Pour participer au #Généathème de ce mois d’avril, j’ai choisi d’évoquer la figure d’un ancêtre maire. Mais, à la différence de Raymond, je vais remonter bien plus loin dans le temps pour vous parler d’un aïeul du XVIe siècle, Philippe de Villiers.
Rien à voir avec l’homme politique vendéen qui n’est pas issu d’une famille poitevine. Nous sommes à Niort et mon ancêtre est né sans doute avant 1550.
Philippe de Villiers est mon sosa 8520 à la 14e génération. Évidemment, je connais peu sa vie, mais grâce à un certain M. Laurence, un érudit local qui a laissé de nombreuses fiches fort utiles aux généalogistes qui ont des ancêtres niortais, j’ai pu remonter jusqu’à lui. J’ai eu l’occasion d’évoquer ce fonds Laurence en retraçant le parcours du petit-fils de mon édile, Pierre de Villiers, apothicaire à Niort au XVIIe siècle.
Je connais mieux la vie publique que la vie privée de Phillipe de Villiers. Cependant, je sais qu’il a épousé Madeleine Chargé, fille de Gaspard Chargé, marchand et échevin de Niort, et de Marie Lucazeau. Philippe, comme son père avant lui, est Sieur de Prinçay. S’agit-il de la paroisse au sud-est de Loudun ? Sans doute pas, car notre famille ne semble pas avoir été propriétaire du château de la Roche-du-Maine à Prinçay. Il existe aussi un lieu-dit Prinçais à Breuil-sur-Chizé au sud de Niort, mais là encore pas d’indice qui y rattache ma famille. Finalement, c’est grâce à un message d’une descendante de cette famille que je peux localiser avec certitude ce Princay. Il s’agit d’un lieu-dit entre Benet et Villiers en Vendée, tout près des Deux-Sèvres. Les de Villiers sont propriétaire de cette seigneurie depuis au moins l’an 1500. Un logis y a été construit et la famille va conserver les lieux jusqu’à la révolution. La propriété passe alors aux mains des de Sainte Hermine, puis des Perpigna, une famille de Rochefort, qui en achève le démantèlement à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, il n’en reste que quelques murs en ruine.
De l’union de Philippe et Madeleine j’ai retrouvé 5 enfants nés entre 1575 et 1585. À sa mort, il laisse une jeune veuve de 34 ans et au moins 4 enfants en bas âge.
Venons-en à la vie publique de Philippe de Villiers. Il faut d’abord préciser qu’être maire au XVIe siècle n’a pas la même signification qu’aujourd’hui. À cette époque, il existe de nombreuses différences entre les villes du nord et du sud de la France, à cela s’ajoute des particularités locales. À Niort, le fonctionnement est toujours celui mis en place par Aliénor d’Aquitaine, le maire y est choisi pour un an. Le dernier dimanche de mai, l’édile réunit les 24 échevins et conseillers ainsi que les 75 pairs ou bourgeois afin de nommer son successeur. Ils choisissent alors, souvent parmi les pairs, 3 noms. La liste des 3 noms les plus plébiscités est soumise au sénéchal du Poitou qui désigne le maire, le plus souvent celui qui a obtenu le plus de suffrages. L’installation du nouvel administrateur a lieu le 11 juin, ce dernier prête serment, reçoit les clés et les sceaux de la ville, puis c’est au tour des échevins et des pairs de lui faire allégeance. Le nouvel élu va alors diriger les conseils de ville (2 fois par semaine) auxquels siègent les échevins et les assemblées générales (le dernier vendredi du mois) qui réunissent les pairs. Le corps de ville est formé par les pairs. Pour y entrer, il faut qu’une place se libère que ce soit par promotion, décès ou démission. L’administration repose sur les mêmes familles, puisque ce sont les plus importants censitaires, c’est-à-dire ceux qui dans la ville paient la plus forte redevance qui siègent dans cette institution.
Philippe de Villiers appartient à une lignée qui a donné de nombreux magistrats à la ville de Niort. Lui-même, est maire en 1573 et 1577. Son grand-père, Etienne de Villiers fut édile en son temps. Il est le fils d’un autre Philippe de Villiers (qui lui aussi a rempli cette fonction). Outre son père, ses oncles Guy, Guillaume et Louis de Villiers occupèrent la même charge. Après lui, son fils Jacques sera maire en 1605. Enfin, le dernier membre de cette famille à disposer du siège d’édile sera Pierre de Villiers, neveu de mon ancêtre, en 1630. Ce sont donc 8 membres de cette même famille qui détiennent ce poste entre 1501 et 1630. Et l’on peut ajouter que la fille de Philippe, épousa un certain André Coyaud… maire de Niort en 1608 et quelques autres beaux-frères et parents. En 1573, Philippe siège dans la maison commune ou maison de l’échevinage (connue sous le nom du Pilori), construite de 1520 à 1530 par Mathurin Berthomé.
Il ne faut cependant pas limiter Philippe de Villiers à son rôle de premier magistrat. Il a fait des études puisqu’il est parfois noté « licencié ès lois ». Avant de devenir maire, il a été choisi comme pair de la ville. Il dispose aussi du titre d’écuyer, obtenu de droit par les maires et échevins. Il remplit diverses autres fonctions au cours de sa vie. Quand il n’est pas maire, il siège en tant qu’échevin, titre qu’il garde à vie. Il occupe également la charge de receveur des tailles et perçoit l’impôt pour le compte du roi.
Enfin, et c’est là aussi qu’il a laissé sa trace dans l’histoire de la ville, il est capitaine. C’est alors qu’il occupe cette charge, qu’il va trouver la mort.
Mais replaçons-nous dans le contexte de l’époque. Au XVIe siècle, suite au passage de Calvin en Poitou, la Réforme s’implante. Niort héberge une importante communauté protestante et si les de Villiers sont de fervents catholiques, certaines familles huguenotes comme les Chalmot président aussi aux destinées de la ville. Les affrontements entre armées catholiques et protestantes sont nombreux à cette période. En 1588, l’armée protestante attaque la ville de Niort pour la prendre aux catholiques. Philippe de Villiers commande alors une compagnie, voici le déroulement de l’attaque de la ville, le récit détaillé en fut fait en son temps par Agrippa d’Aubigné, un des notables protestants en Poitou.
Plantons d’abord le décor. Nous sommes dans la nuit du 28 décembre 1588, les troupes d’Henri de Navarre sont aux portes de la ville. On envoie des éclaireurs en reconnaissance des lieux et des portes d’accès. Les assaillants ne sont pas discrets, mais le froid vif rend les sentinelles moins vigilantes. L’armée attend 3 heures du matin et le coucher de la lune pour approcher. Les échelles sont posées près de la porte Saint-Gelais. Une cinquantaine d’hommes escaladent le mur et les premiers neutralisent la sentinelle. Ils ne trouvent alors que quelques pauvres artisans encore debout en cette fin de nuit. Finalement, quelqu’un donne l’alerte et les assaillants font alors sauter la porte du Ravelin (barbacane de la porte Saint-Jean). Les soldats peuvent alors tous entrer dans la ville. Pendant ce temps, les assaillants montés par l’échelle pénètrent plus avant en ville en direction de la halle. Ils repoussent les habitants qui sortent de leurs maisons. En y arrivant, ils trouvent 400 personnes avec à leur tête Laurent, le lieutenant-général de la ville. En plus grand nombre, les Niortais repoussent d’abord les protestants. Pourtant, ces derniers sont bientôt rejoints par le reste de leur armée, menée par Saint-Gelais et Parabère. Le combat tourne alors à l’avantage des protestants. Jusque-là, la bataille avait lieu à l’arme blanche, mais à ce moment-là les arquebusiers protestants font feu : Philippe de Villiers est tué le premier. Les Niortais perdent courage et se dispersent. Les protestants descendent vers le centre sans rencontrer de réelle opposition. La garnison de ville se réfugie au château, mais faute d’artillerie (laquelle est entreposée sous la halle), le gouverneur Malicorne doit se rendre. Le pillage de la ville est de courte durée et dès le lendemain, le roi de Navarre (le futur Henri IV) arrive de Saint-Jean-d’Angély. Il ne fait exécuter que Mathurin Jamart (maire en 1575), un ligueur convaincu.

Ainsi est mort mon ancêtre Philippe de Villiers, tué lors de la prise de Niort par l’armée protestante. Il n’avait sans doute guère plus de 40 ans. Finalement, il aurait mieux fait de demeurer maire ou simple échevin, lesquels n’ont pas été tués ce jour-là !
Sources :
Alfred Bonneau-Avenant. Armorial des maires de Niort (sur Gallica)
Histoire de Niort, sous la direction de Daniel Courant. Geste éditions, 2 volumes, 2014.
Hilaire Alexandre Briquet. Histoire de la ville de Niort, depuis son origine jusqu’au règne de Louis-Philippe 1er : et récits des événements les plus mémorables qui se sont passés dans les Deux-Sèvres. Niort, 1832, 2 volumes. (sur Numelyo)
Plans de la ville et illustration : Ville de Niort, Wiki Niort, Gallica
Bonjour,
Je connaissais l’histoire du décès de Philippe de Villiers car je descend de son frère Guillaume. Merci pour tous les détails de sa vie personnelle et publique que vous apportez. J’ai consulté moi aussi plusieurs documents mais je n’avais pas fait une aussi bonne synthèse que vous. Merci encore.
Cordialement
Nicole Fort
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Bonsoir et merci pour votre commentaire.
Dans mon arbre, Guillaume est l’oncle de ce Philippe. Mais la filiation entre Etienne et ses enfants et petits-enfants varie selon les sources. Je me suis appuyée sur les informations du fonds Laurence que me semblent assez fiables.
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Merci Sylvie pour ce récit
très interessant.
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Merci !
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Voilà un #généathème inattendu avec un maire aussi ancien. Quelle chance de pouvoir raconter des faits et des événements pour documenter sa vie !
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Oui, j’ai de la chance avec cet ancêtre qui a laissé une trace dans l’histoire de Niort. En ce moment je suis en veine, ce récit arrive après le journal d’un aïeul notaire au XVIIe et une autre histoire mystérieuse à venir !
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