Dans le cadre du #généathème sur la famille et en cette veille de fête des mères, je n’en fais qu’à ma tête !
Elles ont vécu aux XVIIIe et XIXe siècles, bien avant que ne soit instituée la fête des mères. De toute façon, elles n’auraient eu droit ni à un poème, ni à un collier de nouilles car elles ne se sont pas mariées et n’ont pas eu d’enfants ! Ce sont les vieilles filles. L’expression n’est pas très jolie. On imagine bien souvent une femme aigrie, frustrée ou bigote, c’est ainsi que la dépeint Balzac dans son roman « La vieille fille » :
Mademoiselle Cormon avait beau prier Dieu de lui faire la grâce de lui envoyer un mari afin qu’elle pût être chrétiennement heureuse, il était sans doute écrit qu’elle mourrait vierge et martyre, car il ne se présentait aucun homme qui eût tournure de mari.

On peut préférer les mots que l’on trouve bien souvent sur leur acte de décès, « célibataire » ou mieux encore « fille », ce qui leur donne un air d’éternelle jeunesse. Comme elles n’ont pas de descendance, elles sont souvent négligées par les généalogistes. Ce sont ces oubliées que je vais fêter aujourd’hui. J’ai limité ma recherche à 26 femmes de mon arbre qui, de façon sûre, ont vécu plus de 40 ans sans fonder de famille.
Pour 2 d’entre elles, je sais que la raison du célibat est liée à la foi. Rosalie Frouin (1830-1904) devient religieuse et finit sa vie au Carmel de Poitiers à 73 ans. Marie-Geneviève Baudouin (1807-1848) est novice aux Filles de la Sagesse en Vendée en 1829, elle fait sa profession de foi l’année suivante et devient sœur Marie-Brigitte. Elle décède en 1848 à La Rochelle. J’ai sans doute dans mon arbre d’autres femmes qui sont entrées dans les ordres. Elles ne sont malheureusement pas faciles à retrouver : peu d’actes les citent et elles vivent souvent cloîtrées, parfois bien loin de leur lieu de naissance et je ne me suis pas encore frotté aux archives religieuses. Sans qu’elles deviennent moniales, la prière a peut-être consolé de la solitude certaines femmes. Même si l’église catholique encourageait le mariage et la procréation, une pratique religieuse intensive devait sans doute compenser en cas de célibat. Quand Catherine Clochard décède, « fille » en 1731, le curé précise « avec beaucoup de piété ». Si Jeanne Joly est choisie comme marraine au baptême de nombreux enfants de sa paroisse de Pugny, c’est sans doute aussi parce qu’elle est une bonne chrétienne. Il en est sans doute de même pour Julienne Violeau à Terves ou Marianne Roy à Chanteloup.
Pour Geneviève Blanchin (1831-1895), je sais que l’explication du célibat est en grande partie médicale. Au recensement de 1876, il est renseigné qu’elle souffre du « mal caduc » et à celui de 1886, il est écrit qu’elle est « tombée du haut mal » : Geneviève est donc épileptique. Elle habite le bourg de Terves, sans doute prise en charge par ses sœurs et ses beaux-frères, elle décède à l’âge de 64 ans. Elle n’est sans doute pas la seule à être contrainte par la maladie ou le handicap. J’ai sûrement dans mon arbre des boiteuses, des bossues, voire des « imbéciles » (pas trop j’espère) qui avaient forcément un peu plus de mal à convoler en justes noces, mais ces renseignements sont rarement trouvables.
Il est donc difficile de savoir exactement pour chacune ce qui les a conduit au célibat. Il est toutefois possible de l’appréhender par une approche statistique. J’ai essayé de savoir quelle était leur situation familiale à 20 ans, à l’âge où la plupart songent au mariage. Le jour de cet anniversaire, elles appartiennent à des fratries assez nombreuses composées de 3 à 10 individus ayant survécu à la mortalité infantile. Il n’y a aucune fille unique. Sans tirer de conclusions individuelles, il me semble que plus la famille est nombreuse, plus le mariage des filles est difficile. Fournir de nombreuses dots pouvait être un frein ! Je m’en rends d’autant plus compte que, parfois, plusieurs sœurs d’une même famille sont concernées.
– Marie-Anne (1757-1802), Julie (1768-1817) et Françoise (1772-1838), filles du charron François BURGET restent célibataires. Elles demeurent auprès de leur sœur Thérèse, mon SOSA 89, qui est la seule des filles à trouver un époux.
– Véronique (1750-1815) et Marie-Charlotte (1753-1836) MARILLAUD sont les filles d’un marchand. Seule leur sœur cadette Prudence, mon SOSA 97, se marie.
– Le marchand Jacques SABRON a eu 11 filles. 4 sont décédées jeunes et seules 2 se sont mariées. Parmi les 5 autres, Marie (1678-1719), Jacquette (1686-1745) et Françoise (1694-1775) ont vécu bien longtemps, sans jamais connaître le bonheur conjugal.
J’ai enfin regardé la place qu’elles occupaient dans la sororie. 9 sont les aînées, 8 sont les benjamines et les 9 autres sont entre ces deux places. Apparemment, ce n’est pas déterminant. Pourtant, il est possible que la place d’aînée ait condamné Jeanne Frogier (1771-1840) et Marie-Charlotte La Pierrière (1735-1802) a s’occuper de leurs plus jeunes frères et sœurs au décès de leur mère.

Pourquoi ne se marie-t-on pas ? Aujourd’hui comme hier, les réponses sont à la fois individuelles et sociétales. Le poids de la religion, les affres de la maladie ou du handicap, l’importance de l’héritage, la place d’aînée au décès d’une mère, tout cela peut peser lourd surtout quand ça se surajoute. Mais il y a aussi toutes ces histoires personnelles que je ne ne pourrai jamais découvrir : les amours déçues, les injonctions parentales ou familiales, les difficultés à exprimer ses sentiments… et aussi, rêvons un peu, les choix assumés de femmes qui préfèrent être libres. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui sur ce blog, c’est la fête des (vieilles) filles et je ne les oublie pas (liste à lire sur l’air de Céline de Hugues Aufray) !
Julienne VIOLLEAU (1651 Terves – 1719 Terves)
Catherine CLOCHARD (1684 La Chapelle-St-Lt – 1731 La Chapelle-St-Lt)
Jacquette SABRON (1686 La Chapelle-St-Lt – 1745 La Chapelle-St-Lt)
Françoise SABRON (1694 La Chapelle-St-Lt – 1775 La Chapelle-St-Lt)
Charlotte SABRON (1700 La Chapelle-St-Lt – 1759 La Chapelle-St-Lt)
Perrine BONNEAU (1704 Loge-Fougereuse – 1750 La Tardière)
Marguerite DELAHAYS (1705 St-Pierre-du-Ch. – 1753 St-Pierre-du-Ch.)
Françoise BODIN (1712 Terves – 1753 Terves)
Jeanne JOLY (1721 Pugny – 1775 Pugny)
Marianne ROY (1727 Chanteloup – 1802 La Chapelle-St-Lt)
Françoise METAIS (1734 Terves – 1795 Terves)
Marie-Charlotte LA PIERRIERE (1735 Courlay – 1802 Courlay)
Véronique MARILLAUD (1750 Largeasse – 1815 Largeasse)
Marie-Charlotte MARILLAUD (1753 Largeasse – 1836 Largeasse)
Véronique AUGER (1753 Largeasse -1824 Pugny)
Marie-Anne BURGET (1757 Nueil/Les Aubiers – 1802 Nueil/Les Aubiers)
Julie BURGET (1768 Nueil/Les Aubiers – 1817 Nueil/Les Aubiers)
Françoise BAUDOUIN (1771 Courlay – 1859 Terves)
Jeanne FROGIER (1771 Terves – 1840 Terves)
Louise BODIN (1772 Terves -1820 Terves)
Jeanne BILLY (1772 Breuil-Chaussée) – 1846 St-Porchaire)
Marie-Françoise BURGET (1772 Nueil/Les Aubiers – 1838 Nueil/Les Aubiers)
Marie-Geneviève BAUDOUIN (1807 Terves – 1848 La Rochelle)
Julie BAUDU (1825 Boismé – 1870 Boismé)
Rosalie FROUIN (1830 Chanteloup – 1904 Poitiers)
Geneviève BLANCHIN (1831 Terves – 1895 Terves)
J’ai connu le pourquoi d’un célibat d’une vieille cousine. Lors du décès de sa mère alors qu’elle avait plus de 60 ans, elle a découvert des courriers de plusieurs prétendants dont un dont elle était amoureuse. Ses parents ne les avaient pas jugés assez bien pour leur fille, et du coup elle est restée seule et à fini bient tristement sa vie avec ses chats. Elle qui a cru si longtemps que personne ne voulait d’elle !
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Les interdits familiaux, j’ai rencontré moi aussi cela, mais chez des vieux garçons (la suite au masculin est pour bientôt). Quant à votre cousine, cette découverte a dû être terrible pour elle !
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J’ai eu 2 grand-tantes du côté paternel, qui ont vécu jusqu’à un âge avancé , restées « demoiselles ». D’après ma mère, elles avaient un frère handicapé physique ( un peu comme TOULOUSE LAUTREC, nanisme et bossu), leurs parents étant cousins germains, et cela aurait découragé les prétendants éventuels. Mais il paraît que( l’une des 2, tout au moins) avait le caractère difficile, peut-être avait-elle simplement du caractère et ce n’était pas apprécié, à l’époque , pour les femmes!!
De nos jours,on peut vivre une ( ou des) histoire(s) d’amour sans forcément être marié, ce qui n’a pas toujours été le cas.
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Merci Catherine de votre témoignage. Des femmes (ou des hommes) avec le caractère difficile, ça peut effectivement décourager les prétendants ! Toutefois, il existe aussi pas mal de personnes avec le caractère difficile qui ont trouvé un conjoint !
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Tous ces pourquoi que nos recherches provoquent… Souvent des pourquoi avec des réponses possibles mais pas sûres, enfin peut-être… C’est parfois un peu frustrant, mais c’est aussi le sel de ce « jeu ».
Bravo pour cet article qui éclaire sur des pistes à suivre.
Quand j’ajoute une personne sans mariage, sans descendance, je me dis « qui saura qu’elle a vécu si moi aussi je l’oublie »
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Merci Mauricette. Nous essayons de nous intéresser à toutes les personnes qui sont dans nos arbres généalogiques. La preuve : Sylvie a fait récemment un article sur ses très jeunes mariées et moi sur mes très vieilles célibataires.
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