Meuniers le long de la Sèvre : 1ère partie
Il est temps de repartir. En cette belle journée de mai 1759, la barque remonte le courant et je laisse Pierre Chenu et Marie Nigot. Bientôt, je quitte Sainte-Pezenne pour entrer dans la paroisse de Sciecq. Au bout d’une longue ligne droite, juste à l’entrée d’une grande courbe de la Sèvre, se trouve le moulin des Loups. Situé à l’est du village, au fond d’un ravin, c’est un moulin comparable à ceux qui nous avons déjà croisés. Il a aussi 2 roues et produit jusqu’à 600 kilos de farine. Sans doute tient-il son nom de la présence de cet animal à un moment de son histoire. La bête, comme partout en France, a vécu dans la campagne deux-sévrienne.

Mes ancêtres Louis Rimbault et sa seconde épouse Catherine Bouhet ont habité ici et ils y sont morts il y a une vingtaine d’année. Aujourd’hui, presque tous leurs enfants demeurent dans les moulins tous proches. L’aîné, Louis, n’est pas encore marié à 43 ans, il est farinier. Jean, le second fils a 41 ans et il est meunier. Il a épousé Catherine Cathelineau et le couple a 5 garçons. Marie-Madeleine est plus jeune, elle a 30 ans et s’est unie avec François Cathelineau, le frère de Catherine, un meunier bien sûr ! Le couple a déjà 3 enfants. Et je croiserai bientôt leur autre fille, Marie, mon ancêtre. Difficile de savoir lequel, ou lesquels, vivent aux Loups en ce printemps 1759.
Plus loin, j’aperçois, assis sur un promontoire, le bourg de Sciecq, groupé autour de son église. Il s’est développé à l’intérieur d’une large boucle de la Sèvre Niortaise. À cette époque, on recense environ 54 feux dans cette petite paroisse qui dispose de 2 autres moulins à eau : Salboeuf et celui qu’on nomme le moulin de Sciecq.
Sur l’autre rive de la rivière, se trouve le moulin de Mursay, qui appartient à la paroisse d’Echiré. Il est là, à côté du château du même nom où plane encore l’ombre d’Agrippa d’Aubigné et de sa petite-fille Madame de Maintenon. Autrefois, c’est là qu’habitait Louise Chenu, une des 4 filles de Pierre Chenu et Marie Nigot de Compéré à Sainte-Pezenne. Hélas ! Louise est morte en couches en 1751. Aujourd’hui, Charles Favreau s’est remarié avec Marie Thomas, ils vivent et travaillent au moulin et s’occupent de leurs 6 enfants.
Je continue ma balade et quitte Sciecq pour aborder la paroisse de Saint-Maxire, laquelle possède le moulin à vent des Habites et 7 moulins à eau : Croisette, Périgné, Martin, Courençay, Saint-Maxire, Les Habites et Guémoreau. Plus de 700 âmes vivent à Saint-Maxire qui se déploie tout le long de la rive droite de la Sèvre. Très vite, je devine Croisette où demeure Marie Rimbault, la seconde fille de Louis, l’ancien meunier des Loups. Elle a épousé Jean Couraud dont le père était un drapier protestant. Je les aperçois à côté du moulin. Jean a plus de 40 ans et Marie 36. Ils se sont mariés 15 ans plus tôt à Saint-Maxire car Jean travaillait déjà à Croisette. Aujourd’hui, ils ont 9 enfants vivants et Marie est à nouveau enceinte. Cette grossesse la fatigue plus que les autres et elle éprouve déjà beaucoup de difficultés à assumer toute sa part du travail. Il faut dire qu’elle attend des jumeaux et, malgré sa déjà longue expérience des maternités, sans doute ne le sait-elle pas. Le couple a perdu un fils il y a 4 ans, Jean. Outre la mortalité infantile commune à tous les milieux de l’époque, les enfants de meuniers risquent aussi la noyade. Un instant d’inattention suffit pour que la chute soir fatale, d’autant que personne ne sait nager. C’est peut-être ce qui est arrivé au petit Jean.
Dans ce moulin travaillent plusieurs familles. Outre mes ancêtres Jean Couraud et Marie Rimbault, y réside aussi mon autre aïeul Charles Favreau qui a plus de 70 ans. Sa deuxième épouse est décédée au début de l’année précédente, mais lui est toujours à Croisette avec son fils aîné, René Favreau. Charles Favreau de Croisette est l’oncle de Charles Favreau de Mursay. Les deux moulins sont tout proches et les liens familiaux se sont encore resserrés depuis que les 2 cousins, René Favreau de Croisette et Charles Favreau de Mursay, ont épousé 2 sœurs, Élisabeth et Marie Thomas, des filles de meunier évidement ! Dès que le travail le permet, on se voit et les enfants en profitent : les 2 aînées, Marie-Marthe et Marie-Renée, ont 7 et 6 ans, et s’occupent des plus jeunes.
Un peu plus loin, dans un autre moulin de Saint-Maxire, a vécu le second fils de Charles Favreau, mon aïeul Louis Favreau. Louis est mort en 1747, il n’avait que 31 ans, laissant sa femme Marie Soulice seule avec 2 enfants en bas âge. L’acte de décès de Louis ne nous éclaire pas sur les circonstances de sa mort, mais les risques sont nombreux pour un meunier. Les doigts broyés entre les meules sont fréquents. Parfois, et c’est peut-être le cas de Louis, un vêtement se coince et le meunier est entraîné, sans que personne n’ait le temps d’intervenir… Aujourd’hui, après un long veuvage, Marie s’est remariée avec Jean Godillon. Ils viennent d’avoir un fils, mais je ne sais pas s’ils résident dans l’un des moulins ou au village.
Un autre de mes ancêtres, Louis Sicot, est aussi l’un des meuniers de la paroisse, mais je ne sais pas dans quel moulin. Il a épousé en premières noces Jeanne Tavard. Louis est né à Saint-Maxire. Avant son mariage il a passé quelques années à Échiré où il était farinier. N’étant pas issu d’une famille de meunier, il a dû tout apprendre. Le métier est dur et demande beaucoup de connaissances : il faut connaître les diverses céréales qu’apportent les fermiers et en deviner la qualité, mais aussi être capable d’entretenir le moulin et les meules. Après ses années d’apprentissage, à 30 ans, il est revenu dans sa paroisse natale pour épouser Louise. Aujourd’hui, Louis et Jeanne ont 50 ans et ils ont un fils de 10 ans, Pierre.
Je passe devant le moulin des Habites et quitte la paroisse de Saint-Maxire. Bientôt, je longe le bourg d’Échiré.
La paroisse compte 252 feux, et l’on n’y parle pas encore du beurre qui fera sa renommée mondiale… Outre Mursay que j’ai déjà évoqué, Échiré possède 5 autres moulins : Roche, Échiré, Tortigny, Mauzé et Mouin-Neuf. Je ne m’y attarde pas car je ne connais pas les meuniers qui y vivent. Et puis le temps presse, il me faut poursuivre mon excursion. Je vous propose de nous retrouver très bientôt pour terminer cette balade sur la Sèvre Niortaise.
Sources :
Jean-Paul Taillé. Le chemin communal de Niort raconte… Geste éditions, 2009
Wiki-Niort
Une très belle promenade ! Bravo !
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Merci Françoise !
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Un fil de l’eau, un fil de vie, bravo pour cette ballade dans le passé familial.
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Merci d’avoir diffusé cet article, où j’ai retrouvé des ancêtres :Ch arles Favreau et Marie Thomas. Leur fille Françoise Favrault, née à Echiré au moulin de Mursay en 1758, morte le 17/10 1806 à Sainte Pezenne, a épousé François Hurtault, né en 1762, meunier au moulin de Bergrolle à Sainte Pezenne. Vous connaissez ce moulin ?
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Bonjour et merci pour votre message. Je ne connais pas le moulin de Begrolle, cependant je vois qu’il existe sur le Wiki Niort une page assez complète sur ce moulin, mais sans doute la connaissez-vous.
http://www.wiki-niort.fr/Moulin_de_B%C3%A9grolle
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