Tenir un blog de généalogie, c’est très souvent comme chez le fleuriste : « plaisir d’offrir » et « joie de recevoir ». Plaisir de raconter les histoires de mes ancêtres et joie de se découvrir par ce biais de lointains cousins. Et parfois, un de ceux-ci, Philippe en l’occurrence, me fait un très beau cadeau : la photo d’un « diplôme » signé en 1817 par le roi Louis XVIII, à destination d’un ancêtre commun à nous deux, François Frouin, mon sosa 48.
Louis par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre
Sur le compte qui nous a été rendu en dévouement et de la fidélité dont le Sieur Frouen François de la commune de Courlay département des Deux-Sèvres Nous a donné des preuves en combattant avec valeur dans nos armées royales de l’Ouest ; Voulant témoigner au Sieur Frouen la satisfaction que nous éprouvons de ses services, et lui en donner une marque qui en conserve le souvenir dans sa famille ; Nous avons résolu de lui adresser et lui adressons la présente, signée de Notre main, comme un gage de Notre bienveillance royale.
Donné au Château des Tuileries, le 4 juillet de l’an de grâce 1817 et de notre règne le 23ème
Louis
Par le Roi
Le Ministre secrétaire d’État de la Guerre
Mr de Latour-Maubourg
31 janvier 1821
Ce beau document, parfaitement conservé depuis 2 siècles, me permet de mieux connaître la vie de mon aïeul et ainsi de vous la raconter.
François Frouin est issu d’une famille du village de Largeasse en Deux-Sèvres. Son père, prénommé François également, et sa mère, Prudence Marillaud, se sont mariés en 1782. C’est un couple plutôt aisé à l’échelle de leur paroisse et assez éduqué, ils savent tous les deux lire et écrire. Lui est propriétaire et marchand. En 1789, année de la Révolution française, ils ont deux enfants en vie dont François, l’aîné, notre futur diplômé, né le 24 novembre 1783. Quand la région se soulève contre la République avec les guerres de Vendée, je suppose que la famille penche plutôt du côté royaliste, comme de nombreux habitants des petites paroisses du Bocage. Cependant, il n’est pas possible qu’à la Restauration, Louis XVIII ait récompensé le fils François pour avoir combattu entre 1793 et 1795 avec l’armée catholique et royale. Âgé de 10 à 12 ans, il était alors trop jeune et je suis sûr que les félicitations royales n’étaient pas destinées à son père. Je n’ai d’ailleurs pas trouvé de traces d’implication de ce dernier dans le conflit même si un de ses beaux-frères, André Day, boulanger à Terves, a été particulièrement actif au côté des Vendéens et a connu ensuite pas mal d’ennuis à cause de son engagement. Peut-être François Frouin père s’est-il comporté de façon plus réservée ?
La paix revenue dans les Deux-Sèvres, la fratrie augmente de 3 enfants. François, le fils aîné, se marie en 1809 avec Marie Bisleau, la fille d’un meunier. Il a 26 ans et elle 18. Le jeune couple choisit de s’installer pas très loin, dans la commune de Courlay. Les premières naissances s’ensuivent. François exerce plusieurs métiers, sans doute simultanément : il est dit fermier, propriétaire ou cabaretier. Les régimes politiques qui se succèdent entre la Première République et le Premier Empire ne correspondent pas aux valeurs de François Frouin. Comme son père, il est très catholique et, en conséquence quand on habite alors le Bocage, très royaliste. La Restauration, suite aux défaites napoléoniennes, va lui permettre de voir ses idées l’emporter. La période est confuse, puisque la monarchie mise en place par Louis XVIII (1814-1815) est vite contestée. C’est le retour de Napoléon (les Cents Jours, de mars à juin 1815) qui, par contre, ne passe pas dans ce qui était il y a 20 ans la Vendée militaire.

La région se soulève à nouveau. Des armées se forment dont celle du Haut-Poitou sous le commandement d’Auguste de La Rochejacquelein, le frère d’Henri, le héros de la 1ère guerre de Vendée. Notre François Frouin a alors 28 ans et il est père de 2 enfants. Pour moi, c’est forcément à ce moment qu’il rejoint l’armée royale de l’Ouest et qu’il s’illustre suffisamment pour mériter la reconnaissance de Louis XVIII. À quels combats a-t-il participé en 1815 ? La prise de Bressuire le 15 mai ? Les batailles de Châtillon et de Saint-Pierre-des-Échaubrognes le 17 mai ? La prise de Thouars le 19 juin ? Les armées vendéennes, malgré ces quelques victoires, sont en voie d’être défaites et acceptent finalement la paix avec Napoléon. Mais comme celui-ci est peu de temps après battu à Waterloo par l’armée des Alliés, les Vendéens se retrouvent finalement dans le camp des vainqueurs !

Louis XVIII peut alors regagner son trône et distribuer des récompenses à ceux qui l’ont soutenu, comme mon ancêtre. Pour ceux qui se plaignent aujourd’hui des lenteurs administratives, il se passe près de 4 ans entre la signature du roi en 1817 et celle du ministre de la guerre en 1821 ! Preuve de son adhésion au régime, François Frouin est nommé maire* de Courlay par le préfet, tout comme son père l’est à Largeasse à la même période. Il exerce cette fonction quatre ans, de 1816 à 1819. Sa famille s’agrandit. François et son épouse Marie Bisleau sont les parents de 11 enfants dont 9 atteignent l’âge adulte. La famille déménage et acquiert une plus grande aisance : après Courlay, je la retrouve à Lavaud de Chanteloup de 1821 à 1844, puis à la Braudière de Terves de 1852 à 1861. Les convictions ne changent pas et cela se voit avec l’éducation donnée aux enfants : une fille, Rosalie, devient religieuse et rentre au Carmel de Poitiers. Une autre, Julienne, sera la présidente de l’Union des mères chrétiennes de Terves. Comment François Frouin vit-il les différents changements politiques qu’il va connaître durant son assez longue existence ? Il finit sans doute par s’y plier, comme les autres habitants du Bocage. Il voit les régimes se succéder : monarchie de juillet en 1830 avec Louis-Philippe, IIe République en 1848, Second Empire en 1852 avec Napoléon III. Avec son épouse Marie Bisleau, dans sa ferme de la Braudière, François mène une vie sans doute tranquille, confortable et conforme à ses désirs : il assiste au mariage de plusieurs de ses enfants et tous vivent à proximité. Il décède, 6 ans avant sa femme, le 19 octobre 1861 à Terves, âgé de 77 ans.
Jusqu’à sa mort, François Frouin a conservé pieusement le « gage de reconnaissance royale » que Louis XVIII lui avait octroyé. Même si je ne partage pas des opinions d’un autre temps, je suis ravi que, deux siècles plus tard, le vœu du roi soit toujours exaucé : un de ses descendants, Philippe, garde et même partage la « marque qui en conserve le souvenir dans sa famille » de François Frouin, « combattant avec valeur dans nos armées royales de l’Ouest ».
- J’ai d’autres ancêtres qui ont exercé cette fonction de maire dans des communes des Deux-Sèvres. Je les ai évoqués dans l’article Maire nommé à Largeasse.
J’imagine la joie de recevoir ce document ! C’est une belle récompense et une preuve qu’il est utile de partager le fruit de son travail !
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Effectivement Sébastien ! Le partage et l’échange, c’est devenu un des principes de la généalogie ! On a tous à y gagner et c’est tellement plus sympathique !
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Quelle chance que d avoir conservé ce document si longtemos dans la famille
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C’est conservé par un très lointain cousin découvert grâce au blog. Je fais confiance à ses descendants pour continuer pendant 2 autres siècles au moins, comme ses ascendants !
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C’est toujours aussi passionnant et touchant de lire ces témoignages du passé de nos ancêtres . Merci
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Bonjour Sylvie. Si tu as aimé cette histoire, je te promets que tu en aimeras une autre à venir très bientôt sur nos ancêtres. Il y sera question de Frouin et d’amour vers 1880.
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» Il était une fois, il y a très longtemps….à l’époque où les prêtres enseignaient dans les collèges de l’Ouest de la France » (notamment)
………….J’ai eu comme professeur de Français latin grec le père Frouin….Il m’a tout appris et je me suis particulièrement souvenu de son enseignement quand je commençai ma vie professionnelle comme » Rédacteur » dans une Administration centrale à Paris…
Je doute que la même qualité d’enseignement subsiste encore ailleurs que dans les classes préparatoires…
Je n’ai jamais su de quelle paroisse il était originaire..
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