La présence dans la paroisse de Terves d’un curé prénommé Isaac m’a longtemps étonné. Comment un curé pouvait-il porter ce prénom donné surtout dans les familles protestantes ? Les très belles notes généalogiques de l’érudit Jean Maillaud, mises en ligne récemment par les Archives départementales de Vendée, m’ont bien aidé dans mes recherches sur ce prêtre et sur sa famille. J’ai pu facilement retrouver le mariage de ses parents.
Quand Samuel Pineau épouse le 25 février 1710 dans l’église de La Tardière Marguerite Geay, le nom des parents des mariés n’est pas donné, peut-être volontairement, mais tout montre qu’il s’agit d’une union concernant 2 familles importantes d’origine protestante. Marguerite, a un frère et une sœur aux prénoms bibliques, Salomon et Jeanne Suzanne. Quant à Samuel Pineau, il est le frère de Judith mariée à Gabriel Barilleau et de Gabrielle épouse d’Isaac Garnier ; j’ai affaire à des notables cultivés, huissiers, maitres chirurgiens, marchands… et tout ce petit monde, hommes et femmes, sait écrire et signer d’une belle écriture.
Grâce aux notes de Jean Maillaud, je trouve et vérifie facilement le nom des parents des conjoints. La mariée, Marguerite Geay, est la fille de Pierre Geay, sieur de la Gasconnière et de Marguerite Cailleau. Ce couple est effectivement protestant car, le 20 avril 1685, ils ont baptisé le frère de Marguerite, Salomon, dans l’église réformée du Breuil-Barret.
Le marié, Samuel Pineau, qui exerce la profession de marchand est aussi le fils de protestants, Mathieu Pineau sieur des Moulins et Suzanne Venaud. Jean Maillaud estime qu’ils sont des huguenots convaincus ne voulant pas renoncer à leur Foi. Après la révocation de l’Édit de Nantes, ils auraient fui les dragonnades et, toujours selon Jean Maillaud, se seraient réfugiés en Angleterre.
En se mariant dans l’église de La Tardière, Samuel et Marguerite obéissent donc à l’obligation qui est faite désormais à tous les huguenots restés en France : comme le protestantisme est maintenant interdit, il faut se marier à l’église catholique. Sont-ils des convertis sincères ? On peut en douter en regardant les prénoms bibliques de la plupart de leurs enfants : Isaac, né le 24 juillet 1711, Henry né le 26 octobre 1712, Philippe Samuel né le 15 octobre 1714 et Salomon, né le 27 octobre 1721 et décédé un an plus tard. Le curé cependant écrit pour les derniers baptêmes que le père est un honorable homme. Et, à son décès en 1736, on apprend qu’il est « fabriqueur », c’est-à-dire qu’il est devenu un des responsables de la collecte et de la gestion des fonds nécessaire à l’entretien et au fonctionnement de l’église paroissiale. Est-ce par adhésion ou par opportunisme, par contrainte ou par lassitude, Samuel et Marguerite, enfants de protestants assidus, sont finalement devenus catholiques.
Et peut-être même de fervents catholiques… En effet, en 1734, ils financent les études théologiques de leur fils aîné Isaac. Pour cela, ils lui ont constitué à partir d’une métairie de la paroisse de Menomblet une rente de 100 livres qu’Isaac touchera jusqu’à ce qu’il soit rentré dans les ordres. L’acte est rédigé par Me Touchault, notaire à La Châtaigneraie. Ses études terminées, Isaac se retrouve vicaire à Saint-André-sur-Sèvre entre janvier 1737 et juin 1739. Puis, il est prieur et curé de sa paroisse natale de La Tardière de juin 1739 à juillet 1741. En août 1741, je retrouve enfin sa signature sur le registre paroissial de l’église de Terves où résidaient tant de mes aïeux.

Ainsi, il baptise un de mes sosas, François René Frouin, le 12 juin 1742. Il célèbre deux mariages d’ancêtres, René Frouin et Françoise Gauffreteau le 12 septembre 1741, François Frouin et Marie Gauffreteau le 22 juillet 1743. Et il enterre trois de mes aïeux, Marie Bertrand le 19 septembre 1741, Michel Violleau le 6 août 1743 et Gabriel Gauffreteau le 16 octobre 1744. Isaac décède à son tour le 2 décembre 1747 âgé de 36 ans. Il est enterré deux jours plus tard en présence des prêtres des paroisses voisines de Chanteloup, Clazay, Beaulieu-sous-Bressuire, Saint-Jean de Bressuire, Noirterre… Mais il y a aussi un autre curé venu de Foussais, une paroisse bien plus éloignée. Il se nomme Henry Pineau.
Henry a donc suivi la même voie que son frère aîné, il est également devenu prêtre en passant par le séminaire de Poitiers aidé lui aussi financièrement par ses parents selon les notes généalogiques de Jean Maillaud. Il est vicaire à Foussais depuis 7 ans au décès de son frère. Son destin est étonnant car il va continuer à marcher sur les traces d’Isaac : quatre mois après la mort de ce dernier, en mars 1748, il lui succède comme curé de l’église de Terves.

Il va donc lui aussi donner les sacrements à nombre de mes aïeux. Il baptise René Blanchin le 23 juin 1760 et Marie-Jeanne Violleau le 10 février 1770. Il unit Antoine Bodin et Marie Françoise Billy le 23 mai 1758 ainsi que Jean Violleau et Marie Catherine Raymond le 5 juillet 1763. Il semble préférer les sépultures car il enterre pas moins de treize de mes ancêtres : Michel Blanchin le 14 juillet 1748, Louis Marilleau le 11 février 1753, Françoise Paynot le 12 mai 1753, Mathurin Ussault le 5 septembre 1754, Renée Bontemps le 10 mai 1755, Mathurine Motard le 6 septembre 1761, Perrine Terry le 26 juin 1760, François Thibaudeau le 11 mars 1762, Françoise Gauffreteau le 24 mars 1763, Gabriel Frogier le 21 juin 1763, Laurent Vivier le 1er mars 1764, Marie Arnault le 4 décembre 1764 et enfin Marie Denis le 4 avril 1765. Le 28 septembre 1773, il meurt à l’âge de 63 ans. Comme pour son frère, de nombreux prêtres l’accompagnent dans sa dernière demeure.

À eux deux, les frères Pineau ont servi dans l’église de Terves pendant 33 ans, ils ont administré des sacrements à 27 de mes aïeux, et je ne compte pas les confessions qu’ils ont dû écouter et les messes qu’ils ont dites. Ils méritaient bien que je leur consacre un article.
Leur histoire personnelle raconte la victoire politique de la Contre-Réforme au XVIIIe siècle mais le protestantisme survit clandestinement et garde encore beaucoup de fidèles. Le troisième frère ne suivra pas la carrière religieuse de ses aînés. Philippe Samuel Pineau se marie avec Angélique Cailley vers 1748 mais il a épousé lui aussi la foi catholique puisqu’il est devenu comme son père « fabriqueur » de sa paroisse de La Tardière.
Je n’avais jamais rencontré le terme fabriqueur… Par chez moi on dit fabricien ! C’est en tout cas un billet très intéressant sur ces deux frères.
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Merci Christelle. On trouve le plus souvent fabricant dans les paroisses du Poitou.Fabricien, je l’ai peut-être aussi rencontré. En tout cas, à La Tardière, on disait fabriqueur !
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Oui, très intéressant. Dans des romans anglais( style DICKENS, je crois), on parle de conseils de fabrique.
Malheureusement, nombre de protestants, pour avoir la vie sauve ( ainsi que leur famille) ont dû abdiquer ( que ce soit superficiellement, ou non), sinon, en tant que descendants, on ne serait peut être pas nés.
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Bien sûr Catherine. Nous devons notre propre existence à tous nos ancêtres et c’est pour cela que nous nous y intéressons.
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Bravo. Tout est si bien expliqué!
C est un bonheur à lire et un vrai enrichissement.
Jpm
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Merci des compliments, c’est très gentil 🙂
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C’est très émouvant de lire tout les noms de mes ancêtres Merci pour ces recherches.
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Et merci ma cousine de ton petit mot… ❤
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Au delà de la généalogie, j’ai une réelle passion pour l’Histoire. Mon grand père: Henri Marcel GINGREAU était né à Terves et j’ai découvert avec plaisir le cheminement de ces deux prêtres. Merci pour ce moment d’histoire dans la grande.
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