
Le 21 juin 1660 a eu lieu un tremblement de terre en Bigorre. Ce séisme ne fut pas le plus dramatique, comparé à d’autres : à l’épicentre, Bagnères-de-Bigorre, peu de personnes trouvèrent la mort (7 selon Wikipédia) et 150 maisons furent détruites (sa magnitude est estimée aujourd’hui à 6,1 sur l’échelle de Richter). Cette catastrophe marqua pourtant fortement les esprits car elle coïncidait à peu de jours près avec le mariage entre le jeune Louis XIV et l’infante d’Espagne Marie-Thérèse d’Autriche non loin de là, à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660. Et aussi, elle fut ressentie fortement très loin de son épicentre, en de nombreux endroits du sud et de l’ouest de la France. Par exemple, à Captieux en Gironde (à 150 km), où logeaient le roi et la nouvelle reine, de retour de leurs noces. Ou encore, jusqu’à Saint-Maixent dans mes Deux-Sèvres (à 410 km) où un moine raconte « sur les quatre heures du matin, arriva un grand tremblement de terre qui émut tellement l’ancien réfectoire qui sert d’église et le dortoir qui est dessus que toutes les chambres en furent ébranlées et les lits des religieuses secoués comme si on les eut renversés… ».

Il est donc possible avec de la chance quand on fouille après cette date de tomber sur un texte consacré à ce séisme. C’est en tout cas ce qui m’est arrivé. En cherchant dans les différentes paroisses de Thouars (Deux-Sèvres) des actes concernant mes ancêtres Michel Bernard et son épouse Claude Bernard, mon œil fut attiré, sur une page du registre de la paroisse de Saint-Laon (BMS 1656-1670, vue 41/245), par ce titre accrocheur : « Tremblement de terre horrible et épouvantable arrivé le 21 ». Je ne pense pas que le séisme ait été ressenti à Thouars. Ce serait à noter car cela indiquerait qu’il aurait été perçu très loin (il y a 480 km de distance entre Thouars et Bagnères). Je crois plus vraisemblable qu’il s’agisse de la retranscription par René Bluteau, le vicaire de la paroisse, de la narration d’un membre de la Cour de passage à Thouars, sur la route du retour du mariage royal. Il est toutefois intéressant par le côté sensationnel et exagéré de ce qu’il relate. Voici ce que j’ai réussi à lire, quelques erreurs de retranscription sont possibles :
« Le 21 juin 1660 est arrivé à Bagnères le plus horrible tremblement de terre qui ait jamais été vécu un jour dans le monde depuis sa création. Les montagnes qui sont voisines s’entre-cognaient les unes les autres si fort qu’elles rendaient des feux comme si sont allumés des brandons de paille. Quelques unes d’elles se fendirent par moitié en divers lieux, quantités de rochers se déprirent de leur masse et ce qui fut le plus prodigieux, quelques unes des dites montagnes s’enfoncèrent dans les champs de 20 ou 30 piques de leur hauteur. Il n’y ait point de bâtiment dans la dite ville qui ne tombât par terre ou qui ne s’écroulât et les murailles les plus fortes, les églises les mieux cimentées, les bouches (?) les mieux liées furent la plupart ruinées et ensevelirent sous leurs ruines quantité de personnes. Il y en eut 14 ou 15 de tués dans la seule ville de Bagnères.

Mais ce qui est de plus merveilleux, la plupart fuyant la ville pour y trouver leur salut, voyaient dans la campagne des pierres soulever hors de terre comme si elles étaient jetées tout en haut par quelque machine et accabler tout raides morts nombreux qu’elles rencontraient. L’église Saint-Vincent du dit lieu fut toute ruinée, la plus grande part de celle des Capucins (…). Cela arriva au retour du roi à son mariage d’Espagne. Toute la Cour y fut épouvantée quoiqu’elle fut éloignée de 12 à 15 lieues. Néanmoins, ils ressentirent les secousses de la terre (…) »
Le tremblement de terre du 21 juin 1660 en Bigorre a donc droit dans un registre paroissial de la ville de Thouars à une longue description apocalyptique. Je vous ai épargné un passage relatant un miracle : une statue de la sainte Vierge n’a pas été brisée ! Le fait qu’une grande partie de la Cour ait ressenti le phénomène a permis à cet évènement de ne pas passer inaperçu. On peut même dire qu’il a été médiatisé. Quand le 6 octobre 1711, soit 41 ans plus tard, la terre tremble cette fois à Loudun située à seulement 25 km de Thouars, il n’y a pas d’évènement mondain à proximité. C’est peut-être pour cela qu’on ne trouve pas la relation de ce séisme pourtant proche géographiquement dans les registres des paroisses thouarsaises.
Sources :
-Registre de la paroisse de Saint-Laon à Thouars (BMS 1656-1670) vue 41
–Le séisme de Bigorre du 21 juin 1660
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