
En 1872, le curé de Saint-Laurs s’appelle Benjamin Talbot. Il n’était bien sûr pas embauché par les mines mais dépendait du diocèse de Poitiers. Il n’empêche, au XIXe siècle à Saint-Laurs, les propriétaires des Houillères se préoccupaient de religion et les curés s’intéressaient aux mineurs puisqu’ils faisaient partie de leurs ouailles.
Après la Révolution, dans les Deux-Sèvres, les vocations d’instituteurs naissaient le plus souvent au sud du département, terroir traditionnellement plus laïque et républicain, et ils commençaient leur carrière au nord. Et pour les curés, c’était le contraire. Leur foi s’éveillait au nord du département de tradition plus catholique et ils se retrouvaient à desservir les églises plus au sud. C’est ce qui arrive à Saint-Laurs car le curé Benjamin Talbot est issu du Bressuirais. Il est le fils de Charles Talbot, teinturier et de Jeanne Brossard, né à La Chapelle-Saint-Laurent le 27 décembre 1834, avant-dernier d’une grande fratrie.
Il suit sans doute le cursus habituel des curés du diocèse de Poitiers, petit séminaire à Montmorillon et grand séminaire à Poitiers. En 1862, il est nommé curé à saint-Laurs pour remplacer Alphée Galland et s’occuper de l’église dédiée à Saint-Laurent. Il va y rester 24 ans.

En 1872, Benjamin Talbot réside au presbytère avec sa mère veuve depuis 4 ans jusqu’au décès de cette dernière en 1881. Sa sœur Victorine également veuve le rejoint à partir de 1876. Les domestiques se succèdent à la cure : Marie Martineau en 1866, Joséphine Largeau en 1872, Marie Gaudelain en 1876, Cécile Gelin en 1881. Pendant son séjour, le presbytère connait quelques réparations nécessaires financées par la fabrique, sans subvention de la mairie.
Le curé doit tenir compte de la présence des mines dans sa paroisse. Il sait que les propriétaires des Houillères sont des fervents catholiques. Le marquis de Nettancourt a donné des noms de saints (Sainte-Claire, Sainte-Clotilde, Sainte-Marie et Saint-Laurent) aux quatre puits qu’il exploite. Ses successeurs ont favorisé l’implantation d’une école de filles tenue par des religieuses. Ils ont participé à l’entretien de l’église en faisant installer une tribune près du portail, en finançant l’installation d’une statue de sainte Barbe, la patronne des mineurs, et la reconstruction de la nef et il le feront à la fin du siècle en offrant 2 vitraux représentant saint Laurent, patron de la paroisse et sainte Barbe, patronne des mineurs.
Petit encart culturel : qui est sainte Barbe et pourquoi est-elle la patronne des mineurs ? La légende de Barbe est celle d’une jeune fille qui vit au IIIe siècle en Bithynie (Turquie actuelle). Son père, Dioscore, voyant que Barbe s’est convertie au christianisme et qu’elle refuse de se marier, l’enferme dans une tour. La jeune fille réussit à s’enfuir et se cache dans une grotte mais son père la retrouve et la traîne devant le gouverneur romain qui la supplicie. La jeune fille refusant toujours d’abjurer sa foi, le gouverneur ordonne à son père de lui trancher la tête. Dioscore obéit mais il est aussitôt châtié par le ciel puisqu’il est foudroyé.
Comme Barbe s’est cachée dans une grotte, elle est la patronne de ceux qui vivent sous la terre comme les mineurs. Et comme son père a été foudroyé, elle protège contre la foudre mais aussi contre le coup de grisou. Sainte Barbe est célébrée chaque année le 4 décembre, jour chômé pour les mineurs.
Benjamin Talbot se préoccupe du sort des mineurs : il se désole auprès de l’évêque de ne pas les voir nombreux à la messe le dimanche mais il les comprend car il sait qu’ils travaillent 72 heures par semaine et ont besoin de se reposer ou de cultiver leur jardin. Lors des offices, les mineurs présents se tiennent dans la nef à droite et les autres gens de la paroisse prennent place à gauche.
Benjamin Talbot arrête son sacerdoce en octobre 1886 et est remplacé par son neveu Édouard Maria, curé comme son oncle. Benjamin Talbot décède 2 mois plus tard, le 11 décembre 1886 à Saint-Laurs. Sur son acte de décès, son neveu le qualifie de prêtre en retraite tandis que la fiche de renseignements des ecclésiastiques du diocèse dit qu’il est démissionnaire.

72 h par semaine, un véritable esclavage!!!
Mineurs à droite dans l’église et les autres personnes à gauche, discrimination??
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