La commémoration du centenaire de la guerre 14-18 permet de se souvenir de ces millions de jeunes de tous pays partis au front, notamment de ceux qui y sont morts bien trop jeunes. Nous en avons tous dans nos familles et leurs noms, avec les années, s’effacent peu à peu des mémoires. Je veux, avec l’aide de différentes archives et aussi des souvenirs de ma mère, rappeler la vie de mon arrière-grand-oncle, Joseph Nueil. Son nom est à peine visible sur la plaque en hommage aux enfants de Terves décédés au combat. Ce n’est pas rendre justice à celui qui, parmi tant d’autres, a perdu la vie sur un des champs de bataille particulièrement cruels de ce conflit, Massiges, dans la Marne.

C’est une vie banale, trop courte, ponctuée de plus de drames que de joies, que celle de Joseph Nueil. Il naît à Courlay, le 9 octobre 1881, il est le 6ème enfant (dont 2 décédés très jeunes) de « Gène » Nueil, hongreur (voir cet article), et de Mélanie Blanchin, son épouse. Celle-ci meurt 10 jours après, des suites de cet accouchement. Gène, son père se retrouve seul à élever 4 enfants dont un bébé. Pour l’aider, il fait appel à sa mère, Désirée Gasse, mais celle-ci décède à son tour en 1887, à l’âge de 78 ans. La famille quitte alors Courlay pour le bourg de Terves et c’est une servante, Joséphine Touraine veuve Charruaut, hébergée avec son fils Auguste, qui gère la maison et aide à éduquer les enfants. En 1890, Joseph a 9 ans quand il perd son grand frère Eugène âgé lui de 14 ans.
Une période plus heureuse semble s’ouvrir pour la famille de Joseph : son frère aîné, Émile, se marie en 1898 avec Eugénie Benesteau, et sa grande sœur, Adelphine (mon arrière-grand-mère, que j’ai connue et qui reste pour moi mémé Delphine) épouse Xavier Frouin en 1900. Joseph fait son service militaire de 1902 à 1905 au fort de Rosny, près de Paris dans le 4e régiment de zouaves, et il y obtient le grade de caporal. Revenu à la vie civile, il est cultivateur et se marie à son tour, le 15 novembre 1907 à Terves avec Delphine Thibaudeau. Il a 26 ans, elle n’a que 19 ans. Une petite fille, Marie, nait de cette union le 30 janvier 1911.

La vie aurait continué, heureuse ou malheureuse, mais le 1er août 1914, la mobilisation générale en France va changer le destin de Joseph Nueil comme celui de beaucoup de Français. Joseph quitte sa famille et rejoint le front avec le 3e régiment d’infanterie coloniale de Rochefort. Avec ce régiment, peut-être parce qu’il est composé en grande partie de troupes venues des colonies, il participe à de nombreuses et sanglantes batailles : dès août 1914, il se bat dans les Ardennes, puis en septembre, il participe à la 1ère bataille de la Marne, enfin de décembre 1914 à mai 1915, c’est la 1ère bataille de Champagne. Après cette dure période, son régiment bénéficie d’un repos de 2 mois, mais c’est trop vite le retour au front avec la 2ème bataille de Champagne. Joseph est nommé sergent le 21 octobre 1915. Il n’aura guère eu le temps d’apprécier cette promotion. Les combats se concentrent autour de Massiges.
Il y décède le 5 novembre 1915, « mort pour la France » comme il est écrit sur son registre militaire. Il avait 34 ans. Son corps repose dans la tombe 4323 à la nécropole « Pont-de-Marson » à Minaucourt-le-Mesnil-lès-Hurlus (Marne). Il laisse une jeune veuve, qui se remariera en 1921, 3 ans après la fin du conflit, et une petite fille, pupille de la nation.