La commémoration du centenaire de la guerre 14-18 est l’occasion de se rappeler aussi des prisonniers. Avec le recul, on peut se dire qu’ils ont eu une chance relative, même si ce statut n’a jamais été enviable. Cependant, durant ce conflit, il valait sans doute mieux être détenu dans un camp que vivre au quotidien les horreurs du front, les risques de blessures ou de mort. Cette chance rétrospective, mon grand-père l’a eue sur la fin de la guerre. Mais, avant d’être capturé, il a dû connaître comme tant d’autres les affres de la bataille de Verdun.

Hubert Deborde est né le 23 janvier 1696, à la ferme familiale des Touches de Terves (Deux-Sèvres). Son père Lucien Deborde est cultivateur et a été maire de la commune, sa mère Marie Chesseron aide à tenir cette exploitation agricole et s’occupe de l’éducation des six enfants, quatre filles et deux garçons, parmi lesquels Hubert, le dernier-né. En août 1914, au début de la guerre, il a donc 18 ans mais il n’est pas encore mobilisé contrairement à son frère aîné Alcide. Il n’est incorporé que le 10 avril 1915, au 129e régiment d’infanterie. Il passe au mois de décembre de la même année au 114e RI, puis en avril 1916 au 239ème RI, 18ème compagnie, où il est soldat signaleur : il n’est pas censé combattre, il doit manipuler des fanions pendant les attaques pour communiquer avec l’artillerie (demande de prolongement de tir par exemple). C’est alors qu’il se retrouve dans les combats nombreux et meurtriers qui se concentrent autour de Verdun. Le Journal des Marches et Opérations du régiment d’Hubert relate précisément les évènements et rend bien compte de ce qu’était la violence des combats. En voici quelques extraits, entre le 22 et le 23 juin 1916 :
- 22 juin 1916, matinée relativement calme
- Dans le cours de l’après-midi, bombardement avec obus de gros calibre… le bombardement est particulièrement violent
- Vers 21h30, les Allemands inondent Fleury et le ravin avec des projectiles de petit calibre qui n’éclatent pas. Le sifflement est continu. L’atmosphère se voile. L’air devient irrespirable. On s’aperçoit tout de suite qu’il s’agit d’une émission considérable de gaz asphyxiants par un procédé et avec une violence jusqu’alors inconnus. L’alerte est immédiatement donnée et tous les hommes mettent leur masque. Cet appareil protège efficacement si on reste immobile mais tout mouvement en particulier la marche avec le sac est rendu pour ainsi dire impossible, le souffle manquant… Beaucoup d’hommes sont intoxiqués et tombent.
- Les émissions de gaz se renouvellent en plusieurs fois jusqu’à 3 ou 4 heures, heure à laquelle commence un bombardement d’une violence inouïe par obus de très gros calibres… Les hommes sont ou blessés ou ensevelis sous des masses de terre, les rares qui restent indemnes ne sont plus en possession de leurs moyens.
- Les Allemands descendus du bois de la Cayette se sont massés dans le ravin du Bazil. les quelques mitrailleuses qui subsistaient ont ouvert le feu mais bientôt elles sont anéanties. Les Allemands s’avancent d’abord sur la 18e en masses compactes, les quelques défenseurs qui restent sont entourés de toute part.

C’est sans doute à ce moment qu’Hubert, soldat de la 18e compagnie, est fait prisonnier, le 23 juin 1916. Le J.M.O. précise que « les 18e et 20e ont été annihilées sur place ainsi que la 19e à la position intermédiaire ». À la fin de cette journée, le tableau récapitulatif du J.M.O. relève pour le 239e RI les noms des 37 morts, 90 blessés et 244 disparus parmi lesquels 82 soldats de la 18e compagnie de mon grand-père. Je ne sais pas quelle est la proportion de morts et celle de prisonniers parmi tous ces disparus, mais vu la violence des combats, j’ai tendance à penser qu’il y a eu de nombreux tués.
Ce ne fut pas le cas de mon grand-père. Je vous raconte la suite, sa captivité en Allemagne, très bientôt.