Littérature et généalogie
Le labyrinthe du monde : raconter son histoire familiale.
Le labyrinthe du monde est une trilogie autobiographique écrite par Marguerite Yourcenar. Elle comprend 3 volumes : Souvenirs pieux, Archives du nord, Quoi ? L’éternité, et est centrée sur sa famille et à ses premières années. Dans le choix des titres elle pose déjà son travail de généalogiste. Souvenirs pieux évoque ces petites images émises au décès d’un proche et que l’on glissait dans un missel. Archives du nord évoque l’établissement lillois qu’elle sollicita au cours de la rédaction de son livre pour obtenir des documents sur ses ancêtres paternels flamands, les Cleenewerck de Crayencour. Avec Quoi ? L’éternité, elle interroge la trace que laisse une famille dans le temps.
Le premier volume, Souvenirs pieux, est consacré à la famille maternelle de Marguerite et commence par le récit de sa naissance : un récit froid et clinique, presque détaché, qui se termine par sa naissance mais aussi par la mort de sa mère Fernande une dizaine de jours plus tard. L’auteure remonte ensuite le temps grâce à des documents retrouvés après le décès de son père : elle évoque la rencontre de ses parents, la grossesse… Elle s’attache à sa branche maternelle, une famille noble de Belgique, en s’arrêtant plus longuement sur certains personnages. Ainsi, elle évoque Mathilde, la mère de Fernande, qui mit au monde 11 enfants. Ici, à la différence des pages sur sa propre naissance, elle trouve d’autres mots pour évoquer les grossesses avec son lot de craintes, de peurs et ses joies.
Si l’on réfléchit que quelques fausses couches s’intercalent d’ordinaire, dans ces familles nombreuses, dans la série des naissances, si l’on songe d’autre part que les relevailles d’une dame signifient à l’époque six semaines de chaise longue, c’est plus de dix ans de ces dix-huit années de mariage que Madame Mathilde a passé au service des divinités génitrices. Dix ans écoulés à compter les jours en se demandant si oui ou non elle était « prise », à subir ces petits inconvénients de la grossesse, à préparer la layette du nouveau venu en réutilisant celle de ceux qui, morts ou vivants, l’ont précédé, et plus discrètement, à assembler chaque fois dans un de ses tiroirs les éléments de sa propre toilette mortuaire, portant épinglées de timides dernières volontés, pour le cas où Dieu voudrait à cette occasion la rappeler à lui.

Dans les 3 tomes de la trilogie, Marguerite Yourcenar part d’une simple histoire familiale comme il en existe beaucoup et fait œuvre de création littéraire. Elle qui a choisi pour nom de plume l’anagramme de son nom « Crayencour » se pose en généalogiste. C’est dès 1921, à l’âge de 18 ans, qu’elle élabore ce projet avant de l’abandonner pour en reprendre l’écriture en 1969. Elle utilise une large documentation qui comprend des lettres, des photos, des témoignages écrits et oraux, des souvenirs pieux, des monographies historiques et locales… « Elle essaie de retranscrire les événements familiaux au plus près de la vérité historique qui émerge des sources. » Son talent est de donner vie à ses personnages, de raconter une histoire familiale presque universelle qui a influé sur ce qu’elle est devenue.
Je ne me suis jamais lancé dans l’oeuvre de Yourcenar mais j’avoue que ce billet donne envie. Raconter son histoire familiale est une aventure extraordinaire et le simple fait d’avoir réussi à pondre une trilogie est déjà remarquable… Je ne parle pas du talent de Yourcernar, évidemment.
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Marguerite Yourcenar avait la chance de disposer de beaucoup de matériaux pour écrire sa trilogie, et quand on ajoute le talent ça transforme un récit.
Une lecture pour l’été alors !
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Ah la grande Marguerite… J’ai lu ses oeuvres quand la télé, avec « Apostrophes » la fit connaître au grand public à la fin des années 70 (on a la jeunesse que l’on peut). A l’époque, la composante généalogique, pourtant évidente, ne m’avait pas frappé. La langue, le style l’emportaient.
Aujourd’hui, en voyant ce post ici, je me dis qu’il serait amusant de trouver un cousinage. Pas impossible car j’ai une branche de « notables » du Nord et ces gens là organisaient des unions dans un périmètre géographique autrement plus large que les gens ordinaires. Amusant oui, mais somme toute très peu probable.
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Oui, oui, je me souviens moi aussi de Marguerite Yourcenar à « Apostrophes ».
Et même si trouver un cousinage avec elle n’est qu’une hypothèse, il peut-être intéressant de regarder son arbre généalogique (je n’ai mis ici qu’un extrait).
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