Du rififi à Parthenay

Le 28 décembre 1618, Charles de VIVONNE, baron de La Châtaigneraie, conseiller du roi Louis XIII et gouverneur pour sa majesté de la ville et château de Parthenay quitte en toute urgence sa résidence de La Châtaigneraie pour la ville de Parthenay suite à la requête de François de BREMONT, sieur de BALANZAC, lieutenant de ladite ville. Dès le lendemain, il convoque les officiers de la ville, le bailli Pierre GARNIER, l’assesseur Pierre PINEAU, l’avocat fiscal Jean COSSIN et le procureur Jérôme de MAURIVET. Il veut faire la lumière sur des faits qui auraient eu lieu quelques jours plus tôt, la nuit de Noël.

Il faut dire que l’affaire est délicate : elle oppose catholiques et protestants. Les 2 camps se sont combattus violemment autrefois. Les huguenots ont assiégé Parthenay à plusieurs reprises durant les guerres de Religion et la cité fut prise et reprise. Depuis 1598, l’Édit de Nantes est censé avoir pacifié le royaume. Sauf que ce n’est pas tout à fait vrai, le souvenir des batailles passées semble encore vivace chez les différentes communautés de Parthenay !

AD79, 40 Fi 7420 : Portail de l’église de Notre-Dame-de-la-Coudre de Parthenay

Tout part de la plainte des catholiques de la ville auprès de l’intendant : la nuit de Noël pendant qu’ils vaquaient dans les différentes églises à leur « prières et dévotions », des protestants se seraient assemblés en diverses maisons sous le prétexte que les catholiques voulaient les « tuer, égorger, assassiner ladite nuit ». Les protestants avaient leurs armes chargées prêtes à tirer : certains auraient été trouvés par les rues de la ville « les mèches allumées ». Ils auraient patrouillé ainsi toute la nuit sans avertir les autorités. Les catholiques s’étonnent de ces accusations qu’ils disent infondées et protestent : ils estiment que ces « assemblées illicites sont grandement préjudiciables au service de sa majesté » et qu’elles tendent à « séditions et perturbations du repos public ».

Charles de VIVONNE se charge donc de démêler le vrai du faux. Il convoque différents protestants pour essayer de trouver l’origine de la rumeur et ainsi savoir si elle est fondée. Il fait donc quérir Nicolas BELIN ministre du culte de la « religion prétendue », Nicolas MARTINEAU, apothicaire, Joseph POIGNANT, avocat, Jacques AUGIER, aubergiste du Chapeau Rouge et OLIVIER, barbier, tous protestants. De leurs différents témoignages consignés dans un procès verbal, il ressort qu’un nommé Michel GODRIE aurait alerté Nicolas BELIN sur les 5 heures du soir la veille de Noël de prendre garde parce que les catholiques voulaient les tuer cette nuit. Le pasteur aurait fait chercher Nicolas MARTINEAU pour avoir son avis. Affolé, BELIN aurait décidé de se réfugier avec sa femme, un de ses fils ainsi que Nicolas MARTINEAU chez Joseph POIGNANT pour y passer la nuit à l’abri. Le même soir de Noël, la rumeur se serait répandue également chez Jacques AUGIER qui en aurait informé OLIVIER lequel l’aurait transmise à son tour à différents religionnaires : sa belle-sœur, les nommés PUYRENEAU, potier d’étain, BENET et GARNIER, orfèvres, et le fils de l’avocat SENNE, à charge pour lui de prévenir ses parents. Le lieutenant aurait bien également interrogé Michel GODRIE mais celui-ci est absent de la ville depuis la veille.

AD 79, 36 Fi 1095 : Parthenay, porte Saint-Jacques

Charles de VIVONNE demande aussi à Nicolas BELIN pourquoi il n’a pas prévenu l’intendant de BALANZAC le jour même. Celui-ci se défend, disant qu’il était trop tard et qu’il n’était pas sûr de la véracité des dires de Michel GODRIE. Il affirme enfin de ne pas avoir donné l’ordre de prendre les armes aux protestants. Le nom d’un monsieur de MARCONNAY demeurant dans le Mirebalais, est aussi évoqué par Nicolas MARTINEAU comme possible source de la rumeur. Bref, on ignore d’où elle vient et si elle est crédible.

Le lieutenant de la ville de Parthenay semble arrêter là son enquête : il ne sait pas ou ne cherche pas à savoir si les protestants étaient réellement menacés, s’ils étaient victimes d’une fausse nouvelle ou encore s’ils en étaient à l’origine. Il n’y a eu ni morts, ni blessés, ni coups de feu, la nuit de Noël a été relativement calme et l’affaire en reste là. Il n’y aura pas de suite à ce procès-verbal.

Ce rififi m’a quand même permis d’en savoir un peu plus sur un de mes aïeux. L’apothicaire Nicolas MARTINEAU est mon sosa 4606. Avec son épouse Marie PINEAU, ils ont eu 3 filles, Marie, Renée et mon ancêtre Catherine. Jusqu’à la découverte de ce procès verbal conservé aux Archives nationales de Paris sous la cote AN TT261-21 et en ligne grâce à Geneanet, je ne saurais rien du métier et de la confession de cet aïeul. Je ne saurais pas non plus qu’il fréquentait les protestants OLIVIER et PUYRENEAU, ni qu’il avait témoigné devant l’avocat Jean COSSIN, tous trois croisés dans l’arbre de Sylvie. Et je ne saurais pas enfin où et dans quel état d’esprit il avait passé la nuit de Noël 1618 !

PS : au XIXe siècle, l’érudit local Bélisaire LEDAIN a donné dans son livre La Gâtine historique et monumentale une vision très partiale de cette soirée. Pour lui, je le cite, « la situation favorable que l’Édit de Nantes avait faite aux protestants n’avait point calmé leur humeur factieuse et leur caractère turbulent… Ceux de Parthenay […] cherchèrent de misérables prétextes pour troubler la bonne harmonie qui, en apparence du moins, régnait dans la ville. La veille de Noël 1618, un bruit sinistre d’une insigne mauvaise foi dont on ne sut pas découvrir l’origine se répandit parmi eux avec une étrange rapidité. »


Merci à Stéphane pour m’avoir fait découvrir le « procès-verbal de l’émotion de la prise d’armes par ceux de la religion prétendue réformée la nuit de Noël 1618 » et aussi inspiré le titre de cet article. J’ai fait la transcription du procès-verbal sur Geneanet. Elle est lisible en cliquant sur la 2e icône à droite et elle est sûrement perfectible.

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