Connaître ses ancêtres, c’est aussi s’intéresser à leur environnement. Pour comprendre comment vivaient nos ancêtres au XIXe siècle, l’outil le plus pratique, à condition d’en examiner un peu les chiffres, est sans doute le recensement. Je me suis intéressé au plus ancien de Terves, commune rurale des Deux-Sèvres. Il date de 1836. À cette époque, un certain nombre de mes ancêtres contemporains habitent cette commune. Faire une analyse statistique me permet de mieux savoir quelle place ils y occupent.
En 1836, peu de données sont calculées par le recenseur. Il lui faut renseigner nom, prénom, âge et profession mais le formulaire semble surtout vouloir étudier la situation familiale. À partir de la population totale, les célibataires (garçons ou filles), marié(e)s et veuf(ve)s sont dénombrés. Ces chiffres ne sont pas toujours très parlants : ainsi, un garçon peut désigner un enfant de 5 ans, un jeune homme de 20 ans ou un célibataire de 50 ans. Je vous donne malgré cela la « récapitulation » de la commune de Terves.
J’ai voulu aller un peu plus loin pour mieux connaître la commune. J’ai ainsi réalisé la pyramide des âges pour voir la réalité de la population.
Sur les 1 069 habitants, 416 ont moins de 20 ans, 582 ont entre 20 et 60 ans, seulement 71 ont plus de 60 ans. C’est donc une population jeune. La forte natalité, l’espérance de vie courte et peut-être aussi les conséquences des guerres de Vendée (qui se sont déroulées 40 ans plus tôt) expliquent la forme de cette pyramide. La répartition par sexe est bizarrement assez déséquilibrée chez les plus jeunes. Le moindre nombre de femmes entre 20 ans et 39 ans est peut-être également le fait du hasard, accentué par la mortalité liée aux accouchements. À partir de 40 ans, ce sont les femmes qui sont le plus nombreuses car elles vivent plus longtemps.
Si j’enlève les moins de 20 ans, il y a 332 hommes et 321 femmes adultes. Je peux ainsi mieux saisir les situations matrimoniales. Chez les hommes, 183 sont mariés, 13 veufs et 136 célibataires. Chez les femmes, 182 sont mariées, 45 veuves et 94 célibataires.
Une vison plus fine montre que le nombre important de célibataires est dû au fait qu’on se marie tard dans les campagnes, surtout chez les garçons. 114 des 125 jeunes Tervais de moins de 30 ans ne sont toujours pas mariés. Et 59 jeunes femmes sont dans la même situation, quand 37 sont déjà mariées. Pour le recenseur, le mot célibataire désigne quelqu’un d’un certain âge, qui ne se mariera sans doute plus. Ainsi, il utilise régulièrement ce mot dans la colonne observation, mais surtout pour des personnes de plus de 40 ans. L’injonction de l’époque, c’est de se marier, même tardivement. Passé 50 ans, tous les hommes ont connu le mariage (j’ai la chance que le curé n’ait que 43 ans !) Par contre, davantage de femmes ne trouvent pas à s’unir, peut-être par choix, mais aussi, pour certaines, parce qu’elles sont dans une situation délicate. Le recenseur note que 5 d’entre elles sont mères d’un enfant.
En regardant de plus près les couples formés, il y a une grande disparité quant à l’écart d’âge. Tous les cas de figure existent, la femme peut être la plus âgée et il y a parfois des différences d’âge très importantes, même quand la femme est l’aînée.
Les 1 069 habitants de la commune sont répartis en 229 ménages, soit une moyenne de 4,67 personnes par habitation. Cela va de 1 à 14. Le cas le plus fréquent, c’est le couple avec 2 ou 3 enfants, rarement plus (j’ai quand même relevé un maximum de 9 enfants). Les 11 ménages de plus de 10 personnes s’expliquent, pour 10 d’entre eux, par la présence de domestiques pour les travaux agricoles. Le nombre d’enfants d’une maisonnée est bien moins important que je l’imaginais. La mortalité infantile explique en partie ceci. Mais surtout, la fausse impression vient du fait qu’on étudie des familles complètes dans nos arbres. Dans la réalité, à un instant donné, les couples les plus jeunes n’ont pas encore tous leurs enfants, les couples plus âgés ont déjà marié ou placé en domestiques un ou plusieurs enfants. Autre présupposé que j’ai dû remettre en cause : avoir 3 générations (aïeux, parents et enfants) sous le même toit est plutôt rare. J’en ai trouvé seulement 15 cas. L’aïeul est presque toujours un veuf ou une veuve, un couple de grands-parents une seule fois. La courte espérance de vie explique peut-être un peu cela mais je vois aussi pas mal de vieux en couples ou veufs se suffisant, seuls dans leur foyer. Et il existe bien sûr quelques situations qui échappent à la structure traditionnelle des ménages : outre les personnes seules veuves et célibataires, j’ai aussi découvert un orphelin de 14 ans vivant seul également, une fratrie de vieux célibataires, 2 familles sous le même toit…
Carte postale ancienne
J’ai 14 ancêtres qui sont recensés cette année-là à Terves. 4 veuves dont 2 se sont remariées, un couple plutôt âgé (la cinquantaine !) 3 couples plus jeunes (ils ont tous déjà des enfants, les épouses ont entre 20-30 ans et les époux ont entre 30-40 ans), et enfin un jeune homme et une jeune femme âgés d’un peu plus de 20 ans qui ne savent sûrement pas encore qu’ils se marieront 8 ans plus tard. La jeune femme, c’est Victoire Nueil. Elle sera enceinte dès la fin de l’année et se retrouvera en 1837 dans la situation déjà évoquée, et peu enviable, de fille-mère. Pourtant, en 1844, le jeune homme, Baptiste Monneau, l’épousera et reconnaîtra sa fillette.
Mes ancêtres, par leur âge et leur situation familiale, sont représentatifs de la réalité de la commune : le couple le plus âgé vit avec leurs enfants encore célibataires et 2 domestiques ; les 3 jeunes couples se sont formés dans la tranche d’âge convenable et ont leurs premiers petits ; les 2 plus jeunes attendent leur tour, pas très sagement pour Victoire Nueil ; et enfin les veuves de mon arbre confirment le constat qu’elles vivent plus longtemps que leurs maris.
Cet article est déjà bien long, mais il y a beaucoup à dire. Je fais donc une pause. J’évoquerai l’aspect social et professionnel dans le prochain billet.
Excellente étude ! Je ne connaissais pas ce genre de lavoir, en forme de bassin.
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Merci Jean-Michel. Dans la région, tous les lavoirs ne sont pas au bord de rivières, il y a beaucoup de lavoirs qui sont des bassins alimentés par une source. Les formes sont variables (ovale, rectangulaire, hexagonale…). J’aime beaucoup cette belle carte postale qui restitue bien la vie et les activités autour du lavoir.
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bravo et merci pour cette étude, ça me donne des idées pour compléter mes arbres.
les recensements donnent des infos que nous ne devons pas laisser de côté.
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Merci Marie-Thérèse ! Je suis ravi si cela vous donne des idées de recherches.
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Non non, l’article n’est pas trop long, et j’ai hâte de lire la suite ! Analyse très intéressante, qui me donne envie de pousser plus loin celles que j’ai déjà réalisées (je me suis arrêtée à la partie pyramide des âges prenant en compte le statut matrimonial).
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Merci Pauline, je suis rassuré :-). Il y a encore pas mal a dire. J’ai la matière pour au moins 2 articles (un sur l’aspect professionnel et social, un sur les anecdotes qui nous apprennent elles aussi pas mal de choses sur la réalité des villages). Si j’ai le courage, j’aimerais aussi comparer avec un recensement plus récent de Terves. Et aussi comparer avec un village du sud du département à date identique.
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Excellent ! Encore un grand merci qui va nous donner des envies de fouilles. Et à très bientôt la suite j espère.
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La suite avant la fin du mois de février. J’ai de la chance, il fait 29 jours cette année !
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