Le destin de François Bienvenu est un mystère que je ne suis pas certaine d’avoir réussi à totalement percer. Dans mon arbre, j’ai créé sa fiche en 2014 et je n’y étais pas revenue depuis. Il y a peu de temps, je l’ai croisé à nouveau à la faveur du dépouillement d’un acte de baptême où il était parrain et où il signait. Voici son histoire, et celle de son demi-frère Louis Bienvenu, ou tout du moins ce que j’ai pu découvrir.
François Bienvenu voit le jour le 6 mars 1773 à Saint-Laurs. Il est le fils de Louis Bienvenu, un chaulier, et de sa seconde épouse Jeanne Lardy. Il a 3 autres frères qui n’atteindront pas l’âge adulte. Il a 15 ans quand sa mère meurt en couches. L’année suivante, son frère aîné encore adolescent s’éteint. En 1789, son père se remarie pour la 3e fois. De cette union naît en 1791 un fils Louis, dont nous reparlerons bientôt.
En novembre 1796, François épouse à Saint-Laurs Marie-Anne Mallet. Lui est chaulier, comme son père, et Marie Anne est fille d’un chaulier et marchand. Ils ont le même âge et doivent se connaître depuis l’enfance. À cette époque, les familles de chaufourniers sont nombreuses à Saint-Laurs et ses membres se marient souvent entre eux. L’année suivante, Jean voit le jour, puis Marie-Jeanne et enfin Jean-François, le 28 mars 1802, que son père déclare. Le 8 avril 1806, 4 ans plus tard, quand l’enfant meurt, son père est noté « défunt » sur l’acte de décès.
Il semble donc que François Bienvenu soit décédé entre le 28 mars 1802 et le 8 avril 1806. Mais sur cette période, je ne trouve rien dans les registres de Saint-Laurs.
Je m’intéresse alors à sa veuve, Marie-Anne Mallet. Je découvre qu’en 1808 et 1810 elle met au monde 2 petites filles qui portent le nom de leur père, Jacques Suire, un chaulier de Saint-Laurs ! Celui-ci reconnait les fillettes et leur donne son nom, les actes stipulent que les 2 parents vivent ensemble au domicile de Jacques Suire. Et puis, enfin, le 21 novembre 1810, Jacques Suire et Marie-Anne Mallet se marient, les nouveaux époux reconnaissent leurs 2 filles. Sur ce même acte je découvre que François Bienvenu est décédé le 22 germinal an 12 (12 avril 1804).
Sur le registre de St-Laurs, rien au 22 germinal an 12 ! Pourquoi n’y a -t-il pas son acte de décès et pourquoi Jacques Suire et Marie-Anne Mallet ont-ils attendu 3 ans pour se marier ?
C’est l’acte de mariage de Marie-Jeanne Bienvenu, la fille de François, en 1832, qui apporte enfin une piste. Il y est noté « fille majeure de défunt François Bienvenu décédé à l’hôpital de Nantes le vingt-deux germinal an 12 ». Nantes ! On est bien loin de Saint-Laurs, que faisait-il là-bas ? L’acte de décès retrouvé sur Filae m’éclaire un peu.

« Du vingt deux germinal l’an Douze de la République française six heures et Demie du soir
Acte de Décès de François Bienvenu Célibataire fusilier au soixante dix neuvième Régiment d’infanterie de Ligne, Décédé ce jour à deux heures du matin à l’hospice des maisons d’arret et de justice de cette ville, situé section quinzieme rue Vandick, âgé de vingt deux ans, natif de la commune de Saint Lot, département des Deux Sevres
Sur les déclarations à moi faite par Jean Bertet, âgé de soixante un ans, et par Louis Bragel agé de cinquante quatre ans, tous deux employés au dit hospice et y demeurant lesquels ont déclarés ne savoir signer
Lecture à été faite aux parties du present acte
Constaté par moi Paul Jean Baptise Fellonneau, adjoint au Maire, faisant les fonctions d’officier public de L’état Civil soussigné. »
Un certain François Bienvenu de Saint-Laurs est donc décèdé à Nantes le 22 germinal an 12 comme indiqué sur l’acte de mariage de sa fille Marie-Jeanne Bienvenu. Cependant, l’acte de décès indique 22 ans et célibataire ! cela ne correspond pas au profil attendu de mon François Bienvenu âgé de 31 ans et marié !
Un homonyme ? Peu de chance ! J’ai bien exploré les registres de Saint-Laurs sur cette période et aucun autre François Bienvenu n’y figure.
En poursuivant les recherches, je découvre enfin l’acte de décès de François Bienvenu sur le registre de Saint-Laurs, il est retranscrit 6 ans après son décès, le 30 août 1810.


Ainsi, on y confirme que François est décédé le 22 germinal an 12, qu’il est mort à Nantes, qu’il est décédé de fièvre et que l’acte a été enregistré à Chambéry le 21 mars 1810. Etrangement, son âge et sa situation matrimoniale ne sont plus précisés.
Ce acte reporté permet à sa veuve de pouvoir enfin se remarier avec Jacques Suire, le père de ses 2 dernières fillettes, le 21 novembre 1810.
L’époux de Marie-Anne Mallet et celui qui est décédé à Nantes en se disant célibataire sont bien une seule et même personne !
En explorant le registre du 79e RI de ligne, j’ai trouvé la fiche matricule de François Bienvenu. Elle me confirme sa date et son lieu de naissance. Elle m’apprend qu’il mesure 1m 68 et qu’il est blond aux yeux gris. C’est un conscrit de la réserve, parti de Niort le 2 thermidor an 11 (21 juillet 1803) et arrivé au régiment le 22 fructidor an 11 (20 août 1803). François est parti de chez lui alors que le plus jeune des ses 3 enfants n’avait que 4 mois !
La suite du document précise qu’il a déserté 5 mois plus tard, le 29 nivôse an 12 (20 janvier 1804). Il est « rentré » (sans doute a-t-il été repris) le 14 pluviôse an 12 (4 février 1804) et est mort à l’hôpital de Nantes le 22 germinal an 12 (12 avril 1804).
Pourquoi est-il parti ? François semble trop âgé : il n’appartient pas aux classes concernées par le service à cette date. On ne le trouve pas sur la liste de tirage au sort ni au contrôle de départ. Il était peut-être un enrôlé volontaire. Il me semble plus plausible qu’il ait remplacé, moyennant finances, un autre jeune homme. Il aurait alors menti sur son âge et sa situation matrimoniale.
Triste destin que celui de François qui a quitté son village du Poitou et sa famille pour mourir de fièvre à l’hôpital de la prison de Nantes.
L’Empire fera une autre victime dans la famille de François Bienvenu. En 1811, c’est au tour de son demi-frère Louis Bienvenu, d’être appelé à rejoindre l’armée napoléonienne. Il est affecté au 17e RI de ligne, le 20 mai 1811 et part pour la campagne de Russie. Louis meurt à la bataille de la Moskova. C’est en tout cas ce qui figure sur sa fiche matricule, puisqu’il manque à l’appel quand l’armée arrive à Moscou le 26 septembre 1812.
Merci à Laurent Delenne pour son aide et ses conseils.
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