J’ai jusqu’à aujourd’hui eu très peu recours à la presse ancienne pour donner un peu d’épaisseur à la vie de mes ancêtres. Il faut dire qu’il y avait peu de risques qu’un journaliste d’antan s’intéresse à eux : ils appartiennent pour la plupart à la longue cohorte des humbles, des invisibles : journaliers, laboureurs, meuniers… lingères, fileuses, servantes… Ils avaient peu de chance de faire la une des journaux, à moins d’avoir été coupables, victimes ou témoins de quelque fait divers, ce que je n’espérais pas. Depuis que j’ai découvert le n°25 des Affiches du Poitou*, je ne peux plus dire ça.


Dans ce journal en date du 20 juin 1782, je découvre une des « opérations bizarres et monstrueuses » de la nature : « la femme du nommé Renaudeau, métayer au hameau de la Maupetitière en cette paroisse de Pugny […] a accouché le 27 du mois dernier d’ une fille qui avait deux têtes. » Je vous laisse lire, si vous n’êtes pas trop sensible, la description de l’enfant dans la coupure sur le côté.
La femme du nommé Renaudeau, celle qui n’a pas droit à son nom dans la presse, s’appelle Perrine Auger. Née le 23 novembre 1743 à Vernoux-en-Gâtine, elle est l’aînée des 10 enfants de mes ancêtres laboureurs, Pierre Auger et Catherine Martineau (mes sosas 138 et 139). Perrine épouse donc Renaudeau, Louis de son prénom, le 22 janvier 1764 à Largeasse. Et c’est vrai, que, comme le dit l’article, elle a auparavant « mis au monde plusieurs enfans bien conformés & bien portans. » 7 enfants au moins sont nés entre 1766 et 1779. Ils sont effectivement bien conformés et bien portants au moins pour 3 d’entre eux qui vivront longtemps. Cependant, 2 petites filles (au moins) sont déjà décédées.
C’est donc le 27 mai 1782 que Perrine, âgée de 39 ans, met au monde cette fillette à 2 têtes. Elle est prénommée Catherine et baptisée le même jour. Elle a pour parrain et marraine un jeune frère et une jeune sœur de la maman. L’enfant ne vit que 2 jours et est enterrée le 29 mai. Sur les actes de baptême et de sépulture, le curé Guillon de Pugny ne fait malheureusement aucune mention du caractère exceptionnel de cette naissance. C’est grâce à la presse que je peux connaître cet événement qui a dû susciter beaucoup d’émotion dans la paroisse et, comme le dit le rédacteur, a pu être aussi « un sujet de dissertation » pour ces messieurs de l’Art.
La naissance suivie du décès de cette fillette difforme n’a pas empêché le couple d’avoir par la suite 2 autres enfants. Il est vrai que la morale de l’époque n’était guère favorable à la régulation des naissances. Le 12 janvier 1784 naît la petite Perrine à Pugny, puis c’est Marie-Anne qui vient au monde le 16 juin 1786 toujours dans la même paroisse. Ces 2 fillettes sont bien portantes puisqu’elles atteignent l’âge adulte et se marient au début du XIXe siècle. Le père, Louis Renaudeau, était mort avant ces 2 unions, le 11 avril 1794. Quant à la mère, Perrine Auger, ses nombreuses grossesses (10 au moins) et cet accouchement « monstrueux » ne l’ont pas empêché de vivre plutôt longtemps pour l’époque : elle décède le 8 mars 1809 au Breuil-Bernard à l’âge supposé de 70 ans mais effectif de 65 ans.
*Merci à Albéric Verdon
j’ai lu, et cela me rappelle que j’ai vu un homme en photo sur internet, qui est vivant, et qui a une tete derriere lui aussi, cela m’avait effrayé , j’avoue, et j’ai vite changé de page.
peut être que c’était un jumeau siamois, et qui ne s’est pas développé correctement, en tous les cas, j’espère que personne n’a été méchant avec ce couple, car a l’époque peut être y voyait il une malédiction ou je ne sais quoi,
et bien, pour un arbre que vous dites simple, voici un curieux évênements !
cordialement
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Je réagis de la même façon, je ne regarde pas trop ce genre d’image et du coup, je n’en ai pas cherché pour illustrer l’article. La description écrite m’a suffi !
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Cyril Lefort (merci à lui) me signale que cet événement est recopié dans le livre « Histoire des guerres de la Vendée et des Chouans » (volume 1, page 80) de Pierre Victor Jean Berthre de Bournisseaux (publié en 1819). La notice se termine de façon vraiment peu empathique : « Il est possible que la répugnance qu’inspirait ce monstre ait hâté sa mort. »
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