Terves dans les Deux-Sèvres, ferme de la Roulière, le 20 juillet 1894. Jacques Chesseron va mourir. Il a 62 ans. C’est le moment pour lui, pour ses proches, de faire le bilan de sa vie.
Jacques est né le 2 janvier 1832, non loin de là, à la ferme de Gouttevive à Boismé. Il reçoit le prénom de son père. Il est le premier fils de Jacques Chesseron et Françoise Baudu. Ce jeune couple de paysans fraîchement marié et plutôt aisé lui donne très vite un petit frère prénommé Pierre. Quand Jacques a 5 ans, toute la famille déménage pour une autre ferme, celle des Touches à Terves. Deux autres enfants naissent, Auguste et Louis, mais ce dernier meurt à l’âge de 5 ans. Jacques et ses frères sont élevés par un père autoritaire et une mère pieuse comme c’était la règle à l’époque, mais peut-être encore plus que pour d’autres. Dès qu’ils le peuvent, ils travaillent sous les ordres de leur père. Jacques est peut-être le moins doué de la fratrie, il ne sait pas signer.
Vers l’âge de 20 ans, il quitte pendant 7 ans la ferme familiale car il doit partir en Algérie en tant que conscrit. A son retour en France métropolitaine, le bateau qui le ramène est pris dans une terrible tempête. Jacques croit sa dernière heure venue. En bon chrétien, il prie Dieu et fait le vœu de faire un don à sa paroisse de Terves s’il survit. Il honore sa promesse et 2 anges adorateurs en stuc vont grâce à ce vœu décorer longtemps l’autel de l’église.
Durant sa conscription, il a manqué, en 1861, le beau mariage de son jeune frère Auguste avec Marie-Louise Roy. Les jeunes mariés ont très vite 2 enfants Louis et Marie. La ferme des Touches est active et bien peuplée maintenant. Jacques y vit avec ses parents, ses 2 frères, sa belle-sœur, ses 2 petits neveux et aussi 2 jeunes domestiques. Et c’est toujours le patriarche qui commande fermement. En 1871, Auguste attrape un coup de froid. Il tousse, il crache. Il n’a que 33 ans quand il meurt, laissant une jeune veuve et 2 orphelins. C’était celui des enfants sur qui le père fondait le plus d’espoir, celui qui lui avait donné des petits-enfants.

La vie continue à la ferme, sans doute plus pesante. Jacques et son frère Pierre n’ont pas trouvé d’épouses et leur père ne les y a guère encouragés. Marie-Louise Roy, la jeune veuve ne s’est pas remariée et est restée avec sa belle-famille. Ils sont toujours sous la coupe du patriarche dont la sévérité n’a pas diminuée, bien au contraire. Un jour, Jacques en allant à la foire de Bressuire toute proche voit une belle montre et se l’achète. De retour à la ferme, son père se met dans une colère noire : il n’aurait pas dû faire cette dépense sans sa permission. Le père dispute tellement son fils Jacques que celui-ci fond en larmes. Il avait alors 40 ans.
Les années passent pour Jacques à la ferme des Touches. Sa mère, la pieuse Françoise Baudu, décède la 1ère en 1878. Elle laisse à sa famille comme souvenir un joli tastevin gravé à son nom.
Puis c’est son redoutable père qui décède en 1881. Jacques et son frère Pierre, les 2 fils célibataires, ne deviennent pas alors chefs de famille, ni Marie-Louise, leur belle-sœur. Louis, leur neveu, a grandi. Il est âgé de 19 ans. Il est dispensé de service militaire en tant que fils aîné de veuve et se retrouve aux commandes de la ferme. 3 ans plus tard, en 1884, sa sœur Marie épouse Lucien Deborde, puis Louis se marie à son tour avec Mélanie Frouin en 1886. Une ferme ne suffit pas pour faire vivre Jacques, son frère, sa belle-sœur et les 2 jeunes couples déjà en charge d’enfants. En 1890, Marie et Lucien s’installent à la ferme des Touches tandis que Louis et Mélanie partent pour une autre exploitation de Terves, à la Roulière. Toute la famille se sépare alors. Marie-Louise Roy reste avec sa fille et son gendre aux Touches de même que l’oncle Pierre Chesseron. Mais Jacques, lui, se sépare de son frère et accompagne son neveu Louis et sa famille à la Roulière. C’est certainement la période la plus heureuse de sa vie. Jacques n’était peut-être pas fait pour se marier ou pour diriger une ferme. Il voit naître et grandir les 6 enfants de Louis et Mélanie et est sans doute pour eux un grand-père de substitution.
Terves, le 20 juillet 1894. Jacques Chesseron est mort. Décédé sans enfant, il laisse pourtant des souvenirs dans sa famille. Est-ce pour sa sensibilité, est-ce pour l’affection qu’il inspirait ? Les anecdotes du vœu lors de la tempête et de la montre achetée à Bressuire ont été transmises sur plusieurs générations parce qu’elles sont révélatrices des mentalités rurales au XIXe siècle. Aujourd’hui, plus de 120 ans après son décès, le nom de Jacques Chesseron est encore bien visible au cimetière de Terves où il repose avec ses 2 frères et sa belle-sœur.
merci pour cette bien belle histoire vécue
J’aimeAimé par 1 personne
Je suis content que cette histoire vous plaise. Je tiens les anecdotes de mon père qui les tenait de sa grand-mère et d’un membre de ma famille qui avait commencé il y a longtemps des recherches généalogiques. Il n’y avait plus qu’à tout mettre en ordre grâce à différentes archives.
J’aimeAimé par 1 personne