J’ai éprouvé un mélange de plaisir et de curiosité à dépouiller l’an dernier pour le Cercle généalogique des Deux-Sèvres le registre d’Availles-Thouarsais (1631-1652). Facile à lire car n’existant que sous forme de tapuscrit, il relate notamment les conséquences tragiques d’une épidémie de peste en 1631. Je l’ai évoquée il y a peu sur le blog Généa79 puisqu’elle fait écho à la pandémie que nous vivons actuellement. Mais ce n’est pas la seule raison de son intérêt. Le registre contient d’autres actes très détaillés, inattendus ou émouvants. Le curé Baudouin de cette paroisse nous a ainsi laissé de nombreuses traces de ce qu’était la vie et la mort dans un village du Poitou au XVIIe siècle. J’ai sélectionné quelques actes, les plus originaux. J’ai gardé les tournures mais j’ai corrigé l’écriture.
Mourir noyé :
Le dimanche vingt-cinquième jour de février [1635] le soussigné curé certifie et rapporte à qui il appartiendra que le nommé René Grangier vivant chaulier demeurant au village d’Enjouran, paroisse de Tessonnière, se noya dans le pré de la Roche-Paillé dont son corps demeura dans l’eau jusqu’au dimanche dix-huitième jour de mars où il fut trouvé au-dessous de la chaussée du moulin du Poiré appartenant à madame de Fontevrault et au même instant et sans advenu délai il fut enterré et inhumé dans le cimetière de Saint-Hilaire d’Availles ce que j’approuve contenir vérité. Témoin mon seing ici-bas.
Mourir assassiné (et vengé)
Le quinzième jour de février mil six cent trente-huit est décédé Mathurin Robert qui fut tué et occis d’un couteau le jour de la vigile du mardi-gras, foire d’Airvault au soir par Bartholomé Bodet âgé de quatre-vingts ans ou environ dont son corps git dans le cimetière d’Availles et le dit Bodet a été condamné être pendu et étranglé par M. le sénéchal de Thouars nommé M. Clabat Jacques quoiqu’il fût opposant à Paris. Les messieurs dudit Paris confirmèrent la sentence dudit sieur Clabat sénéchal de Thouars. Tout incontinent qu’il fut venu de Paris et arrivé à Thouars il fut pendu et étranglé ce que je certifie être véritable. Témoin mon seing.
Mourir étouffée :
Aujourd’hui vingt-sixième jour de mars 1640 est décédé et est allé de vie à trépas Mathurine Boureau âgée de soixante ans ou environ ; elle tomba toute morte en soupant elle ne parla jamais et ne dit aucune parole. Lorsqu’elle rendit l’âme à Dieu elle avait un morceau de pain dans la gorge et il y demeura et je l’avais entendue en confession huit jours auparavant. Dont son corps git dans le cimetière d’Availles.
Mourir à la naissance :
Douzième jour de juillet 1640 est décédé un enfant fils de François Adam et de Marguerite Frébur ses père et mère et n’a reçu le saint sacrement de baptême ni les saintes [ ] d’icelui sinon que la sage-femme l’a baptisé tout incontinent qu’il fut apparu et décéda au même instant.
Mourir lors d’une rixe :
Le 27 mai [1642] j’ai inhumé et enterré dans le cimetière d’Availles en-dessous du tombeau de défunt Mathurin Robert un certain soldat nommé Pierre dit la Fontaine et qui était de la compagnie de M. de Vieillemont autrement appelé Luydellin du régiment de M. le comte de la Vallet. Ledit soldat étaiit né et natif de Poitiers qui avait femme et enfants, fut tué et occis par un autre soldat nommé la Jeunesse de la dite compagnie du dit sieur de Luydellin dans la maison de Claude Bodet demeurant au village de Deffent paroisse du dit Availles d’un coup d’épée qu’il lui donna dans les reins. Après que ledit sieur Luydellin et autres soldats m’avoir affirmé et protesté que le dit soldat était bon catholique romain et qu’il s’était confessé et communié dans l’église de Cuhon à la fête de Pâques dernier, après les protestations et affirmations ci-dessus je l’ai mis en terre sainte. Baudouin curé susdit.
Il semble que les victimes de crimes soient regroupées dans le cimetière d’Availles puisque le corps du soldat est inhumé à proximité de celui de Mathurin Robert mort assassiné.
On ne fait pas que mourir à Availles-Thouarsais, on s’y marie aussi, mais il vaut mieux être bon catholique.
Se marier absous de l’hérésie :
Le 6 février 1640 j’ai curé soussigné de l’église paroissiale d’Availles certifie et rapporte à qu’il appartiendra qu’avoir lu et publié les bans et proclamations par trois dimanches ou fêtes solennelles dans l’église dudit Availles entre maître Pierre Ally, sieur de la Garenne paroissien de l’église de Saint-Varent et de demoiselle Anna Vidard paroissienne d’Availles auxquels il ne s’est trouvé aucun empêchement canonique ni opposition quelconque, j’ai curé susdit leur est administré et célébré le saint sacrement de mariage moyennant le certificat de vénérable prieur curé de Saint-Varent qu’il m’a envoyé et signé de sa main en date du cinquième février 1642 et ensemble l’attestation et approbation dudit sieur de la Garenne comme il a protesté sur les Saints Évangiles de vivre et mourir en la foi catholique et apostolique romaine tout le temps de sa vie et était ledit Allin hérétique et huguenot et a été absous de l’hérésie par le vénérable Père Louis de l’Isle-Jourdain prédicateur et gardien de (?) de Thouars comme il m’a fait apparaitre par un de mes [ ] en date du quatorzième jour de février signé dudit de l’Isle-Jourdain et après avoir vu et lu la dite approbation attestation dudit Ally je leur ai administré le saint sacrement de mariage es présence de Louis Baudouin écolier, Bartholomé Fébur, Jehanne Normand veuve de feu Guy Hullin, Jehanne Badoux, Renée Sauvin qui m’ont déclaré ne savoir signer sauf les soussignés.
L’époque est encore trouble dans le Poitou même si les guerres de Religion sont révolues. à Availles, on endure en 1644 le saccage des troupes militaires censées les protéger.
Subir un pillage :
Le même jour ci-dessus qui fut le vingt-troisième d’avril [1644], le Régiment des Irlandais et Hibernois [Irlandais] composé de quatorze ou quinze cents hommes vinrent loger dans la paroisse d’Availles où ils y avoient reçu ordre pour y loger. Toute la noblesse du pays ne surent jamais les empêcher d’y loger vu l’ordre qu’il y avaient même monseigneur l’archevêque de Bourdiaux il y envoya un de ses gentilshommes nommé M. de Rochette qui alla au-devant d’eux jusqu’à Faye-l’Abbesse pensant leur faire retourner d’un autre côté ce qu’il ne put et ont ruiné et pillé ladite paroisse volaient et emportaient ce qu’ils trouvaient et prenaient le pauvre peuple à la rançon et burent faisaient donner de l’argent et ne laissaient d’emporter leurs meubles bien qu’ils donnaient de l’argent. Ils firent plus de pertes et de dommages dans ladite paroisse plus de deux mille livres bien qu’ils ne séjournèrent qu’un jour et n’y couchèrent qu’une nuit. Ils burent plus de vingt pipes de vin dans ladite paroisse. Ce n’étaient pas des hommes amis plutôt des diables d’enfer et n’avaient la crainte devant les yeux bien qu’ils étaient tous catholiques romains et apostoliques et ne respectaient qui que ce soit.

Pour finir, le prêtre s’intéresse aussi aux nouvelles du monde. Il s’agit de nécrologies bien souvent comme celle du duc de Roannez, pair de France enterré le 16 décembre1642 à Oiron, ou celle d’Henri Louis Chasteigner de La Roche-Posay, évêque de Poitiers décédé de mort subite à Dissay le 20 juillet 1651. Mais surtout, le curé Baudouin rend compte des décès à quelques mois d’intervalle du cardinal de Richelieu et du roi Louis XIII.
Perdre le roi et son principal ministre :
Le quatrième jour de décembre [1642] monseigneur le cardinal de Richelieu duc et pair de France décéda à Paris et est enterré et inhumé dans l’église de la Sorbonne de Paris et a laissé au roi quinze cent mille livres, son beau palais cardinal et en plus meubles et pierreries. Et était âgé de cinquante et huit ans et s’est muni des saints sacrements de l’Église.
Aujourd’hui quatorzième jour de mai [1643] jour de l’ascension de notre seigneur Jésus est décédé et allé à trépas Louis de Bourbon le très chrétien roi de France et de Navarre treizième de ce nom lequel décéda le dit jour ci-dessus à même temps et heure que Henri le grand son père mourut environ sur les deux heures après-midi. Dont son corps est inhumé et enterré dans l’église de Saint-Denis. Ce que je certifie être véritable et contenir vérité.
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