N comme Nicolas et le ruisseau du Teil

« Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volonté, se mirent à battre, à faire bouillonner l’eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgré ses efforts désespérés, il ne pourrait jamais plus remonter ; il était trop bas, trop loin. »
Jack London. Martin Eden

Nicolas RICHARD est mon ancêtre à la 11^e génération. Je ne connais pas ses parents, mais il est né vers 1607. Il devient maréchal, peut-être comme son père. Il se marie vers 1642 avec Élisabeth GRISAUD. Au moins 5 enfants naissent de cette union, dont 2 fils qui exerceront le métier de leur père.

Élisabeth meurt en1675, à l’âge de 60 ans. Nicolas va lui survivre plus de 10 ans, mais le 1^er août 1687, alors qu’il a 80 ans, il trouve la mort par accident.

« Le premier d’Aout mil six cent quatre vingt sept fut enterré au Cimetiere de Surin le Corps de Nicolas Richard Maréchal que l’on trouva noyé dans le Ruyseau de la fontaine du Teil… »

Nous sommes au cœur de l’été, on peut supposer que les rivières ne sont pas en crue, et le ruisseau du Teil n’a jamais un fort débit. Mais Nicolas a environ 80 ans, un âge vénérable ! Il est sans doute moins vigilant et a le pied moins sûr. Il se promène seul, la chute arrive ! Comme la majorité de ses concitoyens il ne sait pas nager. La noyade est alors inévitable. Aucune enquête n’a semblé nécessaire, on conclut à un accident et le prêtre inhume son paroissien même si ce dernier n’a pu recevoir l’extrême-onction !

Au fil des registres paroissiaux, il arrive régulièrement de trouver des noyades, d’autant que la population ne sait guère nager. Entre 1854 et 1938, il s’agit de la cause la plus importante de décès accidentels (51%), elle concerne en grande majorité des hommes (4 à 5 fois plus que de femmes). La mort à lieu le plus souvent en été et le noyé exerce souvent un métier lié à l’eau.
Des statistiques autour de l’abbaye de Jumièges sur 20 ans (1770-1789) confirment cela. Elles font état de 99 noyés. 91% d’hommes dont l’âge moyen est de 25 ans. L’été est la saison la plus mortelle avec 40% pour le seul mois d’août ; enfin, 33% des morts travaillent sur la Seine.
Au-delà des accidents, la noyade fut aussi utilisée comme méthode d’exécution, comme à Nantes au moment de la Révolution.

Sources :
La noyade en Seine au XVIIIe siècle.
Jean-Claude Chesnais. La mortalité par accidents en France depuis 1826.