Nous sommes fin 1940, à Faye-sur-Ardin, dans les Deux-Sèvres. Comme partout en France, la vie continue malgré l’occupation.
Cependant, la présence allemande se fait sentir et, pour les soldats, ce petit village calme du Poitou est une sinécure à côté de ce qui les attend sur le front russe.
En fin de journée, il arrive que les militaires viennent passer un moment dans un des deux cafés du bourg pour boire le vin local, une piquette qui ne les empêche pas de ressortir un peu pompette…
Ce soir-là, les verres ont dû se succéder car le groupe d’Allemands qui sort de l’estaminet est passablement éméché lorsqu’il prend la route de Béceleuf pour rejoindre son cantonnement.
La maison de mes grands-parents maternels est sur le chemin du retour. Devant la maison, un jardin bordé d’un mur de pierre et, près du mur, une tonnelle agrémentée d’un petit banc qui sert sans doute à s’abriter du soleil pour lire ou coudre les jours de fortes chaleurs.
Il fait nuit. Mes grands-parents, mon oncle et ma mère, qui a alors une douzaine d’année, entendent le groupe approcher de la maison. Les soldats plaisantent, rient et chantent. Ils avisent la tonnelle, s’arrêtent, entrent dans le cour et se mettent à la secouer.
Le jeu dure sans doute un peu avant que tous se décident à poursuivre leur route. Mais quand la famille sort, peut-être le lendemain matin, elle découvre une tonnelle malmenée et, aux dires de ma mère, qui penche !
C’est en tout cas l’histoire qu’elle nous a racontée et que nous n’avons jamais pu vérifier puisque la gloriette a été enlevée quelques années plus tard, ne nous laissant pas l’occasion de la voir.
Or, quand j’ai commencé à me plonger dans les archives familiales, j’ai demandé à ma mère de rechercher les photos rangées au fond des tiroirs et j’en ai trouvé une de ma grand-mère devant la fameuse tonnelle.
Sur le cliché c’est certain, elle penche !
Mais si je me fie à cette image, c’est surtout parce que la photo n’est pas droite. Quand on la redresse, tout redevient normal…
Cependant ma mère ne sait pas dater la photo, elle peut être antérieure à la guerre mais rien n’est sûr.
Alors l’histoire des Allemands et de la tonnelle est-elle le fruit des peurs d’une petite fille devant le chahut d’un groupe d’hommes avinés ? Le récit a peut-être été conforté par cette image qui fausse la réalité.
Aujourd’hui encore ma mère maintient qu’elle penchait après le passage des Allemands. Alors puisqu’elle y était et moi pas, je la crois volontiers.
Toute vérité historique est hors d’atteinte. Ce que l’on transmet à la postérité, ne sont que des actualités, des histoires.. rien de plus. Les quelques documents qui semblent officialiser un événement, peuvent se révéler partiellement ou totalement faux. On est jamais sûr de rien et on doit bien composer avec nos doutes, impressions et convictions.
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Tout à fait d’accord, le doute est permanent quand on recherche un peu. D’ailleurs nous nous faisons souvent la réflexion que nos articles regorgent de « peut-être », « sans doute » et de conditionnel !
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