N comme Nourrice et Nourisson

En 1872 à Saint-Laurs, le recensement révèle qu’il y a 8 « nourrissons », tous venus de l’hospice de Niort, qui résident dans autant de familles. C’est le cas de Marie Sicault placée chez le mineur Jacques Richard et son épouse Modeste Ripaud. Ces nourrissons ne sont pas tous des bébés : leur âge s’échelonne de 3 mois à 20 ans ! Leur présence a-t-elle un rapport avec l’existence des mines ?

Au XIXe siècle, le service des enfants abandonnés plaçait chez des nourrices les enfants dont ils avaient la charge. Ils pouvaient y rester jusqu’à 20 ans. Un petit salaire était versé à ces femmes, dégressif avec l’âge de l’enfant ainsi qu’une indemnité et un trousseau.
 Saint-Laurs et les communes voisines en accueillent alors beaucoup : nous sommes à la campagne, éloignés des tentations de la vie urbaine pour les enfants sans être trop loin de Niort ; les familles souvent pauvres ont besoin de revenus supplémentaires. À Saint-Laurs, on retrouve ces enfants placés chez des journaliers, des ouvriers, des tisserands et aussi des mineurs. Le service de tutelle continuait à suivre ces enfants qui étaient jugés parfois durement. De même les familles d’accueil étaient surveillées et notées.

Marie Sicault est donc un « nourrisson » âgé de 15 ans placé chez le mineur Jacques Richard et son épouse Modeste Ripaud en 1872. Ce couple s’est constitué en 1844. Cette année-là à Scillé, Modeste Ripaud, couturière de 26 ans, épouse Jacques Richard, domestique âgé de 24 ans. 3 enfants, Adeline, Eugénie et Augustin naissent dans la commune entre 1846 et 1849. Le père est cultivateur mais cela ne suffit sûrement pas pour faire vivre la famille. Vers 1852, il choisit donc de déménager 10 km au sud, à Saint-Laurs et de devenir mineur. Un enfant, Pierre, nait dans le village de la Bruyère où ils résident désormais. Le salaire du père est sans doute insuffisant pour faire vivre une famille de 4 enfants. En 1856, les parents décident de prendre en nourrice un enfant abandonné. Cela apportera quelques revenus supplémentaires et il pourra aussi travailler un jour. Quand Marie Sicault leur est donc confiée cette année-là, c’est un bébé de quelques jours.

La fillette est née peu avant, très discrètement, le 18 mars 1856 à l’hospice de Niort. Sa mère, Marie-Adélaïde Sicault est une domestique, célibataire de 27 ans, originaire de La Chapelle-Saint-Etienne. Elle ne désire ou ne peut garder l’enfant. Qui est le père ? Est-elle le fruit d’une histoire d’amour inaboutie ou d’un viol ? Nous ne le saurons pas. Quand Marie-Adélaïde se marie deux ans plus tard avec un scieur de long, elle ne tente pas de reprendre la fillette qui reste donc chez Modeste Ripaud qui l’élève aidée de son mari mineur, entourée de leurs enfants. Modeste lui a-t-elle donné le sein pour l’allaiter ? Il n’y a aucun acte de naissance d’enfant la concernant en 1856 mais il est possible qu’elle ait perdu un enfant et que cela n’ait pas été consigné dans l’état civil. La famille s’agrandit : Antoine nait en 1862 mais ne vit qu’une année, puis Victor en 1866.

Marie semble être bien tombée et être considérée comme les autres enfants de la famille du mineur. Le registre de placement qui suit les enfants abandonnés note pour Marie Sicault en 1868 « placement convenable santé et conduite bonnes très aimée par ses nourriciers », en 1869 « occupée aux travaux des champs bonne note » et en 1870 « a été très dangereusement malade de la variole très bien soignée par ses nourriciers. bon sujet. » La fillette doit travailler tôt mais elle grandit au sein d’une famille que j’imagine aimante. Le registre de tutelle note : « restée après sa 12e année chez ses parents nourriciers ».

En 1872, elle vit toujours avec sa famille presque adoptive à la Bruyère de Saint-Laurs, le père travaille toujours à la mine, la mère gère la maison. Les 2 garçons aînés sont partis, il sont mineurs comme leur père ; restent les 2 filles de 24 et 22 ans pas encore mariées et le jeune Victor, 8 ans qui sera un jour lui aussi mineur. Et il y a bien sûr Marie qui a déjà 15 ans.

Elle reste avec sa famille d’accueil qui a déménagé au hameau de Tuchaud jusqu’à ce qu’elle se marie en 1880 avec Auguste-André Millet, lui aussi mineur. Baptiste Mathé qui avait épousé entre temps Eugénie Richard déclare être son beau-frère, preuve supplémentaire que Marie appartenait de fait à la famille. Ce jour-là, elle déclare être lingère.

Je ne sais pas lire dans les âmes mais je peux supposer que ce mariage fut heureux. Il vit la situation du couple s’améliorer. Ils quittent Saint-Laurs pour Niort vers 1885. Auguste-André y exerce le métier de domestique puis de chauffeur. Marie est toujours lingère. Ils ont 5 enfants qui grandissent et se marient. Le mariage est aussi long que fécond : Auguste-André meurt à Niort le 20 septembre 1923 âgé de 73 ans. Marie, la petite enfant abandonnée est une vieille dame veuve de 86 ans quand elle décède le 8 octobre 1942 à Niort. Ses parents adoptifs qui s’étaient si bien occupés d’elle étaient morts depuis bien longtemps à Saint-Laurs.

En cherchant ce qu’était devenu Marie-Adélaïde Sicault, la « vraie » mère, je me dis que l’abandon a peut-être été dans ce cas une chance pour l’enfant. Après le mariage de Marie-Adélaïde en 1858 à Arçais avec André Arvand, scieur de long, je la perds complètement de vue. Je retrouve cependant la trace de son mari 45 ans plus tard, en 1901 à l’hôpital de La Flèche (Sarthe) où André Arvand meurt à l’âge de 76 ans, sans profession et sans domicile fixe, « de passage en cette ville ». Sur l’acte de décès, il n’est pas du tout fait mention de sa femme Marie-Adélaïde Sicault. Qu’est-elle devenue ? A-t-elle eu le même destin que son mari ?

Arbre de Jacques Richard et Modeste Ripaud

Arbre de Marie Sicault

3 commentaires sur “N comme Nourrice et Nourisson

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  1. Voilà une histoire qui commence tristement, mais nous sommes soulagés de voir qu’elle continue dans une bonne ambiance pour la petite Marie. Les extraits de jugement sont parfois inquiétants. C’est une bonne idée de les partager avec ce diaporama.

    Aimé par 1 personne

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