Quand, j’ai commencé ma généalogie, il y a quelques années, je n’utilisais pas encore l’aide précieuse de la base de données du Cercle généalogique des Deux-Sèvres, département où se trouvent presque tous mes ancêtres. Je n’étais pas encore usager de Généanet. J’arrivais toutefois à progresser plutôt bien sur la période postérieure à la Révolution. Je m’aidais beaucoup des tables décennales des naissances, mariages et décès par communes mises en ligne par les Archives départementales. Mais avant 1789, je bloquais. Je coinçais presque partout sauf à Saint-Clémentin. En effet, dans ce village du nord du département, des ajouts aux 7 registres paroissiaux m’ont beaucoup aidé dans mes premières recherches.
Premier apport, collé au début de tous les registres, datant forcément du XXe siècle et de l’invention de la machine à écrire : ce petit mot joliment rédigé, faisant appel au sens civique, qui a sans doute aidé à la conservation de ces précieux écrits.

Deuxième modification : quelqu’un a entrepris de réécrire de façon plus lisible, pour les actes les plus anciens et les plus difficiles à déchiffrer, les noms et prénoms des baptisés, mariés ou inhumés. Quand on est généalogiste débutant, encore peu au fait de la paléographie, pouvoir lire facilement au début des actes le nom des personnes concernées est un vrai soulagement surtout pour certains gros registres. Aujourd’hui, il est bien sûr interdit de mettre des notes sur des documents conservés aux Archives. Je dois cependant reconnaître que, grâce à ces abus, j’ai pu trouver bien plus rapidement de nombreux actes comme le baptême de mon SOSA 1134 René Charrier avec son nom bien visible en haut à gauche !


Mais l’ajout le plus significatif et le plus utile est celui, au début des 7 registres de la paroisse, de tables alphabétiques d’une dizaine de pages ou plus ; cela représente en tout une centaine de feuillets comme celui sur le côté. Cette rédaction a été achevée en 1782 « par les soins et au frais de Messire Pierre Larc, curé de ladite paroisse. » Il explique sa méthodologie au début du 2ème registre. Il nous expose qu’il « a fait une table à chaque volume pour en faciliter la recherche des actes y contenus. Ces tables sont par lettres alphabétiques. Le nom de famille est le premier, ensuite le nom de baptême et enfin le chiffre qui indique la page où on le trouvera. Les baptêmes sont dans le premier ordre, suivent les mariages et enfin les enterrements… »
Grâce au curé Larc, comme je savais que j’avais des ancêtres appelés Normandin, j’ai trouvé très facilement les actes de tous ceux qui portent ce nom puisqu’ils sont regroupés.

J’ai sans peine recomposé cette famille, comme d’autres. En repérant aisément mon SOSA 359, Marie-Anne Normandin, je n’ai eu qu’à me rendre à la page numérotée 286 par le prêtre pour trouver son acte de baptême. L’aide du curé Larc m’a été d’autant plus précieuse que son écriture est bien plus lisible que celle de certains prêtres qui l’ont précédé.

Aujourd’hui, j’utilise des bases de données bien plus modernes pour faire ma généalogie. Cependant, j’ai encore une petite émotion quand je vois les relevés faits par le curé Larc. Pour moi, il a fait œuvre avant la lettre de généalogiste amateur :
– Il a établi des tables pratiques et fonctionnelles avant l’heure « pour en faciliter la recherche des actes y contenus. ». Il a fait preuve d’une méthodologie sûre, prenant même le temps d’expliciter sa démarche. Il a eu le souci de la conservation des documents qu’il avait fait relier.
– Il a aussi réfléchi sur l’évolution des noms de famille. Il note pour ses successeurs, en parlant de lui à la 3ème personne, que : « il a cru pour plus grande intelligence devoir écrire certains noms de famille tels qu’ils s’écrivaient de son temps et non pas comme on les écrivait un siècle auparavant. Ainsi, au lieu d’écrire Billé, Gabillé, qu’on écrivait longtemps avant, il a écrit Billy, Gabilly dans les tables parce que c’était des prononciations de son temps. »
– Il a enfin travaillé bénévolement ou presque ! Il dit que : « il ne demande pour tous ces soins à ses successeurs curés que ressouvenir de lui dans leur prières, surtout au saint sacrifice de la messe. »
Ce curé généalogiste, qui sans le savoir m’a tant aidé, j’ai voulu retracer quelque peu sa vie pour lui rendre hommage. Pierre Larc est né en Vendée, à Saint-Martin-des-Fontaines le 10 octobre 1731. Il est le fils d’un laboureur, Jean Larc, et de sa 3ème épouse Françoise Donné. Il est arrivé à Saint-Clémentin en octobre 1765 à 34 ans, pour succéder au prêtre René Bibard tout juste décédé. Il lui a fallu sans doute pas mal d’années pour réaliser les tables des actes de baptêmes, mariages et inhumations, les 7 registres couvrant plus de 135 ans. Il achève ce labeur en 1782.
Au moment de la Révolution, comme beaucoup de prêtres de la région, il choisit le camp des Vendéens insurgés. Sur les actes d’inhumation qu’il rédige durant cette période, on lit bien souvent « massacré par les Bleus », « massacré par les Républicains ». Quelques temps plus tard, il se remémore les années passées sur toute une page dans un registre. Il a vu à regret abimer des actes auxquels il tenait tant : « Les années mille sept cent quatre-vingt quatorze, quinze et seize ont été déchirées par des Républicains… J’en ai recueilli tout ce que j’ai pu découvrir et déchiffrer. Il y a cependant beaucoup d’actes perdus… » Il se réjouit pourtant : « Tous ceux que j’avais fait relier en 6 volumes sont sauvés et intacts ainsi qu’un septième des actes les plus anciens mais informe que j’ai relié moi-même ». (AD 79 St-Clémentin BMS 1775-1799, vue 10/47).
Il meurt le 17 avril 1801 à l’âge de 70 ans. Je ne suis pas sûr qu’il aurait aimé le ton très républicain de son acte de décès : « Acte de décès du citoyen Pierre Larc, ministre du culte catholique le 26 germinal à cinq heures du matin… sur la déclaration à moi faite par les citoyens René Brunet, ministre du culte catholique aux Aubiers et François Turpaud, prêtre desservant de Voultegon, tous du département des Deux-Sèvres… » (AD 79 St-Clémentin, décès an VI an X, vue 3/15).
Ah ! Si tous les curés avaient fait comme celui-là !
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Il y en a quelques uns mais peu effectivement. Et c’est bien dommage !
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Il méritait bien cet hommage ce brave curé !
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Brave peut-être, tenace sûrement ! Et comme il n’a sans doute pas eu de descendants, il faut bien que quelqu’un rende hommage à ce généalogiste avant l’heure !
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