La métairie des Touches de la Restauration au Second Empire

3e épisode de l’histoire de la ferme où est né mon père.

En 1816, ceux qui exploitent la métairie des Touches à Terves pour le compte de Louis Puichaud-Girard ne sont toujours pas mes ancêtres. Le couple formé par François Desaivres  et Marie-Anne Charrier arrive de La Forêt-sur-Sèvre avec leurs enfants Anastasie, François, Rosalie et Alexandrine Desaivres ainsi que les fils issus du premier mariage de la mère, Toussaint et Célestin Apparailly. En 1824, le propriétaire Louis Puichaud-Girard décède. Pour sa succession, il partage ses nombreux biens entre son fils et sa fille. Cette dernière, prénommée Colombe, hérite de la métairie des Touches. En 1832, Colombe épouse Ulysse Gallard à Moncoutant où ils résident. Ils n’auront pas d’enfants à élever, mais ils ne s’ennuieront pas, ayant à gérer de nombreuses propriétés. Aux Touches, les mariages des fils aînés qui s’installent ailleurs ainsi que le décès de la mère font sans doute que le bail n’est pas renouvelé pour François Desaivres.

C’est à une date située entre 1831 et 1836 (il y a presque 2 siècles) que j’ai à nouveau des ancêtres qui s’installent et demeurent aux Touches.

emplacement les touches en 1838
Emplacement de la ferme des Touches, entre 2 chemins qui mènent à Terves

Deux jeunes couples s’y installent et y travaillent en tant que métayers : Jacques Croisé et sa femme Rose Baudu et mes ancêtres Jacques Chesseron et sa femme Françoise Baudu, (sosas 36 et 37). Rose et Françoise Baudu sont sœurs et leur mère, Perrine Grellier (sosa 75), veuve depuis peu, fait aussi partie des nouveaux arrivants. Des domestiques et des servantes se succèdent pour aider aux travaux de la ferme. En 1836, Charles Deborde, 24 ans, et Marie Gaselle, 19 ans, œuvrent pour les Croisé tandis que Pierre Robin, 19 ans et Eugène Talon, 10 ans seulement, travaillent pour les Chesseron. On trouve ensuite Jacques Grimeau en 1841 et Baptiste Guitton en 1846.
On croise aussi dans la cour de ferme une marmaille de plus en plus importante, que des garçons, nés sur place pour beaucoup : les 4 enfants Croisé (François, Henri-Jacques, Alexandre et Joseph) et les 4 enfants Chesseron (Jacques, François, Auguste et le petit Louis qui ne vivra que 5 ans). En 1847, l’aïeule, Perrine Grellier, décède âgée de 78 ans.

Une expertise faite en 1857 donne une idée des conditions de vie dans la métairie. N’est décrit que ce qui appartient au propriétaire (sans les meubles donc). J’apprends qu’on accède à la maison occupée par la famille de Jacques Croisé grâce à une porte à 2 battants. La pièce éclairée par une seule fenêtre possède un potager (ancêtre rustique de la cuisinière), une cheminée en bois et en pierre, un évier à 2 étages, pierre et bois, et à côté, une marche en pierre pour déposer le chaudron. Les murs sont couvert de bousillis (torchis local) et le sol est en terre battue. À cette pièce, il faut ajouter une laiterie (le local pour entreposer le lait), une chambre avec une fenêtre, 2 greniers, une écurie aux bestiaux avec 12 séparations et un toit à moutons. L’ensemble ne semble pas très bien entretenu. Il en était sans doute à peu près de même pour son beau-frère Jacques Chesseron. En commun, ils tenaient une grange, un toit aux cochons, une loge (une cabane sans doute). Chacun exploitait indépendamment l’un de l’autre ses champs et ses prés.

C’est le moment de rappeler ce qu’est, dans le Poitou du XIXe siècle, une métairie, mot qui revient presque toujours sur les différents actes concernant ce qui par définition devrait être une ferme, les Touches :

  • L’exploitant ne possède pas la métairie. Il doit théoriquement partager les bénéfices (moitoyer, partager par moitié) avec le propriétaire. Pour les Touches, comme souvent, ce sont des baux de 7 ans qui lient le propriétaire à l’exploitant et ils commencent à la Saint-Michel (le 29 septembre). À charge pour l’exploitant d’entretenir la métairie en bon père de famille. La métairie est associée étonnamment à des baux à ferme, 1340 francs en 1847 pour la famille Croisé et de 1000 francs en 1863 pour la famille Chesseron. Le paiement ne se fait pas en nature mais il y a quand même des suffrages (faveurs) que chacun doit donner : 75 décalitres de seigle (1847 seulement), 3 poulets, 3 chapons (pour Noël !), 2 canards, 1 kg de laine fine et dégraissée, 3 décalitres de marrons…
  • terres Touches 1830
    Entourées, les terres de la métairie des Touches vers 1850

    L’exploitation est plutôt grande et peu morcelée. Selon mes calculs « à la louche »,  sa surface serait d’environ 45 ha vers 1850. À vérifier car il y a de nombreuses parcelles, des grandes et des petites, mesurées en arpents et en pieds (dont la conversion ne peut être sûre). La nature des parcelles est variée : champs, prés, brandes (terres incultes), bois, ouches (petits terrains servant de pâture, jardin ou verger près de la maison)… Quand je regarde le plan napoléonien, les parcelles sont plutôt nombreuses, certaines sont assez vastes et le tout forme un ensemble cohérent. Tout cela fait que la métairie est d’un bon rapport pour le propriétaire qui bénéficie de revenus sûrs ainsi que pour l’exploitant si les années sont bonnes.

  • L’activité est diversifiée. Un inventaire très détaillé (mais plus tardif) le démontre pour les Touches. En 1884, il y avait en stock 220 hl de froment, 220 kg de graine de trèfle, de la plume d’oie, des marrons, des pommes, de l’avoine, du raygrass, de la laine, du vin, de l’eau-de-vie et j’en passe… L’étable avait 11 vaches, 10 bœufs, une jument, 2 boucs, 3 chèvres, 15 brebis et 18 veaux. Je vous épargne l’important matériel agricole ainsi que la basse-cour.
  • Il faut du personnel pour aider. Il y a très souvent eu 2 familles, parfois nombreuses, sur l’exploitation et pourtant je rencontre toujours des domestiques (appelés valets) et des servantes aux Touches tout au long du XIXe siècle et pendant une grande partie du XXe.
  • Les exploitants d’une métairie sont parfois propriétaires de terre exploitées par d’autres. Là encore c’est le cas : il existe des baux qui montrent que les occupants de la métairie des Touches étaient en même temps propriétaires de terre dans d’autres communes que Terves.

En 1857, après avoir vécu presque toute leur vie côte à côte, les 2 sœurs Baudu se séparent. Françoise et son mari Jacques Chesseron restent aux Touches mais Rose et son époux Jacques Croisé partent pour Clazay. Ils sont aussitôt remplacés dans la moitié de l’exploitation vacante par des métayers avec qui les Chesseron n’ont pas d’attaches familiales. Le couple déjà âgé formé par Pierre Verger et Marie Baudouin est assisté par leurs enfants Françoise, Urbain, Pierre, Victorine, Joséphine et Marie dont beaucoup sont majeurs et  tous sont célibataires.
Du côté de mes ancêtres Chesseron, le fonctionnement est sans doute très patriarcal avec un père très autoritaire. Tout le monde reste à la ferme, sous la coupe du pater familias, et seul le plus jeune des 3 garçons se marie. Jacques et François deviennent des « vieux garçons » tandis que leur frère Auguste Chesseron (sosa 18) se marie à 24 ans en 1861 avec Marie Roy (sosa 19), âgée de 21 ans. Deux enfants naissent bien vite, Louis en 1862  et Marie (sosa 9) en 1865. C’est sans doute Auguste qui commence à diriger la ferme pour succéder à son père. En 1866, il emploie une servante de 18 ans, Mathilde Thery.
Dans l’autre partie de la ferme, chez les Verger, de 1857 à 1866, rien ne bouge : les enfants ont maintenant de 19 à 41 ans et aucun n’est marié. En 1866, ils ont un jeune domestique de 15 ans, Armand Gonnord.
Pour ce qui concerne les propriétaires, Colombe Puichaud est désormais seule depuis la mort de son mari Ulysse Gallard en 1868. Elle a 78 ans et aucun enfant à qui transmettre tous ses biens.

Deux ans plus tard, en 1870, la France entière bouge ! C’est la guerre contre l’Allemagne, le Second Empire s’effondre, remplacé par la IIIe République. Aux Touches qu’en est-il ? Colombe Puichaud sera-t-elle centenaire ? Les familles Chesseron et Verger vont-elles continuer à cultiver les mêmes terres ? Vous le saurez au prochain épisode !

Sources : Archives départementales des Deux-Sèvres
– 3 E 11343 (Me Héry à Bressuire)
– 3 P 3039 (cadastre Terves)
– 7 M 5/329 – 1836 et 7 M 5/329 – 1866 (recensement Terves)
– 3 P 326/5 (plan napoléonien Terves section D)

Merci à Fred Guitton de m’avoir trouvé aux AD79 le plan de la métairie mis en illustration et merci à Jean-Louis Guilloteau de m’avoir transmis la copie de différents actes concernant les Touches de Terves. Merci enfin à Bernadette Boureau de m’avoir donné des pistes sur ce qu’était une métairie.

La suite : de la guerre de 1870 à celle de 14-18

Si vous voulez lire le début de l’histoire, les liens sont ci-dessous :
– La métairie des Touches avant la Révolution
– La métairie des Touches pendant et après les guerres de Vendée

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