
« Était-ce possible qu'on se tuât à une si dure besogne dans ces ténèbres mortelles, et qu’on n’y gagnât même pas les quelques sous du pain quotidien ? »
Émile Zola. Germinal
Lors du Challenge AZ de 2022, nous avons évoqué sur ce blog l’histoire des mines de charbon de Saint-Laurs. Les accidents y furent nombreux. Georges MORISSET fut une des nombreuses victimes.
George est un lointain descendant de mes ancêtres. Il naît en 1864 à Saint-Laurs d’un père mineur. Dans ce village et à cette époque, les hommes vont à la mine. Devenu adulte, Georges suit les traces de son père. En 1888, à l’âge de 24 ans, il épouse Marie BONNEAU, une servante du village originaire de la proche Vendée. Très vite, la famille s’agrandit avec les naissances de Georgette en 1889 puis d’Henri en 1891.
Sa vie s’achève dans la nuit du 13 au 14 janvier 1892. À 23 heures, Georges meurt au fond du puits Sainte-Claire où il travaille. Selon le procès-verbal dressé après l’accident, il semble que le décès soit dû à l’asphyxie. On déplore ce jour-là une seconde victime, Pierre GOGNARD, âgé de 17 ans. Georges quant à lui n’avait que 27 ans. Il laisse une jeune veuve et deux petits enfants.
On peut noter que le registre ne mentionne pas la cause des deux décès. Pour trouver l’explication, il faut se tourner vers les procès-verbaux dressés par les autorités. On y découvre ce qui s’est passé et qui est confirmé par la presse dans les jours qui suivent l’accident.
« Les deux victimes de l’accident sont les nommés Morisset Georges, ouvrier mineur âgé de 28 ans, marié, un enfant (sic) ; et Gognard, manœuvre âgé de 17 ans […] Bonnet ne voyant pas venir à l’heure ordinaire Morisset et son mousse s’est inquiété le premier, il alla frapper avec son outil au bas de la cheminée. N’entendant aucune réponse, il monta et trouva Morisset et Gognard morts. Morisset était étendu sur le dos, la tête à la hauteur de l’éboulis, comme s’il était tombé à la renverse ; Gognard couché sur le ventre, la tête dans le charbon, les bras étendus en croix dans l’éboulis […] Les deux corps et surtout celui du mousse étaient encore chauds. A l’appel de Bonnet, Brisard et les 3 autres ouvriers montèrent dans la cheminée, ils descendirent les deux corps qui furent remontés au jour. […] On essaya en vain de ranimer les deux victimes en pratiquant la respiration artificielle, le médecin prévenu aussitôt et qui arriva à 4 heures ne put que constater le décès qu’il attribua, sur l’indication et d’après la première idée des exploitants à une asphyxie produite probablement par l’acide carbonique.«
L’enquête menée par l’ingénieur des mines LAURENT arrive à une toute autre conclusion que celle qui aurait arrangé les exploitants. Les conditions du chantier étaient très mauvaises. Le décès ne serait pas dû à l’acide carbonique ou au grisou mais vraisemblablement à une absence d’aération dans la cheminée en cul-de-sac où travaillait les deux hommes. Selon l’auteur du procès verbal, l’ingénieur de la mine et le maître-mineur mériteraient d’être blâmés mais, comme aucun accident ne s’était jamais produit jusqu’à présent, on considère que c’est une circonstance atténuante et on dégage leur responsabilité. On signifie toutefois aux exploitants qu’il serait nécessaire dorénavant d’installer des tuyaux d’aérage avec ventilateur dans de tels lieux.
La mortalité dans les mines est importante. Dans la petite mine de Saint-Laurs, nous avons retrouvé des rapports concernant 24 décès entre 1839 et 1892, il y en a eu sans doute bien plus !
De grandes catastrophes jalonnent l’histoire des mines. Au XIXe siècle, la plus grave, celle de Courrières dans le Pas-de-Calais, fera 1 099 morts. Au delà de ces terribles accidents, des ouvriers périssaient régulièrement dans la mine. Une étude sur les décès en 1880 note que près de la moitié des ouvriers périssent sous un éboulement et que 9 % meurent par asphyxie.
Sources :
Musée de la mine, Saint-Étienne. Les dangers dans une mine de charbon.




Entre les accidents du travail et les maladies professionnelles, les mineurs d’antan étaient particulièrement mal lotis…
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Et je ne suis pas sûre que ce soit beaucoup mieux aujourd’hui, même si chez nous il y a moins de mineurs.
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Très bon article, comme à l’habitude… ou du moins vos articles correspondent bien à ma sensibilité. Merci pour cela car pour moi, en ce jour de Challenge Z, je me dis : « Z COMME ZUT ALORS ! Je n’aurai plus ma petite chronique matinale qui égaye bien mes journées et foisonnent d’idées… et qui m’en donnent aussi. A bientôt de vous lire et puisque la période est propice à cela : bonnes fêtes de fin d’année et que claque 2025 sous des évènements inattendus et joyeux. (uniquement ceux-là) Jo Th
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Merci pour ces encouragements. C’est vrai que les challenges des autres nous donnent des idées pour de nouvelles pistes de recherches. Bonnes fêtes de fin d’année à vous aussi.
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Faire si peu de cas des vies humaines (et encore aujourd’hui), ça reste malheureusement une constante sur cette planète…
Merci pour ce très intéressant challenge !
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C’est hélas vrai ! Et merci de nous avoir suivi 😉
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J’y ai pris beaucoup de plaisir, vos articles sont toujours de très bonne tenue !
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Chaque vie est unique mais chaque mort l’est aussi !
Merci pour ce challenge2024 qui aujourd’hui meurt également !
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Avec la fin du challenge on va tous souffler un peu 🙂
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