Aux AD79, on peut consulter des registres concernant des hommes et des femmes aliénés, internés à l’hospice de la Providence à Niort au cours du XIXe siècle. Sur une double page, derrière chaque nom on découvre un ou une malade. Avec Raymond, nous avons entrepris de raconter quelques-unes de ces vies confrontées à la psychiatrie du XIXe siècle. Après celui d’Adrien Absalon, voici le second de ces destins.
J’ai choisi de m’intéresser aux destins des femmes qui furent internées, et la première que je souhaite évoquer est Madeleine Morisset de Saint-Laurs. Son patronyme et son lieu de vie ont retenu mon attention, même s’il me faut remonter à mes sosas 576 et 577, à la 10e génération pour que je nous trouve des ancêtres communs.
Madeleine est atteinte d’agitation maniaque chronique, ce qu’on pourraît aujourd’hui rapprocher des troubles bipolaires. Grâce à ce registre (AD79 H dépôt 1 Q 266), je sais qu’elle entre à l’asile le 16 août 1859, à la demande de son mari François Mallet, lequel s’engage à payer sa pension et à lui fournir les objets exigés par le règlement. Le médecin de famille de Coulonges-sur-l’Autize « atteste que depuis longtemps Mme Mallet propriétaire à Saint-Laurs, est atteinte d’aliénation mentale ». Et j’apprends aussi que ce n’est pas son 1er séjour dans cet établissement.
Mais qui est Madeleine ? En 1859, quand elle entre à l’hospice de la Providence. Elle a 54 ans et est née à Saint-Laurs, au hameau de la Morisseterie, le 22 janvier 1806. Son père, Jean Morisset, est marchand et il assure aussi les fonctions de maire de la commune. Sa mère, Marie-Madeleine Mesnard, se consacre à sa famille. Elle va élever 7 enfants, après en avoir mis 12 au monde. Madeleine occupe la 10e place dans la fratrie. Elle n’a que 20 ans quand elle épouse François Mallet qui a le double de son âge. Le mariage a sans doute été arrangé par ses parents puisque le futur époux est lui aussi marchand, il s’occupe de négoce de bois et vit à Faurs, un hameau tout proche. L’année suivante un garçon voit le jour, puis un second, une petite Victoire vient agrandir la famille en 1830 suivie de 2 autres garçons. Lors du recensement de 1836, toute la famille vit dans le village de Faurs. Rose Coirier, une jeune servante de 24 ans, demeure avec eux.

Qu’en est-il à l’époque de la santé de Madeleine ? Impossible de le savoir avec précision. Cependant, si elle est déjà sujette à des troubles, elle dispose de l’aide d’une servante que peut aussi s’occuper des enfants. Madeleine a peut-être souffert d’être marié a un homme de 20 ans son aîné, elle peut aussi avoir eu des difficultés à vivre ses maternités, mais beaucoup d’autres hypothèses sont envisageables. Sans savoir à quelle date exactement apparaît son agitation maniaque chronique, elle est sans doute soignée par le médecin de famille et elle va faire plusieurs séjours à l’hospice de Niort comme le note le docteur qui la suit en 1859 : « Elle a déjà été soignée plusieurs fois à l’asile de Niort et n’est susceptible de présenter aucune amélioration.«
Les années passent et, entre 1855 et 1863, elle assite avec son mari aux mariages des 3 aînés. Dans la mesure où elle est présente pendant les cérémonies, elle est donc capable d’avoir des moments de calme. C’est pourtant durant cette période qu’elle est à nouveau internée à Niort. En août 1859, Madeleine est retrouvée par la gendarmerie de Fontenay-le-Comte « errant loin de son domicile en état d’aliénation », soit à une vingtaine de kilométres de chez elle. Comment s’est-elle retrouvée là-bas ? On décide alors, dans la mesure où elle a déjà été traitée pour cette maladie, de l’envoyer à nouveau à l’asile de Niort.

Dans le registre de l’hospice, le médecin note « Madeleine Morisset est atteinte d’agitation maniaque chronique. Elle parle presque continuellement le jour et la nuit, tient des propos incohérents et nullement motivés. » Il ajoute : « Elle ne veut jamais obéir à la sœur chargée de lui donner des soins et est très difficile à vivre. Elle est incapable de se conduire par elle-même raisonnablement. » Mais le médecin d’ajouter « Depuis qu’elle est à l’hospice, elle ne s’est livrée à aucun acte de violence. » Il en conclut que « en raison du caractère d’incausabilité de la malade qui paraît en même temps être inoffensive, on peut rendre cette aliénée à son mari, celui-ci se chargeant d’ailleurs de prendre une femme spécialement destinée à la surveiller. » Elle sort donc de l’asile suite à la demande de son époux et lui est remise, après accord du Préfet, le 8 décembre 1860.
Mais si elle a assisté aux mariages de ses aînés, en 1871, après le décès de son conjoint, elle n’est pas présente aux noces de François son 4e enfant. A cette époque, comme me l’indique le recensement, elle vit seule dans sa maison de Faurs avec une servante de 81 ans.

L’engagement pris par François Mallet en 1860 lors de la sortie de l’asile de Madeleine a donc été respecté. La malade est bien assistée, elle n’est pas toute seule, même si sur la fin de sa vie elle est aidée d’une femme de 81 ans… Ses fils habitent pour 3 d’entre eux à Coulonges-sur-l’Autize, le chef lieu du canton, le dernier demeure dans le bourg de Saint-Laurs. Quant à sa fille, elle a épousé un propriétaire de Scillé, une commune voisine. Ses enfants ne l’ont pas prise avec eux, chacun pourtant ayant une relative aisance finacière. Mais peut-être ne fut-elle pas une mère présente et aimante en raison de sa maladie. Enfin, on peut toujours espérer que dans ses dernière années, elle allait mieux et ne présentait plus les troubles diagnostiqués quelques années auparavant…
Oui, triste histoire, çà serre le coeur. Effectivement, dans les siècles passés, la vie des femmes était très dificile, ce qui n’a pas dû arranger sa santé psychique..
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difficile, faute de frappe et non d’orthographe!!
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Et sans ce registre de l’hospice, j’aurai pu penser que Madeleine avait eu une vie normale avec mariage et enfants. L’état civil ne nous dévoile qu’une petite partie des vies de ceux qui nous ont précédés
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