Au début de l’an VIII de la République (fin 1799), René Geay, petit-fils de mes ancêtres François Geay et Catherine Forestier, vit du travail de la terre dans une ferme du bocage bressuirais des Deux-Sèvres. Il est comme tant d’autres soulagé de voir revenir la paix petit à petit dans la région dévastée par les guerres de Vendée, de pouvoir reprendre ses activités agricoles sereinement. Né vers 1750, il habite à Clessé avec sa seconde épouse, Madeleine Roy, et la fille que celle-ci a eu d’un premier mariage.
Le 13 brumaire de cette année (4 novembre 1799), René Geay, aidé de l’agent communal Motet, prend au piège un loup âgé d’environ 1 an et il en prélève la tête et la peau.
Les loups en Poitou étaient donc encore présents. L’animal, surtout quand il était enragé, était considéré comme un fléau pour les populations rurales.

Les Deux-Sèvres au XVIIIe siècle avaient connu des attaques meurtrières de loups aux Alleuds, à Vanzay, à Chiché, à Etusson et à Aubigné. Il fallait donc le combattre et même l’éliminer. La politique d’éradication de la bête avait commencé dès l’Ancien régime. La Fontaine en témoigne dans la fable « Le loup et les bergers » : Le Loup est l’ennemi commun : Chiens, Chasseurs, Villageois s’assemblent pour sa perte.
Cette volonté d’extinction de l’espèce se perpétue sous la République. Celle-ci était d’autant plus nécessaire dans la région que, suite aux ravages de la guerre civile, les loups étaient sans doute plus nombreux et hardis. Pour encourager la « destruction » des loups, la loi du 10 messidor an V (28 juin 1797) accordait différentes primes : 50 livres pour une louve pleine, 40 livres pour un loup ou une louve non gravide et 20 livres pour un louveteau. La prime montait même à 150 livres « lorsqu’il sera constaté qu’un loup, enragé ou non, se sera jeté sur des hommes ou des enfants. » La tête de l’animal devront être envoyés au chef-lieu du département en même temps que le procès-verbal qui sera dressé par un agent municipal dans la commune la plus voisine du domicile du chasseur. Alors, un mandat serait délivré auprès du receveur sur les fonds spécifiques.
12 jours après la mort de la bête, le 25 brumaire, notre brave René Geay se présente donc à Parthenay devant les administrateurs du canton avec la peau et la tête du loup comme il est demandé par la loi. L’animal est reconnu comme étant un loup par ces derniers. Pour éviter d’ éventuels trafics, les oreilles du loup sont coupées et on rédige le procès verbal qui permettra à René Geay de toucher l’argent auquel il a droit. Cette somme était sans doute intéressante pour un paysan dans une région à reconstruire : les 40 livres auxquelles il pouvait prétendre correspondent aujourd’hui à 690 euros.
À la fin du procès verbal, René Geay déclare ne plus pouvoir signer à cause de la faiblesse de sa vue. On comprend mieux pourquoi il a utilisé le piège plutôt qu’une arme à feu pour « détruire » le loup : il aurait raté sa cible avec un fusil !
Sources
– Université de Caen : Homme et loup, 2000 ans d’histoire
– AD79 : L 228
– Généa79 : Loups meurtriers dans les Deux-Sèvres

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