants, Augustine 11 ans, Auguste (mon arrière-grand-père) 10 ans et Victor 4 ans. À cette époque, Jean est mineur.
Jean voit le jour dans la commune voisine de Saint-Maixent-de-Beugné en 1833. À l’âge de 26 ans, en 1859, il épouse Augustine Vincent, une jeune fille de Saint-Laurs. Avant son mariage et depuis quelques années déjà, Jean est mineur c’est donc tout naturellement que le couple s’installe dans le bourg de Saint-Laurs. De son côté, comme beaucoup de jeunes femmes de l’époque, Augustine exerce le métier de couturière. L’année suivante, une fillette vient au monde, mais l’enfant ne vit que quelques jours. En 1861 le couple accueille une petite Augustine. La famille vit alors à la Geloterie, c’est là que naissent aussi leurs deux garçons, Auguste et Victor.
Peu de temps après, dès 1876, Jean quitte la mine. Il devient alors, selon les actes, bordier, cultivateur ou journalier. Il ne reprendra plus le chemin des puits. Il vivra longtemps et s’éteindra en 1916, à l’âge de 82 ans.
C’est son fils, mon arrière-grand-père Auguste, qui prend le relais au fonds du puits. Auguste Morisset ne semble pas avoir travaillé jeune à la mine (en tout cas aucun acte ne le mentionne). Au moment de son mariage avec Fleurentine Morisset, il est domestique dans le village voisin d’Ardin. Mais après leur union, il revient à Saint-Laurs, s’installe dans le hameau de la Bruyère et part travailler à la mine.

En 1896, il participe sans doute à la grande grève qui éclate le 4 février. Les mineurs sont alors syndiqués avec ceux de Faymoreau. Le conflit éclate après la décision de la direction des Houillères de renvoyer une vingtaine d’ouvriers et d’en mettre une dizaine d’autres à la retraite. Des pourparlers s’engagent entre les 2 parties mais sans succès. Pendant ce temps, aucun ouvrier ne travaille hormis les maîtres-mineurs. Outre le non renvoi des ouvriers, les grévistes demandent aussi à travailler 5 jours au lieu de 6 et à obtenir un salaire journalier porté à 4 francs 25. Le député Disleau est bientôt choisi comme médiateur par les grévistes. Le conflit est dur et il conduit même à l’agression du délégué syndical Dieumegard, attaqué par 5 à 6 individus en regagnant son domicile. Ses cris mettent les agresseurs en fuite et Dieumegard s’en tire avec une épaule fracturée.
Vers le 25 février, une entente semble possible entre la direction et le représentant des mineurs. Cependant, et ce malgré l’intervention du Maire de Saint-Laurs et du Préfet des Deux-Sèvres, l’administration (les propriétaires des mines) rejette catégoriquement la médiation. Les mineurs n’obtiendront finalement pas grand-chose : un engagement de ne plus faire de renvois d’ouvriers à l’avenir et une promesse d’augmentation de salaire… quand le prix du charbon augmentera.
Cette grève de 40 jours a durement touché les ouvriers et leur famille. Le Mémorial des Deux-Sèvres qui a suivi le conflit et pris parti pour les ouvriers ouvre bientôt une souscription en faveur des mineurs grévistes.
Les ouvriers ont aussi prit conscience que leur association Saint-Laurs/Faymoreau n’est pas viable : ils ne dépendent pas de la même compagnie et sont sur 2 départements différents. C’est pourquoi, après la grève, les mineurs de Saint-Laurs créent leur propre chambre syndicale lors d’une assemblée générale qui réunit 103 travailleurs. Auguste Morisset fait partie du bureau, il est élu en tant que trésorier-adjoint, je retrouve sa signature au bas de l’acte officiel fondateur le 5 juin 1896.

En élaborant ce document, les mineurs souhaitent entre autres que le salaire soit fixé en fonction du danger du travail effectué et que la journée de travail soit de 8 heures. Le syndicat veut gérer les conflits entre mineurs et avec la direction. Il souhaite obtenir justice après les accidents pour les blessés (où les morts) et leur famille et pouvoir faire l’avance des sommes nécessaires aux proches. Il veut permettre aux mineurs de bénéficier d’un Conseil de Prud’homme. Enfin, il énonce la mise en place d’une caisse de secours.
Le conseil d’administration est composé de 12 membres élus ainsi que d’un bureau élu. Le conseil fixe les assemblées générales avec ordre du jour et rapport, elles ont lieu le 4e dimanche du mois. La société est ouverte aux mineurs en exercice et aux anciens mineurs, lesquels doivent être cooptés par 2 autres membres. Le droit d’entrée est de 2 francs auquel s’ajoute une cotisation mensuelle de 50 centimes.
Le texte élaboré par ce groupe de mineurs s’est inspiré de ce qui a été fait ailleurs, à Faymoreau notamment. Le syndicat répond au besoin d’aide et d’accompagnement des mineurs et de leur famille. Il se veut force de discussion avec la direction, souvent peu sensible au sort des ouvriers. Il devient un outil indispensable aux mineurs qui vont rapidement y adhérer.
Mon arrière-grand-père Auguste Morisset, comme son père avant lui, quitte bientôt la mine pour revenir aux travaux des champs, il laisse alors sa place au syndicat. En 1901, il redevient paysan et le restera. Mais son engagement, et celui de quelques autres, a permis une avancée sociale pour les ouvriers, alors que, du temps de son père, en 1872, aucune protection n’existait pour les travailleurs de la mine de Saint-Laurs.

Bonjour. Votre article est très intéressant. Bravo. Mon ancêtre Alphonse Morel a fait partie des mines de St Laurs. Il s’y marie en 1878. Il habite à la Rampière en 1879 et 1882. Il était ouvrier mineur et chauffournier. Puis poseur, il a du participer à la confection de la ligne vers Thouars ou il s’installe à partir de 1886. Je n’ai pas trop d’informations sur son séjour à St Laurs. Cordialement
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Merci ! Mineur et chaulier sont 2 professions que l’on rencontre beaucoup à St-Laurs. Alphonse Morel est arrivé dans la commune en 1879, donc juste après le recensement de 1872 qui sert de base à ce challenge, il a du connaître nombre de personnes évoquées ici
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