
En 1872, Louis Ragueneau est un des nombreux mineurs qui habitent à la Rampière, le village de la commune de Saint-Laurs le plus proche des différents puits. Il a 37 ans et vit avec sa femme enceinte Claudine Chaléat, 37 ans également, et de ses 5 enfants âgés de 2 à 12 ans. Nous sommes 4 ans avant le drame dans la mine qui va frapper cette famille.
Louis Ragueneau est un enfant de Saint Laurs, né le 22 juillet 1834 et frère aîné d’Auguste né 3 ans plus tard. Il n’a pas 16 ans quand il se retrouve orphelin de ses 2 parents, Marie Verdon, morte en 1849 et Jacques Ragueneau décédé en 1852. Ce dernier, selon les actes a été chaulier, bordier, journalier. À la toute fin de sa vie, il était sans doute machiniste aux houillères.
Même si des oncles sont présents et aident les 2 enfants, il leur faut travailler et ils sont embauchés à la mine de Saint-Laurs. Les 2 garçons ont reçu un peu d’éducation puisqu’ils savent lire et écrire. Auguste va très vite faire sa vie dans la commune voisine de Faymoreau où il se marie et devient surveillant aux mines. Quant à Louis, peut-être grâce à ses compétences, il a l’opportunité vers 1855 de travailler dans le bassin minier de Saint-Jean-Bonnefonds près de Saint-Étienne (Loire). C’est là qu’il rencontre celle qui devient sa femme le 31 octobre 1857, Claudine Chaleat, repasseuse, fille de Louis Chaleat, propriétaire et Marguerite Rossillol.
Un premier enfant, Agathe, nait à Saint-Étienne en 1860. 2 ans plus tard, Louis revient à Saint Laurs avec femme et enfant mais aussi son jeune beau-frère, Barthélémy Chaleat, toujours pour travailler aux mines. La famille s’installe à Bigrolle, puis aux Landes avant de se fixer à la Rampière. La famille s’agrandit entre 1862 et 1870 avec successivement Barthélémy, Zélie morte en bas âge, Marie, Auguste et Louis. Début 1872, lors du recensement, Claudine est enceinte de Gabriel qui naîtra en août. La mère s’occupe de la maison et des enfants, le père rapporte le salaire pour les faire vivre. Il travaille au puits Sainte-Clotilde. La famille élargie est restée proche. On fréquente Auguste, le frère de Louis, et Barthélémy, le frère de Claudine.

Malheureusement, 4 ans plus tard, la famille va connaître un drame si fréquent chez les mineurs au XIXe siècle. Le 17 juin 1876, au fond de la mine Sainte-Clotilde, un éboulement se produit. Il provoque la mort de Louis Ragueneau à l’âge de 41 ans. Comme souvent, les Houillères déclinent toute responsabilité : « l’ouvrier a péri sous un éboulement que son imprudence seule aurait provoqué ». Le père laisse une veuve et 6 orphelins âgés de 4 à 16 ans qui vont devoir grandir vite.
Aux AD79 sont conservés différents rapports concernant des accidents, souvent mortels, aux mines de Saint-Laurs. L’état civil et la presse ont aussi permis de découvrir d’autres décès accidentels. On pouvait mourir étouffé sous un éboulement, d’une chute dans la mine, écrasé par une benne ou une tonne, asphyxié par manque d’air. Le grisou redouté des mineurs ne semble pas mis en cause. L’entreprise se défend à chaque fois de toute responsabilité invoquant l’imprudence d’un ouvrier, la négligence d’un machiniste ou la position périlleuse d’un mineur. Elle est toutefois considérée comme responsable d’un décès en 1854 ainsi que d’autres accidents comme il est écrit dans un courrier : « Le malheureux événement est le troisième depuis un an accuse de la part de la Compagnie un défaut de vigilance dans les soins à prendre pour la sûreté des ouvriers. » Un autre rapport en 1870 dit que « l’opinion s’émeut toujours des accidents multipliés qui arrivent à cet établissement ». J’ai établi une liste loin d’être exhaustive des décès à la mine au XIXe siècle. Je n’ai mis que ceux qui étaient documentés mais je suis persuadé qu’il y en a davantage.
date de l’accident | mineur décédé | métier | âge | circonstances | |
18 août 1839 | Jacques MANGOU | 50 | ? | ||
18 septembre 1846 | Augustin LARDY | 13 | éboulement | ||
19 mai 1851 | Charles SUIRE | mineur | 25 | chute de 4 mètres | |
19 juillet 1853 | Victor GUEDON | mineur | 16 | éboulement | |
10 janvier 1854 | Pierre AUBRIT | manœuvre | 17 | éboulement | |
30 mai 1854 | Pierre DAVIET dit FERRET | mineur | 23 | écrasé par goudron, « faute de la compagnie » | |
13 février 1857 | Augustin BONNEAU | manœuvre | 13 | écrasé par une tonne, « faute d’un ouvrier » | |
26 février 1857 | Jean LEGUERN | mineur | 36 | éboulement de galerie | |
2 décembre 1857 | Louis PEANT | mineur | 47 | éboulement, « imprudence » | |
7 janvier 1858 | Jean LEGRAND | manœuvre | 22 | chute au fond de la mine | |
27 octobre 1858 | Jean ROUSSEAU | manœuvre | 15 | accident | |
21 février 1862 | Jean LEBRIS | mineur | 41 | écrasé par la benne « faute machiniste » | |
5 septembre 1862 | Michel LEBLANC | mineur | 51 | écrasé par un bloc « négligence » | |
27 avril 1865 | Augustin BARIBEAUD | mineur | 30 | éboulement, « manque de précaution » | |
12 juillet 1866 | Auguste MITARD | terrassier | 12 | inconnu, « imprudence » | |
14 août 1876 | Louis RAGUENEAU | mineur | 41 | éboulement, « imprudence » | |
23 février 1878 | Jean GOGNARD | mineur | 24 | asphyxié après chute de boisage | |
25 juin 1878 | Auguste BAILLET | mineur | 14 | renversement de boisage, « fortuit » | |
19 février 1879 | Auguste TROCHON | boiseur | 26 | éboulement, « fortuit » | |
18 juin 1889 | Auguste AUDURIER | machiniste | 51 | chute, « négligence de la victime » | |
26 septembre 1891 | Célestin VIVIER | terrassier | 61 | chute « cause indéterminée » | |
24 octobre 1891 | Pierre GUERRY | mineur | 37 | éboulement, « imprudence » | |
13 janvier 1892 | Georges MORISSET | mineur | 27 | asphyxié | |
13 janvier 1892 | Pierre GOGNARD | manœuvre | 16 | asphyxié |
La veuve de Louis Ragueneau, Claudine Chaleat, se remarie en avril 1885 avec Jean-Baptiste Pelleaud, propriétaire. Un mariage bien court puisqu’elle est à nouveau veuve 6 mois plus tard. Je ne sais plus rien de sa vie jusqu’à son décès le 6 septembre 1904 à Saint-Laurs à l’âge de 67 ans.

Ce rejet systématique de la responsabilité… Heureusement le monde du travail a bien changé !
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Toujours la faute de l’ouvrier, c’est si facile ☹
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Sylvie, est ce que Georges Morisset mort asphyxié le 13/1/1892 a un lien de parenté avec toi ?
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Non Claire, il n’est pas dans mon arbre. Il faut attendre la lettre S pour retrouver quelqu’un de la famille !
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Oui, trop facile, à chaque fois, la faute de l’ouvrier. Surtout ne pas remettre en cause la rrsponsabilité de l’employeur!!!
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Que d’ouvriers imprudents !
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Oui, à croire qu’ils étaient suicidaires??
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On pressent le drame dès les premières lignes, c’est terrible !
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