Pour cette 3e partie de ma balade le long de la Sèvre Niortaise, je rejoins le #RDVAncestral initié il a quelques mois par Guillaume.
Meuniers le long de la Sèvre : 1ère partie
Meuniers le long de la Sèvre : 2ème partie
En cette belle journée de mai 1759, ma « piate » continue sa progression sur la Sèvre. Je quitte Échiré pour arriver à Saint-Gelais. C’est à Chalusson que je retrouve mes ancêtres. Madeleine Chantecaille a 59 ans. Depuis le décès de son second mari Pierre Guéry, elle vit seule avec ses enfants. De son premier lit, Madeleine n’a eu qu’un fils, Pierre Ingrand. Ce dernier a maintenant 40 ans et il travaille au moulin d’Anne à Sainte-Pezenne. Les enfants nés de son 2e mariage vivent avec elle. Le fils aîné, François Guéry, a 38 ans il est marié et travaille ici avec son épouse Madeleine Rimbault. C’est lui qui organise le travail et il peut aussi compter sur l’aide de ses plus jeunes frères. Jacques qui a 22 ans, Louis 20 ans et Pierre-Louis 18 ans (mon aïeul), demeurent encore à Chalusson ; bientôt ils se marieront et partiront vers d’autres moulins. Madeleine Chantecaille et Pierre Guéry n’ont eu qu’une fille, Marie. En 1749 elle a épousé un meunier voisin du moulin de Rhé, mais elle est morte en couches la même année. Un grand chagrin pour Madeleine après le décès de Pierre, son époux. Madeleine et ses enfants souffrent de la mauvaise réputation de leur profession. Partout on soupçonne les meuniers de frauder sur la quantité de farine obtenue. Ils restitueraient une trop faible part aux fermiers. Mais la vie est dure pour eux aussi ! Et la concurrence des moulins tout proches se fait sentir chaque jour.
Outre Chalusson, Saint-Gelais en compte 3 autres moulins : Saint-Gelais, Rhé et le Moulin-Neuf. Rhé est l’un des plus importants sur cette partie de la Sèvre. Il dispose de 3 roues, fait assez rare sur cette partie de la Sèvre, et peut moudre jusqu’à 1 200 kilos de farine chaque jour.

Je poursuis mon navigation, je traverse les paroisses de Chauray et François où je ne connais pas les meuniers, et j’arrive à Chavagné. Les bourgs de Chavagné et Breloux (qui s’uniront pour devenir La Crèche) bénéficient d’une dizaine de moulins, souvent importants, parfois même plus que ceux de Niort.
J’approche du moulin de Ruffigny, lequel peut produire 1 800 kilos de farine par jour. Comme partout ailleurs, la production est tributaire du débit d’eau : trop de pluie et on ne peut pas travailler, sans compter les risques d’inondation dans la salle des meules, pas assez d’eau et là encore le moulin ne fonctionne plus. Au printemps 1759, parmi les meuniers de Ruffigny, se trouve Jacques Dupeux. Avant son mariage, il était domestique. Il a épousé Louise Thomas, la fille du meunier, et est venu s’installer avec son beau-père. Dans quelques années, par son second mariage, il deviendra le beau-frère de mon ancêtre Louis Sicot que nous avons croisé à Saint-Maxire.
Un peu plus loin, j’arrive paroisse de Breloux, je passe devant un autre grand moulin, celui de Barilleau. Avec ses 2 250 kilos de farine par jour, c’est le plus grand que je croise depuis mon départ, il fournit plus de farine qu’aucun des moulins de Niort ! Du bateau, j’entend le bruit de la salle de meules, à l’intérieur cela doit être assourdissant. La farine est inflammable et la quantité présente au moulin augmente encore les risques d’incendie. Heureusement, l’été est encore loin et les meuniers ne vivent pas constamment avec cette peur. Le moulin de Barilleau a besoin d’une main-d’œuvre nombreuse, plusieurs familles y vivent pour le faire tourner.
Enfin, j’aperçois le moulin des Estrées. Ici ont vécu mes ancêtres Daniel Chantecaille et sa seconde épouse Madeleine Dutoy, les parents de Madeleine Chantecaille que nous venons de croiser à Chalusson.
Aujourd’hui, ils sont décédés depuis longtemps et aucun de leurs enfants n’est resté au moulin. La plupart des familles que j’ai croisées dans ma balade étaient d’origine protestante (les Couraud, les Chenu, les Favreau…), était-ce le cas de Daniel et Madeleine ? Nous sommes en terre protestante, du moulin on aperçoit le temple, et Daniel est un prénom classique de la religion réformée. Je n’ai aucune certitude mais ils sont peut-être enterrés tout près, dans l’un des nombreux cimetières familiaux du village, à l’ombre d’un pin parasol.
C’est ici aux Estrées que se termine ma balade sur la Sèvre à la rencontre de mes meuniers. Il me suffit maintenant de quitter ma barque, de mettre pied à terre et de revenir en 2017. Je n’ai plus que quelques centaines de mètres à parcourir pour rejoindre ma maison. Il y a plus de 25 ans quand, avec Raymond, nous nous sommes installés à La Crèche, je ne savais pas que je serais si près de la rivière qui a connu mes ancêtres.
Sources :
Annie Marchais, Bernard Haury. Se souvenir de La Crèche. Geste éditions, 2006
je ne pense pas qu’il y avait de la concurrence entre les moulins, les laboureurs vivant sur les terres d’un chatelain était tenu de faire moudre leurs céréales dans tel moulin qu’y leur avait été désigné lors du bail de la ferme. chaque moulin avait un distroit (ou banlieue) dans laquelle tous les fermiers devaient se rendre dans ce moulin. le fait d’aller dans un autre moulin était sujet à procès.
pour ce qui est des risques professionnels, beaucoup d’entre eux devenaient aussi aveugles du fait du piquetage des meules, et comme ils n’avaient pas de lunettes de protection au 18ème. certains devaient aussi avoir des problèmes respiratoires à cause de la farine volatile.
comme je vous l’ai déjà dit, jolie approche de la vie des meuniers.
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Merci pour toutes ces remarques et précisions. Je ne connaissais pas cette règle imposant aux fermiers d’aller dans tel ou tel moulin.
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