Au hasard des recherches on découvre parfois des mentions qui nous font sourire.
Cela m’est arrivé en dépouillant le registre du recensement de 1906 dans la commune de Saint-Laurs (Deux-Sèvres).
Sur ce document, l’agent recenseur note la composition de la famille et, pour chaque personne, ses date et lieu de naissance, sa place dans la famille, sa profession et enfin dans la dernière colonne son employeur.
En 1906, Saint-Laurs a un curé, il s’agit de de Prosper Joubert, né en 1855 à Châtillon-sur-Sèvre. Il vit avec sa mère Rose Landreau et sa sœur cadette Rose. Dans la case profession est bien noté « curé », mais dans la case employeur on découvre que le fonctionnaire a écrit… « Pie X ».

Peut-être est-ce le hasard d’une formulation, cependant nous sommes en 1906, l’année des inventaires qui ont secoué de nombreuses régions françaises comme la moitié nord des Deux-Sèvres.
Tout remonte à la loi du 1er juillet 1901 qui entérine la séparation des Églises et de l’État. Lors des débats, la nécessité d’un inventaire des biens religieux apparaît. Un décret d’administration publique est pris en décembre 1905, mais c’est la circulaire du 2 février 1906 qui met le feu aux poudres : « les agents chargés de l’inventaire demanderont l’ouverture des tabernacles ».

La plupart des catholiques pensent que l’opération des inventaires est une profanation et une spoliation. Pour les fidèles, l’appropriation par l’État est une atteinte à la propriété individuelle.
Cela provoque des troubles, dans certains endroits la gendarmerie ou l’armée ont dû intervenir. C’est le cas en Deux-Sèvres. On trouve plusieurs cartes postales anciennes qui en attestent comme à Etusson, Saint-Jouin-sous-Châtillon (aujourd’hui Mauléon)… ou encore, comme ci-dessous, à Nueil-les-Aubiers.

En mars 1906, le nouveau ministre de l’Intérieur Georges Clemenceau, veut absolument résoudre au plus tôt l’affaire des inventaires. Une circulaire confidentielle adressée aux préfets les invite à suspendre les opérations d’inventaire dans le cas où elles doivent se faire par la force. L’agitation née des inventaires prend fin.
A Saint-Laurs, il ne semble pas y avoir eu de troubles au moment de l’inventaire. On peut penser que notre fonctionnaire chargé du recensement note scrupuleusement ce qui lui est dit. Prosper Joubert, le curé de Saint-Laurs, revendique son allégeance à l’Église et à Pie X, c’est peut-être sa manière à lui de se rebeller. Il fait ainsi écho à l’encyclique du pape, Vehementer nos, publiée le 11 février 1906, qui condamne énergiquement la loi française de séparation des Églises et de l’État.
Vos chroniques sont un pur bonheur pour les amateurs d’histoire comme moi. . Continuez longtemps…
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Merci pour vos encouragements !
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