Mes petits soldats (2) : les monarchies constitutionnelles (1815-1848)

Garde_royale
Uniformes de la garde royale. Source Wikipédia

Après la période napoléonienne, voici la suite de l’histoire de mes aïeux deux-sévriens face à la conscription, au service militaire ou à la guerre.
La Restauration a été plutôt bien accueillie sur la terre de mes ancêtres acquise aux idées royalistes et profondément catholique. La région s’est même soulevée à nouveau, comme durant les guerres de Vendée, pour s’opposer au retour de Napoléon pendant les Cent Jours. Avec le retour de la monarchie, le service militaire évolue un peu : le recrutement se fait par engagement ou tirage au sort (avec possibilité de payer un remplaçant) et le service dure 6 ans. Dans les listes mises en ligne par les Archives des Deux-Sèvres, j’ai beaucoup plus de renseignements qu’auparavant même s’ils sont encore bien souvent incomplets. On donne presque toujours le métier et la taille ainsi que les motifs de demande d’exemption, moins souvent la décision finale. Malgré ces lacunes, j’ai la forte impression, en épluchant ces listes, que, pour ne pas faire son service, il valait mieux compter sur une réforme ou une dispense que sur la chance au tirage au sort. Je me suis concentré sur l’éventuelle carrière militaire de 50 jeunes gens de 20 ans, parce qu’ils sont présents dans mon arbre, pour cette période qui s’étend de 1815 à 1848.

35 demandent de façon sûre à être exemptés (ce qui ne veut pas dire que les 15 autres n’en ont pas fait aussi la demande). 5 évoquent des raisons familiales (fils aîné de veuve, frère sous les drapeaux…) qui permettaient à certains d’être dispensés. 6 veulent être réformés pour des raisons de taille (la taille minimum pour servir est toujours de 1m54, le plus petit de mes conscrits étudiés ne mesure qu’1m40). La plupart mettent en avant des raisons de santé dont l’accumulation pourrait prêter à sourire (ankylose de deux phalanges du petit doigt de la main droite, faiblesse à l’œil gauche, bras croche, épileptique, manque deux canines supérieures, relâchement dans l’urine…). Je suppose que certains exagèrent ou mentent, et que peut-être même quelques uns se blessent volontairement pour être réformés, mais l’ensemble de ces demandes révèle aussi l’état de santé de jeunes gens déjà abîmés par une vie de labeur au début du XIXe siècle, avant les progrès de la médecine. Sur ces 35 demandes, je sais que 15 garçons sont finalement exemptés et 5 sont jugés aptes. Pour les 15 autres, je n’ai pas la décision finale notifiée mais je pense que la plupart ont été exemptés, notamment si les causes invoquées (familiale et taille) étaient irréfutables.

16 sont déclarés aptes au service militaire, dont les 5 déjà évoqués qui voulaient se faire réformer, et 1 seul qui est décrit de façon explicite sans infirmité. Sur ces 16, je sais qu’un n’est pas parti car il était en liste supplémentaire et n’a finalement pas été appelé, et que 4 autres se sont fait remplacer moyennant finance, comme la loi l’autorisait. Un ne s’est pas présenté le jour du tirage au sort et est devenu réfractaire. Il a couru les champs mais s’est fait prendre, a été incarcéré à la prison de Fontevraud avant de faire finalement son service. C’est donc au maximum 11 de ces 16 jeunes gens qui sont partis à l’armée. J’en ai la preuve formelle pour 6 d’entre eux dont le réfractaire. 2 sont décédés pendant leur service : Pierre Jourdain meurt en 1842 à l’hôpital de Toulon de colique chronique, et Louis Blais en 1846 à l’hôpital d’Alger de diarrhée chronique. Ces morts rappellent que la France s’était lancé dans une nouvelle aventure coloniale avec la conquête de l’Algérie à partir de 1830. Le pays avait besoin de soldats, et ceux-ci pouvaient mourir au combat mais aussi à cause de conditions sanitaires sans doute insuffisantes.

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Attaque d’Alger par la mer de Théodore Gudin (détail). Source Wikipédia

Pour résumer, sur les 50 cas étudiés, je suis certain aujourd’hui que 20 ont évité le service (15 exemptés, 4 remplacés et 1 en liste supplémentaire) et que 6 sont  partis sous les drapeaux (dont 2 décédés). Je suis donc loin d’avoir tout élucidé.

Pour mes 9 ancêtres directs, voilà ce que les listes de recrutement m’ont appris :
1819 Jean Nueil : artiste à Terves (j’ai eu un faux espoir à la lecture de la profession, mais à l’époque, le mot « artiste » pouvait signifier vétérinaire) – demande d’exemption (motif un frère congédié précédemment !?)
1819 – François Blanchin : maréchal à Terves – demande d’exemption (fils unique de veuve)
1819 – Pierre Deborde : bordier à Pugny – capable de servir
1825 Jean Ratron : 1m695, scieur de long à Saint-Sauveur – demande d’exemption (surdité et faiblesse de la vue) – admis dans le contingent
1825 François Goron : 1m600, cultivateur à Nueil – demande d’exemption (faible de complexion)
1826 Jacques Chesseron à Moncoutant : 1m720, métayer – demande d’exemption (grosseur à la partie extérieure du pied et dit avoir les pieds plats)
1834 Baptiste Monneau : 1m600, tisserand à Terves – admis
1845 Joseph Deborde : cultivateur à Clazay – demande d’exemption (faible)
1847 Victor-Augustin Poirier : 1m650, degré d’instruction 0, cultivateur à Combrand – demande d’exemption (cicatrice « adhérente » à la jambe droite) – réformé (déformation du tibia droit)
Je ne suis pas plus avancé pour mes SOSA que pour les autres jeunes gens étudiés. De toute évidence, ils ne tiennent pas plus que les autres à faire leur service militaire. 3 semblent avoir été admis et, s’ils sont partis, il ont eu la chance de revenir sur leur terre natale. Un a été réformé, et les 5 autres ont au moins essayé d’y échapper. Je ne veux pas tirer de généralités de l’étude de mes quelques cas, mais, pour cette période comme pour d’autres, l’image des braves pioupious fiers de servir leur pays en prend un coup. La plupart des jeunes gens ne voulaient pas partir et c’était la débrouille individuelle pour éviter le service militaire.

Au fait, mes petits soldats des monarchies constitutionnelles, sont-ils plus grands que ceux de Napoléon Ier ? La moyenne de leur taille est 1m65. Ils sont plus grands que ceux qui les ont précédés et que les réformés (1m60). Il y a du progrès ! Nous verrons (entre autres) dans le 3ème épisode (1848-1870) si cette tendance se confirme et si mes petits soldats méritent encore leur nom !

9 commentaires sur “Mes petits soldats (2) : les monarchies constitutionnelles (1815-1848)

Ajouter un commentaire

  1. Bonjour,
    Je viens de lire cette merveille de page et j’aurais une question à vous poser concernant mon arrière-arrière-grand-père (de Poitiers) et sa conscription (1848). Est-ce possible ?
    Cordialement,
    Elisabeth Pierrel-Edouard

    Aimé par 1 personne

  2. Je vous ai donc transmis hier la page de la liste des conscrits de Poitiers Sud 1848 où se trouve mon arrière- arrière-grand-père, nous verrons si ma question (et donc votre réponse) à propos de son numéro mérite d’être glissée ici !

    Aimé par 1 personne

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