En 1719, Louis XV est roi de France, il est monté sur le trône en 1715, à l’âge de 5 ans pour succéder à son arrière-grand-père Louis XIV. Le roi n’a que 9 ans et la régence est assurée par Philippe d’Orléans. En janvier, la France a déclaré la guerre à l’Espagne. Mais les habitants de Faye-sur-Ardin en Poitou n’y pensent guère, leur quotidien est centré sur leur travail, leur famille et leur village. En tournant les pages du registre de la paroisse, en cette fin d’année 1719, le curé Samson appose cette note :

« Ceux qui n’ont pas Satisfait à leur Devoir pascal pour l’année 1719 sont :
François Bonneau au Village du Teil
François Prusnier journalier
Jean Bonneau cordier et Louis Grayon (?)
Louis Griseau père et fils Maréchaux +
La nommée Gaillard femme de pierre Moigné +
La Veufve Girard du Village du Teil
Denis Courtin marchand de vin au bourg
qui n’ont point fait leur devoir pascal l’année 1719″
Que veut dire le prêtre quand il écrit cela : ses fidèles n’ont pas respecté le carême ? Ils n’ont pas assisté à la messe ? Ils n’ont pas communié ? Ils ont travaillé ? Je dois dire que je n’ai pas la réponse et peut-être qu’ils figurent sur cet index pour différentes raisons.
Je connais bien ce village, j’ai cherché dans mon arbre mais ces mauvais paroissiens n’y figurent guère ! Pourtant, la paroisse ne compte que 114 feux en 1716, c’est un petit hameau habité par une majorité de laboureurs, métayers et journaliers.
Seules 9 personnes ne remplissent pas leur devoir de bon catholique, c’est très peu. Pâques est la plus importante des fêtes chrétiennes. Les cérémonies religieuses sont célébrées avec ferveur. C’est la fin du carême et de l’hiver, les ouailles de curé Samson le savent bien, elles qui se rendent à l’église dont les cloches sonnent à la volée en ce matin du 9 avril 1719.
Cette année-là, le printemps s’est installé sur le Poitou, un printemps chaud. La pluie qui d’habitude tombe en abondance n’a presque pas daigné arroser les prés. Tout cela annonce un été de sécheresse et de chaleur, comme celui de 1718. Les récoltes s’en ressentent et l’année aura son lot d’épidémies – dysenterie notamment – et de décès.
J’ai essayé d’en savoir plus sur ces réfractaires, même s’ils n’ont pas laissé beaucoup de traces dans les registres de la paroisse. La plupart ne sont pas identifiables, seuls quelques uns se laissent deviner.
- François Bonneau au village du Teil
Il pourrait s’agir de l’époux de Madeleine Saboureau qui décède à Faye le 24 décembre 1731. Pour la Pâques 1719, il a 33 ans. Cependant, un autre François Bonneau vit à cette époque dans le village, il a 28 ans et exerce le métier de bordier, c’est mon sosa 462. Il épousera en 1729 Marie Mesnard qui lui donnera 10 enfants et s’éteindra à 60 ans sans avoir quitté son hameau. - Louis Griseau père et fils maréchaux
Je pense qu’il s’agit de l’époux de Jeanne Courtin, ils se sont mariés tout près, à Ardin en 1690, mais ont vécu à Faye-sur-Ardin. Louis a 54 ans et peut très bien avoir un fils maréchal. Il décède 6 ans après, le 29 septembre 1725, dans cette même paroisse. - Denis Courtin marchand de vin au bourg
Cette année-là, il a une cinquantaine d’années. Vers 1715, il a épousé Renée Saboureau. 3 enfants sont nés, un est mort et Renée est à nouveau enceinte, elle accouchera en septembre. Ne pas avoir fait son devoir pascal ne l’empêchera pas de vivre longtemps : il meurt à 85 ans, le 16 novembre 1753, toujours à Faye-sur-Ardin où il est cabaretier.
Deux d’entre eux vivent au hameau du Teil, un lieu-dit si petit qu’il ne figure même pas sur la carte de Cassini.
L’un d’eux est cordier (et non bordier, la lecture de l’acte est claire) et, si le François Bonneau mentionné est mon ancêtre, il est lui aussi cordier. Deux se nomment Bonneau, 2 épousent des filles Saboureau. Quelques points communs, mais rien qui puisse permettre d’émettre de vraies hypothèses (même métier, même famille, même lieu de vie…)
Il est finalement difficile de retrouver des vies derrière ces noms. Mais, si le curé de Faye-sur-Ardin voulait stigmatiser quelques paroissiens, il leur a permis d’exister au-delà des actes habituels de naissance, mariage et sépulture et, il a laissé ainsi pour certains, la seule trace qui reste de leur passage sur cette terre.
Bonjour,
Dans les années 1950, faire son devoir Pascal, on disait =I faire ses pacques, c’était se confesser et communier lors de la messe, de préférence le jour de pâques. C’était une obligation annuelle. Mais s’agit-il de la même chose au chose au XVIII eme
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Le devoir pascal, c’est l’obligation de communier pour les bons chrétiens. Si ces personnes sont particulièrement surveillées sur ce point, c’est très probablement que leur sincérité religieuse est plus que douteuse. Nous sommes dans une période où les chrétiens d’origine protestante sont privés d’état civil et particulièrement surveillés. Il s’agit très probablement de « mauvais convertis », les travaux du pasteur Rivière pourraient peut-être nous en dire plus.
Pour moi et en conclusion, nous sommes en présence de chrétiens pas très catholiques !
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Oui j’y avais pensé, mais dans ce cas il me semble que les conjoints auraient été cités . Mais je vais quand même regarder du côté du pasteur Rivière
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«faire ses pâques», la définition suivante lue sur – https://croire.la-croix.com/ – correspond à mes souvenirs.
Le principe date du quatrième concile de Latran en 1215. La confession doit avoir lieu chaque année, en relation avec la communion pascale, d’où l’expression «faire ses pâques»
Sans doute ces paroissiens avaient oublié confession et communion pascales… Nos curés étaient parfois de gros délateurs, ce qui fait notre bonheur. Merci Sylvie pour ce bel article.
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Merci Mauricette, oui tout cela a un petit côté délation !
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J’ajouterai à ce qui a été dit, qu’en ces petites communes la messe de Pâques était également pour le curé l’occasion de dénombrer les habitants de la paroisse. Dans un certain nombre de registre on peut trouver, en période de Pâques, une petite ligne sur le nombre de présents à cette messe. C’est en quelques sorte les premiers recensements.
Comme dit plus haut très justement par d’autres commentateurs, cette messe était la seule obligatoire, par conséquent, une occasion parfaite de « recenser » les paroissiens. Les absents cités dans ce registre ne le sont peut-être pas à titre de « délation » comme de mauvais chrétiens, mais peut-être simplement à titre informatif pour tenir ses listes à jour (qui sait, peut-être même un pense-bête pour aller prendre des nouvelles de ces absents ?).
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Au hasard de mes recherches, j’ai découvert sur les registres de la paroisse d’Augé, BMS 1698-1740 Vue 113 à 122 un « mémoire de ceux qui ont fait leur paques pour l’année mil sept cent onze » puis de 1712 jusqu’à 1715. Celle liste comprend prénoms, noms, lieux dits et décompte toutes les centaines. Elle commence au dimanche de la passion (wikipédia: dimanche avant le dimanche des rameaux jusqu’en 1969) jusqu’au dimanche « in albis » ( dimanche après Pâques : wikipédia) Les paroissiens avaient donc 3 semaines , pas seulement le dimanche mais les jours de semaine aussi, pour effectuer leur pâques. Le curé a listé un à un, jour après jour, ses paroissiens. Curé consciencieux ou …gare à celui qui aurait voulu déroger à la loi de l’Eglise.
Merci pour tous vos articles que j’attends avec plaisir.
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Merci Françoise. Augé est une paroisse que je « fréquente » aussi, j’irai regarder ce registre.
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Ma belle mère, Colette Tomasseau, s’adressait souvent à sa fille ainsi : » As-tu fait tes devoirs, Pascale ? »
Mais cela à t-il le moindre rapport avec notre sujet… ?
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Trop drôle 🙂 Démasqué Philippe !
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j’ai un ancêtre qui n’a pas fait ses Pâques, et le curé n’a pas voulut lui faire la prière à l’Eglise,et patati, mais grosse brouille avec les fils, qui apparemment on forcer le curé a faire ce qu’il fallait,
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de grandes chances qu’ils étaient alors d’anciens protestants qui convertis de force sous les dragonnades (eux ou leurs parents)étaient réfractaires à l’église catholique,et de ce fait préféraient travailler que de trahir leur foi ,pour les punir le curé demandaient à ses ouailles de boycotter ces « mauvais catholiques »;il me semble qu’à la lecture de plusieurs fiches de sa paroisse je puis dire qu’il était un curé fort zélé,et d’autre part SANSOM est un nom que je retrouve chez mes ailleuls protestants du mème nom ,était-il de la même famille que la mienne ? je ne peux le dire …
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