I comme Ici reposent Mathurine et Mathurine

« Il n'y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive à l'homme n'est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s'il la connaît et y consent, une violence indue »
Simone de Beauvoir. Une Mort très douce

Mathurine AUBERT et Mathurine MIMAULT sont toutes les deux mes ancêtres directes (sosas 3425 et 5201, onze et douze générations au dessus de moi). Elles ont vécu à la même époque et au même endroit : la paroisse rurale de Terves dans la première moitié du XVII^e siècle. Sans doute se connaissaient-elles.

Mathurine MIMAULT est née vers 1590. Elle a eu quatre enfants avec Pierre MENARD décédé avant 1629. Elle s’est remariée avec Léon GERMAIN. Quant à Mathurine AUBERT, elle est née vers 1604, elle est l’épouse de Jean METAIS et également mère de 4 enfants.

Elles vont décéder à un an d’intervalle. Alexis MUSSAULT, le curé de Terves, aime noter très scrupuleusement dans ses registres les causes de décès de ses paroissiens. Il lui est facile de donner la cause d’une mort accidentelle, ou celle d’une femme en couches. Il sait aussi se faire médecin légiste en donnant les raisons médicales d’un décès, et elles ne manquent pas au XVII^e siècle : hydropisie, fièvres, dysenterie, pleurésie, fluxion, picote, petite vérole, abcès, catarrhe, écrouelles, colique…

Mais pour mes deux Mathurine, Alexis MUSSAULT ne trouve pas d’explication claire et précise : une est morte de mort naturelle, l’autre de maladie naturelle :

« Le 24 mars 1649 a esté enterré au cimetière de ceste parroisse le corps de deffunte Mathurine Aubert vivante femme de Jan Mestaye […] a l’aage de 45 ans de more naturelle »

« Le 10^e jour de juillet 1650 a esté inhumé au cimetière de ceste parroisse le corps de Mathurine Mimault vivante femme de Léon Germain […] laquelle est décédée […] à l’âge de 60 ans ou au-delà, de maladie naturelle ayant demeuré au lict de la more huict jours seulement »

Que voulait dire Alexis MUSSAULT ? La mort naturelle de Mathurine AUBERT pourrait signifier un décès lié à une maladie. C’est la définition donnée par Furetière qui l’oppose à la mort violente par accident. La maladie naturelle de Mathurine MIMAULT voudrait plutôt dire qu’elle serait morte de vieillesse. C’est l’explication qu’avancent Pascal et Dominique PAINEAU dans leur livre Malades et maladies dans le bocage bressuirais au XVII^e siècle*.

Mourir de vieillesse n’est pas une donnée prise en compte dans les statistiques sur la mortalité aujourd’hui. Les causes principales de décès des personnes âgées sont les tumeurs et les maladies cardio-vasculaires. L’âge moyen d’un décès en France actuellement est de 85 ans pour les femmes et 79 ans pour les hommes. À Terves au XVII^e siècle, 50 % des paroissiens n’atteignaient pas l’âge adulte, 80 % étaient morts avant 60 ans et seulement 3 % des habitants atteignaient l’âge vénérable de 80 ans. Il n’est donc pas étonnant que, pour Alexis MUSSAULT, on pouvait mourir de vieillesse à 60 ans.

Dominique et Pascal PAINEAU ont étudié les registres paroissiaux de Terves du XVII^e siècle et plus particulièrement les décès relevés par Alexis MUSSAULT. Leur thèse de médecine de 1992 a été publiée aux éditions Hérault en 1997.