
Après avoir étudié les jeunes hommes de ma famille face à la conscription et à l’armée sous l’Empire, puis pendant la Restauration, j’arrive à une nouvelle période qui va de la Seconde République (1848-1852) au Second Empire (1852-1870), avec toujours le même homme à la tête de l’État, Louis-Napoléon Bonaparte devenu en 1852 l’empereur Napoléon III. Malgré les deux changements de régime, le service militaire évolue peu : le service se fait toujours par engagement ou tirage au sort et dure autour de 6 ans. Cependant, à partir de de 1855, si on veut éviter l’armée, il n’est plus nécessaire de se chercher un remplaçant, il suffit de payer une taxe. Encore faut-il pour cela en avoir les moyens (le coût était de 1800 à 3000 F selon les années !) Pour les jeunes gens, le rituel est toujours le même : l’année des 20 ans, ils doivent se rendre au chef-lieu du canton où a lieu le conseil de révision et le tirage au sort des conscrits. J’ai retrouvé entre 1848 et 1870 dans ces listes du département des Deux-Sèvres, 20 jeunes hommes de ma famille dont 4 sont mes ancêtres directs. Les renseignements donnés sont encore rares et bien souvent parcellaires : il peut selon les cas manquer la taille, la décision finale (exempté, apte…) ou le motif de cette décision. Toutefois, je connais maintenant le degré d’instruction de beaucoup : nous sommes avant que l’école soit obligatoire et cela se ressent pour les 18 renseignés : ce degré d’instruction est de 0 pour les quatre qui ne savent ni lire ni écrire, de 1 pour les quatre autres qui savent juste lire et de 2 pour les dix qui savent lire et écrire, mais n’ont pas le niveau d’instruction primaire. Il me faut attendre 1867 pour avoir enfin de vrais dossiers matricules riches en information : filiation, adresse, description physique du visage, profession, degré d’instruction, taille, parcours militaire, grades…

Sur toute cette période, on ne sent toujours pas une grande envie chez ces jeunes ruraux de participer à la gloire militaire de la France. Ce n’est plus le temps de la résistance puisque je ne vois plus de réfractaires, mais nous n’en sommes pas encore à l’obéissance. Sur les 20 garçons étudiés, je sais qu’au moins 8 demandent à en être exemptés (sans doute bien plus car les autres ne sont pas renseignés). Les motifs sont variés : l’estomac, les varices, l’agitation nerveuse, un membre cassé ou la situation familiale. Leur demande n’est pas acceptée pour tous puisque sur ces 8, trois sont déclarés aptes.
Il y a finalement 9 exemptés : 2 sont trop petits (1m50 !!), 2 bénéficient de raisons familiales (un frère déjà au service, soutien de famille car fils unique), 2 sont jugés trop faibles, 2 ont un handicap (surdité, problèmes psychiques) et le dernier a des varices ! Sur les 11 qui sont finalement bons pour le service, 4 ont les moyens de payer la taxe pour en être exonéré. Ce n’est donc finalement que 7 jeunes gens sur les 20 recensés qui doivent faire leur service.

Quant à l’affectation et à la destination des soldats, les archives ne me disent rien avant 1867. C’est grâce à la transmission orale familiale que je sais que, du côté de ma mère, Théodore Nueil a sans doute participé à la guerre de Crimée contre la Russie (1853-1856) et qu’il a dû en parler bien souvent pour que je sois au courant 150 ans après. Et une autre légende, du côté paternel, m’apprend que Jacques Chesseron a fait son service en Algérie à la même époque (son histoire est racontée ici). Par contre, pour les deux jeunes qui ont été appelés à servir à partir de 1867, c’est grâce aux registres que j’ai des renseignements précis. Leur période militaire commence à la fin du Second Empire et se termine au début de la IIIe République. Je sais ainsi que, en rejoignant le 1er bataillon, 2ème compagnie, mon ancêtre Eugène Nueil a participé à la guerre contre l’Allemagne. Et je sais aussi que le frère d’un ancêtre, a été affecté à l’escadron du train des équipages de la garde impériale : Henri-Charles Rabit a fait ensuite la campagne d’Allemagne du 30 août 1870 au 7 mars 1871, et enfin la campagne de Versailles (conclue par la répression de la Commune de Paris) du 18 mars au 7 juin 1871 : il obtient suite à tout cela un certificat de bonne conduite. Les 4 petits soldats dont je connais les états de service sont tous entraînés dans des conflits qu’ils n’ont sans doute pas voulu : aventure coloniale en Algérie, guerre de Crimée opposant des impérialismes, conflit de 1870 annonciateur des suivants avec l’Allemagne, guerre civile et sociale à Paris.
Mes petits soldats sont toujours petits, ils n’ont pas grandi. La moyenne des 5 soldats dont je connais la taille est de 1,63 m. Quant à mes 4 aïeux directs concernés par la période, ils ont eu 3 situations différentes face à l’armée. Auguste Chesseron, apte, a été exonéré en payant. Jacques Turpaud et Pierre Blais ont été exemptés pour faiblesse. Seul Eugène Nueil a fait son service (et même la guerre). Est-ce que cette variété de situations va perdurer durant la prochaine période (1870-1914) ? Mes petits soldats vont-ils enfin grandir ? Vous le saurez en lisant mon futur article Mes petits soldats (4) : la IIIe République de 1870 à 1914 (Quel suspense !)
Très belle série d’articles. Et merci pour tous les renseignements sur la conscription. 🙂
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Merci pour le compliment. La série n’est pas finie. Je compte faire encore 1 ou 2 « épisodes » : la IIIe République jusqu’en 1914 et peut-être la guerre 14-18.
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Votre article est très intéressant. Un ancêtre de mon mari, Joseph Marie MIGUET est parti en Cochinchine.
Il est né le 16/11/1825 à Hauteville-Lompnes dans l’Ain. Il s’est marié le 28/01/1852 à Hauteville-Lompnes 01. Ilo n’a pas eu d’enfants.
Je l’ai retrouvé DCD le 3/04/1865 à KOMPONG LUONG au CAMBODGE. Il est DCD chez son employeur,
Mr LEFAUCHEUR, négociant à KOMPONG LUONG. Les témoins, pour le reconnaître, étaient Jean-Baptiste Laederick, deuxième maître mécanicien à bord de la canonière No. 32 et ? distributeur 928ème classe de la canonière, envoyés par le capitaine de frégate commandant la station du haut Cambodge C. Favre.
Ma question : pouvez-vous me dire comment je pourrais trouver comment il a pu être recruté et comment il est parti au Cambodge ? -t-il remplacé un conscrit ? Y-a-t-il des listes des conscripteurs ?
Je vous remercie par avance pour votre réponse.
Cordialement,
Emilienne MIGUET
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Bonjour Émilienne
Etes-vous sûre qu’il soit parti au Cambodge en tant que militaire ? Il s’est marié à 27 ans et il avait sûrement fini son service militaire à supposer qu’il n’ait pas été exempté. Peut-être a-t-il été tenté par l’aventure coloniale en tant que civil ?
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