Littérature et généalogie
Les noces barbares : l’enfance en danger.
La littérature s’est beaucoup intéressée à l’enfance maltraitée. Depuis le XIXe siècle, les exemples sont nombreux, de Jules Renard avec Poil de carotte à Jules Vallès avec L’enfant. On trouve également des situations difficiles dans les romans de la comtesse de Ségur (Les malheurs de Sophie, Un bon petit diable…) ou chez Victor Hugo (Les misérables), pour ne citer qu’eux. Au XXe siècle, les romans pour adolescents apparaissent : Les oreilles en pointe, premier volume d’une trilogie de Serge Perez, évoque une enfance difficile entre école et famille, Joyce Carol Oates montre l’emprise d’un père sur sa fille dans Zarbie les yeux verts. La BD l’aborde aussi, comme récemment avec La favorite de Matthias Lehmann.
Le titre sur cette thématique qui a marqué la première moitié du XXe siècle est bien sûr Vipère au poing d’Hervé Bazin. Mais, dans les années 80, il se voit relégué par Les noces barbares de Yann Queffélec. Le roman obtient le Prix Goncourt en 1985. Il va avoir un énorme succès et sera même adapté au cinéma deux ans plus tard. L’auteur y raconte l’histoire de Ludovic, enfant rejeté par une mère trop jeune mais aussi par ses grands-parents. Il vit ses premières années caché dans un grenier et l’arrivée d’un beau-père bienveillant ne suffira pas à le protéger de sa mère. Pourtant, ce que souhaite Ludovic plus que tout, c’est l’amour de cette mère qu’il redoute et aime en même temps.
Du temps de nos ancêtres, l’enfant n’est guère au cœur des préoccupations : on ne s’attache pas aux bébés qui risquent fort de mourir, on attend des enfants qu’ils fassent au plus vite leur part de travail car ils sont des bouches à nourrir. Très jeunes, on les envoie travailler dans d’autres fermes contre un salaire dérisoire donné aux parents. La noblesse et les classes aisées ne traitent guère mieux leurs descendants : ils sont mis en nourrice, élevés par des bonnes ou des gouvernantes et n’entretiennent que peu de rapports avec leurs parents. La maltraitance existe, même si elle n’est pas perceptible aux généalogistes que nous sommes quand nous nous penchons sur les actes de naissance ou décès.
Difficile d’en trouver trace dans les actes courants, il faut aller vers d’autres sources comme les archives judiciaires pour en avoir des exemples. Mais on peut deviner cette maltraitance avec la menace du martinet dans certaines familles ou encore les histoires d’infanticides et de nourrissons enterrés au fond des jardins qui circulent dans les campagnes ou les familles.

Dans les romans, ce sont le plus souvent les mères qui sont les bourreaux car ce sont elles qui enfantent, avec une part de grossesses non désirées, et ce sont elles qui ont en charge l’éducation.
La littérature, en parlant de l’enfance maltraitée, permet de se souvenir des petits oubliés de nos généalogies.
Pour le coup je ne peux pas ne pas citer Aliuce Miller ici qui revient sur la violence éducative et les préceptes d’éducation du XIXe siècle absolument terribles pour qui le lirait aujourd’hui. Pourtant la maltraitance et la violence éducative – Alice Miller précise que le principe même d’éducation sous tend la violence – est encore une réalité qu’on deplore…
Sujet très intéressant au reste que les généalogistes ne peuvent pas déceler ou très difficilement. Il est très probable que la majorité de nos ancêtres ait eu à subir une éducation pour le moins rude…
J’aimeAimé par 2 personnes
Je suis restée sur des titres fictionnels, et je trouvais déjà qu’il y avait beaucoup de titres cités dans cet article (j’ai du mal à me limiter !). Cependant, je suis tout à fait d’accord, Alice Miller s’impose sur ce sujet, son travail sur l’enfance et la violence dans les relations familiales est de première importance, merci de la citer.
Quant à nos ancêtres, même si nous n’avons pas beaucoup de traces écrites, leur enfance ne devait guère connaitre l’insouciance.
J’aimeJ’aime
Malgré tout notre amitié pour Anne Queffélec, je n’ai pas pu lire le terrible récit de son frère Yann. D’autant que dans leur famille ils sont privilégiés de par leur héritage artistique. La noirceur du roman m’a bouleversée dès les premières pages. J’éprouve plus de sérénité à écouter le piano de sa soeur Anne.
J’aimeJ’aime