Raymond a évoqué il y a quelques jours ses ancêtres soignants, pour ma part je n’ai pas de médecins parmi mes aïeux. Par contre, j’ai un apothicaire, Pierre de Villiers, qui vécut au XVIIe siècle à Niort, c’est lui et sa famille que j’ai choisi d’évoquer aujourd’hui.
J’ai découvert beaucoup d’informations le concernant dans le fonds Laurence* conservé par les AD79, j’y ai aussi trouvé la confirmation de ce que je connaissais déjà grâce à d’autres sources, notamment l’état civil. Grâce à ce fonds, et aux renvois vers d’autres fiches, il est relativement aisé de repérer les familles. Pierre est mon sosa 2130 à la génération 12, il est le fils de Philippe de Villiers et de Marguerite Chenereau. Pierre voit le jour le 1er octobre 1599 à Niort, paroisse de Notre-Dame, avec son frère jumeau Jonas, lequel ne semble pas avoir vécu. Au moins un autre fils, Philippe, et une fille, Jeanne, viennent agrandir le foyer. Le père est écuyer, marchand, juge consul, il porte aussi les titres de seigneur de la Porte-Bouton et seigneur de la Frégaudière. Si j’en crois le Beauchet-Filleau, le dictionnaire des familles nobles du Poitou « La famille de Villiers a fourni sans interruption pendant plus de 2 siècle des maires et des échevins au corps de la ville de Niort, d’où nous la croyons originaire ».
Ma famille vit donc à Niort, au début du XVIIe siècle, la ville qui compte une forte population huguenote se relève des guerres de religion. Ces conflits ont durement éprouvé la région, la misère est grande et, en 1603, une épidémie de peste a fait des ravages dans la cité. En 1629, Pierre de Villiers, qui a alors 29 ans, épouse Madeleine Escotière une jeune fille instruite, puisque, comme son époux, elle signe sur les divers documents que j’ai pu consulter, elle est sans doute originaire d’une famille de Parthenay. Toutefois, je n’ai pas son acte de mariage, mais là encore ce sont 2 mentions dans le fonds Laurence qui me l’apprennent.

Pierre va passer toute sa vie dans la paroisse de Notre-Dame à Niort. Notre-Dame est l’église du cœur de la ville, à l’intérieur des remparts, près du donjon et de la grande halle. Ce marché, construit au XIIIe siècle et qui selon Jean II le Bon, en 1354, était « la plus grande et la plus belle cohue du royaume de France », est en ruines. Il occupe encore le grand espace de l’actuelle rue Victor Hugo au pied du donjon ; la halle sera détruite bien plus tard, en 1793, pour fluidifier la circulation.

Pierre est apothicaire dans cette cité, il exerce peut-être son métier près de la halle car la famille de Villiers possède des maisons dans ce quartier. De la relation entre Pierre et Madeleine naissent, entre 1630 et 1644, au moins 12 enfants, 7 filles et 5 garçons. Sur chacun des actes de baptême des bébés est noté la profession du père, il est maître apothicaire avec parfois ajouté marchand apothicaire, c’est donc une profession qu’il a exercé au long de sa vie.

Pierre de Villiers doit réserver une partie de sa demeure à sa pratique et à la vente de ses potions. Étant maître apothicaire, il a suivi une formation de plusieurs années auprès d’un maître sans qu’aujourd’hui je ne sache où, ni auprès de qui. Il se contente peut-être de préparer des remèdes mais il est possible qu’il soigne aussi ses patients. Cependant, il possède du matériel, du mobilier et bien sûr des livres qui lui permettent d’exercer son art. Il dispose d’ustensiles et de récipients pour élaborer les diverses drogues et préparations. Je peux l’imaginer au milieu des mortiers, cornues, seringues, fioles, tamis, balances, spatules et pots. Il opère dans un local sans doute parfumé par les simples utiles aux préparations, mais aussi empli de l’odeur des sirops, des eaux, des onguents ou des emplâtres en cours de préparation. Pierre est aussi entouré des livres indispensables à sa pratique, même si en ce début de XVIIe siècle ils ne sont pas encore nombreux. La bibliothèque contient aussi d’autres ouvrages qui sont consultés par toutes la famille, il est possible qu’une bible ou un nouveau testament soient conservés dans la maison de ces catholiques, d’autant qu’il a pu hériter d’un certain nombre de volumes de la famille de Villiers. Je n’ai hélas pas d’inventaire après décès pour confirmer mes suppositions.
C’est dans cet univers que vivent Pierre, Madeleine et leurs enfants. J’ai perdu la trace de 2 d’entre eux qui n’ont pas dû atteindre l’âge adulte. 4 meurent dans la petite enfance, dont 3 garçons. Par contre, 5 filles et 1 fils grandissent. Ils deviennent adultes et vont alors quitter le foyer. Pierre assiste peut-être au mariage de l’aînée, Françoise, avec Emery Desbordes, un notaire de Nouaillé-Maupertuis, dans la Vienne. Je n’ai pas trace du mariage, mais un contrat a été passé devant notaire à Poitiers. Pour l’instant, je ne l’ai pas consulté, nul doute qu’il m’en apprenne plus sur la composition de la famille à cette date-là. En revanche, Pierre est décédé en juillet 1658 pour l’union de mon aïeule Marguerite avec Pierre Fléau, seigneur de la Ferrière. Je le sais grâce au contrat passé devant maître Louis Vincent, notaire à Saint-Maxire. Sur le contrat j’apprends donc que Pierre est décédé et que sa veuve demeure maintenant dans la maison noble du Bois-Rattaud à Ardin, avec ses enfants les plus jeunes (au moins 3 des filles). L’époux de Marguerite, Pierre Fléau, vit dans la même paroisse.

La famille a peut-être quitté Niort après le décès de Pierre ou alors Bois-Rattaud n’est qu’une de leurs propriétés. Il semble bien que ce soit la nouvelle résidence de la famille car, en 1660, c’est au tour de Marie, une autre des filles d’épouser dans cette paroisse Michel de Tusseau, seigneur de Leigné. L’acte plutôt laconique m’apprend que mes ancêtres Marguerite de Villiers et Pierre Fléau sont présents ce jour-là. Je suppose qu’un contrat à dû asseoir l’union. Les nouveaux mariés partent s’installer à Champdeniers, sur les terres de l’époux.
Quant à Jacques de Villiers, le seul fils vivant, il semble s’être marié assez tard. À 45 ans, il épouse à Niort Madeleine Juin, la fille d’un marchand. L’acte n’est pas filiatif mais l’âge de l’époux correspond et une Madeleine de Villiers est présente, laquelle paraphe le document, une signature que je connais déjà comme celle de la fille de mes ancêtres. Jacques a peut-être embrassé une carrière médicale comme son père ; son témoin, qui sera aussi le parrain de son seul fils, est Jacques Nouel, docteur en médecine. En tout cas, il habite dans la paroisse de Sansais, un village du Marais poitevin, proche de Niort, et est seigneur de la Croysinière (un titre que je ne retrouve malheureusement pas chez les autres de Villiers). Un autre indice me conforte dans cette hypothèse de la filiation de Jacques : Madeleine Escotière décède le 15 décembre 1677 à Sansais. Il est bien possible qu’à la fin de sa vie, elle soit venue s’installer auprès de son seul fils vivant.
Pierre de Villiers a eu une existence plus courte que son épouse. Il est décédé entre 45 et 59 ans alors que Madeleine Escotière s’est éteint à 70 ans. Ensemble, et malgré les décès de plusieurs enfants, ils ont vu grandir une famille nombreuse. Le tableau serait presque parfait si ce n’est cette mention trouvée toujours dans le fonds Laurence. Une des filles, Madeleine, a eu en 1672 une fille, Radegonde de Villiers, « cujus pater incertus ».

Une naissance illégitime sans doute difficile à accepter pour la famille ! Cependant, Marguerite n’a pas été rejetée par les siens puisque c’est elle qui signe au mariage de son frère Jacques en 1677…
Grâce aux de Villiers, je me plonge dans une famille très différente de mes nombreux ancêtres paysans ! Avec le fonds Laurence, j’ai appris beaucoup de choses sur eux, tellement que j’envisage de poursuivre avec un nouvel article sur les parents de Pierre…
Fonds Laurence : ce fonds d’érudit se compose du dépouillement des registres de Niort, ainsi que d’une reconstitution sur fiches des familles de la ville. Il s’agit de recherches sur l’état social, politique et économique de la ville de Niort, de la fin du Moyen Âge à la Révolution. Il a été déposé à la bibliothèque municipale de Niort en 1956 et est maintenant consultable aux Archives départementales des Deux-Sèvres. Il a été numérisé sur GeneaWiki. Comme le constate Marguerite Morisson dans un article de la revue du Cercle généalogique des Deux-Sèvres* : « En majorité les dates sont fiables. Si des erreurs existent elles sont minimes. » Elle ajoute : « on constate que l’auteur de ce travail a sans doute eu accès à des documents aujourd’hui disparus. Le seul inconvénient, est de ne pouvoir interpréter tous les signes […] dont ces fiches sont truffées. La clé a […] été égarée depuis très longtemps ».
Sources :
Le fonds Laurence sur GeneaWiki
* Marguerite Morisson. Le fonds Laurence. Généa79, N°36, 2001
La pratique de l’art de l’apothicaire au XVIIe siècle. Persée
Ce fonds Laurence est une source très éclairante, et notamment pour retracer l’histoire de Pierre !
Un article très intéressant en tout cas ! Merci Sylvie !
J’aimeAimé par 1 personne
Oui, article très intéressant!! La description de l’apothicairerie, on s’y croirait. Je m’intéresse aux plantes médicinales, aux thés, et tisanes .
J’aimeAimé par 1 personne
Merci à tous les deux ! 🙂
J’aimeJ’aime