Je compte pas moins de 19 meuniers parmi mes ancêtres, la plupart ont vécu le long de la Sèvre Niortaise durant le XVIIIe siècle. Depuis le moulin d’Anne à Sainte-Pezenne (aujourd’hui un quartier de Niort), jusqu’au moulin des Estrées à Breloux (aujourd’hui La Crèche), en passant par le moulin de Compéré, le moulin des Loups à Sciecq, le moulin de Croisette à Saint-Maxire et le moulin des Habites toujours à Saint-Maxire (seul moulin à vent), mes aïeux ont travaillé à moudre le blé et à produire la farine qui approvisionnait les campagnes environnantes et la ville toute proche.
La carte de Cassini montre bien le nombre important de moulins le long de la Sèvre et, si je trouve mes aïeux uniquement dans ceux que je viens de citer, leurs familles ont travaillé dans presque tous ceux qui bordent la Sèvre entre Niort et La Crèche.
Il suffit de revenir quelques siècles en arrière, de remonter le cours de la rivière, je pourrais facilement croiser certains de mes ancêtres. Que diriez-vous de m’accompagner sur une de ces barques du marais poitevin appelées « piates » pour un voyage au fil de l’eau.
Le soleil brille en cette matinée de mai 1759. Louis XV règne sur la France en paix. Diderot et d’Alembert œuvrent pour le progrès et la connaissance en rédigeant leur Encyclopédie, et tout est calme dans la campagne poitevine. Nous sommes en amont de Niort, à l’entrée de Sainte-Pezenne, au moulin de Grange, là où vit Catherine Chenu, la sœur de mon ancêtre Marie Chenu. Elle vient juste d’épouser Thomas Valet, le meunier de Grange dont la première épouse est décédée peu de temps auparavant. Elle ne sait pas que sa vie sera courte et qu’elle quittera cette terre prématurément, dans moins de 4 ans.
Je laisse Catherine et Thomas pour remonter le courant. La barque file sur la rivière, nous passons près de Sainte-Pezenne dont on devine le clocher. La paroisse compte plus de 1 000 habitants établis dans le bourg et le long des berges du fleuve. Puis, à la sortie d’un méandre, apparait le moulin d’Anne, juste à l’aplomb du village de Surimeau. C’est ici que vivent mes ancêtres Marie Chenu, la sœur de Catherine, et son époux François Hurtault. Le moulin d’Anne a 2 roues et, quand le courant le permet, il peut moudre jusqu’à 600 kilos de farine par jour. De mémoire d’homme, il y a toujours eu un moulin ici. Depuis 1740, il appartient à Mme de Mougon la propriétaire du château de Surimeau.

En 1759, François et Marie n’ont pas 30 ans, ils ont 2 petits garçons et Marie est enceinte. L’accouchement est prévu pour le début de l’été. Elle commence a être bien fatiguée, entre les 2 bambins et la maison à tenir, elle a du mal à aider au moulin. Ce sont des bras en moins pour François qui doit travailler dur. Mais, bon an mal an, la famille s’en sort.
Marie et François auront 6 enfants, et 4 atteindront l’âge adulte. Leurs 3 garçons seront meuniers : Pierre et François resteront dans la maison qui les a vu naître ; quant à Louis, il terminera sa vie au moulin de Bouzon, tout près du Donjon de Niort. Seule Marie, mon aïeule, quittera les bords de l’eau pour épouser un fermier de Sainte-Pezenne.
Je continue à remonter la Sèvre. Juste le temps de croiser quelques maisons et déjà l’on aperçoit le moulin de Compéré. Il appartient à M. de Cresseq, qui l’afferme au meunier pour 300 livres. La légende veut qu’il soit le premier moulin construit sur la Sèvre. Ici vivent et travaillent Pierre Chenu et Marie Nigot, les parents de Catherine et Marie. Aujourd’hui, le couple a plus de 50 ans. Ils ont donné de l’instruction à leurs filles qui savent signer.
Elles sont maintenant parties et 3 ont épousé des meuniers. C’est là que leur fille Marie a connu François Hurtault, il était chasse-mulet* auprès de son père. Pierre Chenu est issu d’une famille protestante. Son père Jean avait 3 ans en 1681, lors de la première dragonnade en Poitou.
La matinée avance, le soleil monte dans le ciel, il fait beau mais la fatigue commence à se faire sentir. Il est temps de faire une halte sur la berge, face à Compéré, pour se reposer avant de poursuivre bientôt cette promenade sur la Sèvre Niortaise.
* On trouve indifféremment dans les actes chasseron ou chasse-mulet, le premier est un terme poitevin. Dans les deux cas, il s’agit du garçon meunier chargé de rapporter la farine chez ceux qui ont confié leur blé au moulin, en chassant (poussant devant lui) l’âne qui le porte.
Sources :
Jean-Paul Taillé. Le chemin communal de Niort raconte… Geste éditions, 2009
Wiki-Niort
Une belle et agréable promenade sur la Sèvre… J’en profite pour vous souhaiter à tous 2 de belles fêtes de fin d’année 🙂
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Merci Nat ! Bonnes fêtes à toi aussi !
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Belle fin d’année et A très vite … La drolesse compte aussî énormément de meuniers du côté de ses ancêtres verruyquois principalement
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Merci, Belle fin d’année aussi ! Je poursuis mes articles sur les meuniers avant de me tourner vers Verruyes et nos ancêtre communs 🙂
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