Mon ancêtre André Deborde et son frère Alexis sont vraiment très proches. En tout cas, c’est l’impression que j’ai quand je compare leurs deux vies. Nés en 1749 et 1753, ils sont tous les deux bordiers. Ils se marient assez tard, à 47 ans pour l’un, à 37 ans pour l’autre. Ils connaissent chacun des chagrins : André perd sa 1ère épouse en 1800 et Alexis voit mourir en 1802 sa fille Jeanne âgée de 7 ans. Quand je les observe en 1811, leur situation sociale et familiale est presque identique : ils travaillent dans leur ferme de Pugny dans les Deux-Sèvres, André à La Forge et Alexis à La Coulaisière ; et ils élèvent chacun avec leur épouse (André s’est remarié) un seul enfant, un fils qu’ils ont eu tous les deux la bonne idée de prénommer Pierre.
André et Alexis ont aussi traversé aussi un autre drame, commun à tous les habitants du bocage bressuirais, celui des guerres de Vendée. Je n’ai pas trouvé trace de leur engagement dans un camp ou l’autre mais, de ce que je sais de leur mentalité, je suis persuadé que leur cœur penchait pour les Vendéens, d’ailleurs, un de leurs neveux combattait du côtés des « brigands ». Alexis et André restent sans doute suffisamment en retrait avec leur famille pour ne pas être blessés ou tués durant ce conflit, mais ils ne peuvent échapper totalement à la répression qui frappe la région : la guerre fait de nombreux morts mais elle entraîne aussi de nombreuses destructions, suite aux combats ou lors de passage des colonnes infernales. Ainsi, à Pugny, le château est victime d’un incendie dès août 1792 et de nombreuses maisons brûlent en octobre 1794. Un document d’archive m’a permis de savoir que, parmi les bâtiments détruits, il y a une ferme qui appartient aux 2 frères. Je ne sais pas s’ils y résident à l’époque : elle se composait d’une chambre basse, d’une chambre haute, d’un grenier, d’une boulangerie, d’une cave et d’un toit à bestiaux juste à côté. Elle formait alors un capital de 1440 francs et rapportait 72 francs annuels en ferme.

Quelques années plus tard, la paix revenue, les 2 frères entreprennent ensemble de rebâtir la ferme mais ils ne peuvent mener à terme les travaux. En 1811 donc, il reste à finir la chambre et le grenier, mettre le bouzilly (torchis de la Gâtine), le carrelage, les fenêtres et les vitres. Le capital représente maintenant 1200 francs et le fermage rapporte 60 francs. La situation pour eux est difficile car, selon leurs dires, les 2 frères ne disposent comme revenus annuels que 172 francs et « ils ont de la famille ». Heureusement pour eux, Napoléon veut achever de ramener le calme dans une région encore instable. Une politique d’aide est mise en place pour aider à la reconstruction des maisons détruites et à l’indemnisation des propriétaires. André et Alexis montent donc leur dossier qu’ils déposent en mairie en septembre 1811, comme 11 autres habitants de la commune. Sur le département des Deux-Sèvres, ce sont 799 demandes qui sont à examiner.
Ils sollicitent donc 800 francs pour des travaux qu’ils disent vouloir finir l’année suivante. Le maire de Pugny appuie leur requête. Le dossier doit apparaître solide et justifié car, le 29 octobre 1811, le sous-préfet de Parthenay « vu la présente pétition et l’avis d’incendie, considérant que les exposants ont fait preuve d’empressement à rétablir leur maison et qu’il convient de leur faciliter les moyens d’achever la construction estime qu’il y a lieu à leur accorder une prime de 400 francs ». Finalement, la prime versée est de 100 francs, comme quoi ce n’est pas d’aujourd’hui qu’il faut demander beaucoup pour avoir un petit peu !

Il m’est difficile de savoir si les guerres de Vendée ont vraiment failli ruiner les 2 frères comme le laisse penser leur demande. Ils étaient assez aisés pour des villageois avant la Révolution, mais l’incendie de leur maison a forcément compliqué leur situation. La somme de 100 francs a peut-être été utile pour reconstituer le capital et les aider à rebondir. André décède en 1822 dans sa ferme de La Forge à Pugny à l’âge de 72 ans. Alexis, qui s’est installé dans la ferme de Villeneuve à Neuvy-Bouin, meurt en 1828, âgé de 74 ans. À leur décès, j’ai l’impression qu’ils transmettent chacun à leur fils une situation relativement solide. Pour cette nouvelle génération, les maisons étaient reconstruites, les séquelles de la guerre s’oubliaient peu à peu et une période plus paisible s’ouvrait devant eux.
Sources :
– Archives des Deux-Sèvres 1 M 600 à 1 M 608 – Guerre civile de Vendée (Maisons détruites, reconstruction : instructions, correspondance, rapports, états nominatifs)
– Le site sur le château de Pugny
P.S. 1 : la date d’octobre 1794 pour l’incendie à Pugny m’étonne un peu car elle se situe à une période plutôt pacifiée dans la région, postérieure aux exactions dues aux colonnes infernales (entre janvier et avril 1794) et au combat voisin de Chanteloup (juillet 1794).
P.S. 2 : cela n’a pas grand chose à voir mais il faut quand même que je le dise : les deux héritiers d’André et Alexis, fils uniques et cousins, ont tout fait pour me compliquer mes recherches généalogiques. Mon ancêtre Pierre Deborde (le fils d’André) a épousé Marie Grelier et ils ont eu leur fils Joseph (toujours mon ancêtre) le 29 juillet 1825 à Pugny. Son cousin Pierre Deborde (le fils d’Alexis) a épousé une autre Marie Grelier et ils ont eu un fils prénommé Joseph le 10 novembre 1825 à Pugny. Arggg ! Heureusement, les lieux-dits, entre autres, m’ont permis de les différencier.
L’histoire de ces deux frères est attendrissante, et une fois encore la recherche est poussée. Tu me fais découvrir des archives que je ne connaissais pas 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Si tu veux, je peux regarder un jour les dossiers de reconstruction des communes qui te sont chères (Amailloux, Chiché ou autres…)
J’aimeAimé par 1 personne
Merci c’est super gentil 🙂 Pour Amailloux, le dossier doit être « lourd » vu que le village a été incendié …
J’aimeAimé par 1 personne