La guerre de 39-45 vécue par un enfant de Terves (3/5)

Troisième épisode des souvenirs d’enfance de mon parrain Michel CHESSERON pendant l’occupation allemande. (épisode 1épisode 2)

La Résistance

Quatre jours après la prise de Paris par les Allemands, le général de Gaulle lançait, depuis Londres, un appel à la résistance, ce qu’on a appelé « l’Appel du 18 juin ». Comme ailleurs en France, il faudra attendre des semaines avant qu’il ait un écho dans le Bocage. Dans la famille, en tout cas, sans même avoir eu connaissance de cet Appel, la résistance contre l’Occupation a été immédiate. Tous les jours, Grand-mère et Tante Agnès, qui détestaient tant ces « sales Boches », ouvraient le poste, qui s’est mis à émettre des messages secrets à l’adresse de tous ceux qui étaient prêts à répondre à cet Appel. Maurice Schumann, porte-parole de la France libre, s’en faisait le relais : « Les Français parlent aux Français ». Je ne me souviens pas vraiment du refrain répété constamment : « Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand ». Mais j’ai retenu un de ces messages qui m’amusait beaucoup : « Julie a mal aux dents deux fois », message codé à l’adresse des FFI.

Je ne sais pas quand l’électricité a été coupée et, de ce fait, les émissions aussi. Elles n’ont repris que début juillet I944 quand le transformateur au croisement du chemin de l’Egonière et de la route du Petit Puy, a été réparé par des maquisards. Dès le début de la guerre, Tonton Jean avait fini par convaincre Grand-père de lâcher Pétain, malgré sa devise « Travail, Famille, Patrie ». Et toute la famille était sur la même longueur d’onde, c’est bien le cas de le dire. Mais cette unanimité qui permettait de parler en famille de notre opposition aux Allemands aurait pu coûter cher à Papa, et par ma faute en plus !

Cela s’est passé dans la classe de madame CRECHAUD, l’hiver 41-42. Ce matin-là, comme très souvent, elle n’était pas dans sa classe mais dans sa cuisine et nous étions livrés à nous-mêmes. J’avais comme voisin de table Jean GIRAUD, dont la mère s’occupait des barrières des deux passages à niveau. Je lui dis sur le ton de la confidence :
– Pétain est un Boche.
Il se lève aussitôt pour dire à tout le monde :
– Eh, les gars, il a dit : « Pétain est un Boche » !

À partir de cet instant, plus personne ne m’a adressé la parole. J’ai été mis en quarantaine pendant au moins trois jours par tous mes camarades. Mais j’ai gardé cela pour moi. Jamais je ne l’ai dit à mes frères ni à mes parents. Si cela était parvenu à une oreille malfaisante, Papa aurait-il eu des ennuis avec les Allemands ? Non, certainement pas, car si mes camarades en ont parlé en famille, il n’en est pas une seule qui aurait voulu nuire à Papa. La quarantaine n’a pas duré et l’incident a été oublié. Quelques mois plus tard, le petit Jean a disparu de notre classe. On nous a dit qu’il était gravement malade. Il est mort de la tuberculose en décembre 1943. Je connais cette date précise grâce au témoignage sur la Guerre de sa belle-sœur, Simone PINGUET. Je n‘ai pourtant qu’un vague souvenir triste de son enterrement auquel nous avons assisté. À l’époque, cette maladie contagieuse était encore redoutée. Je n’ai pas été contaminé par cet enfant, mais après sa mort mes parents ont dû le craindre vu le passé de notre famille, où la tuberculose a emporté un frère de Papa de 15 ans et une sœur de 24 ans.

La résistance s’est organisée, mais est restée discrète, pour le peu que j’en ai su. Des hommes ont pris des risques incroyables, comme notre cousin Henri CADU, du village des Barbottes de Saint-Sauveur, qui réceptionnait dans ses champs des armes parachutées, ou comme Adrien BROSSEAU, du village du Bois-de-Terves, qui était allé en récupérer avec sa voiture à cheval et qui avait croisé une patrouille allemande, lesquels ne se sont pas doutés que ces armes étaient cachées sous la pansion. S’ils ont pu le faire, c’est bien qu’ils appartenaient à un réseau, et s’ils n’ont jamais eu d’ennuis, c’est bien aussi que la population dans son ensemble était de mèche ou fermait les yeux. Si nous chantions « Maréchal, nous voilà » à l’école par nécessité, un autre chant était populaire. Hitler avait repris l’Alsace et la Lorraine redevenues françaises en 1918. Elles étaient devenues un symbole de ralliement contre l’occupant. Je revois quelqu’un, Pierre DEBORDE je crois, chanter devant le rideau de la Salle paroissiale ce refrain que j’ai chanté souvent et dont je me souviens parfaitement aujourd’hui :

Vous n’aurez pas l’Alsace et La Lorraine,
Et malgré vous nous resterons français.
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais.

Je revois Papa et Louis LANDREAU en haut de notre jardin un soir d’été discutant du déraillement d’un train organisé par des maquisards du coin, dont Gustave GIRAUD, un jeune d’une autre famille que le petit Jean, le même qui, à la Porte Labâte de Bressuire, avait lancé une grenade sur l’arrière d’un convoi allemand venant de Saint-Porchaire. C’est ce soir-là que j’ai entendu dans leur bouche le terme de camp de concentration pour la première fois, mais je ne sais pas s’ils étaient au courant des rafles de juifs, du moins je n’ai pas le souvenir qu’ils en aient parlé devant nous.

Un dimanche matin, je ne sais plus pourquoi j’étais avec Papa dans le Pri nu, devant l’échalier au bout de la Châtaignarde. Il avait creusé un trou devant pour empêcher les vaches de le franchir. Il venait de me montrer comment reconnaître une crotte de hérisson, quand un avion a survolé l’endroit. Il m’a aussitôt tiré dans le trou pour nous y planquer. Depuis, chaque fois que j’y repensais, je me disais qu’il avait gardé des réflexes de la Guerre 14, pas si lointaine, ignorant à l’époque qu’il avait lui-même été enseveli après l’explosion d’un obus.

Un soir d’été où Lili, Jo et moi rentrions les vaches au crépuscule après les avoir gardées dans les Champs Rouges, la DCA de Bressuire s’est mise à tirer contre des avions alliés qui bombardaient le dépôt de la gare. Je revois ces balles qui traçaient dans le ciel des gerbes de lignes rouges impressionnantes.

Le jour du Vendredi-Saint 1944 où nous allions à l’office, c’est-à-dire peu de temps avant le débarquement des Alliés en Normandie, nous trois de nouveau, en arrivant sur la petite route qui menait à Terves, sommes tombés sur une colonne de soldats allemands en treillis, avec casque et fusils, qui allaient en direction du bourg en trottinant. Peut-être venaient-ils de Blanche-Coudre ? Nous les avons suivis. Lili et Jojo ont le souvenir d’un soldat qui pleurait, moi pas. Ils en ont parlé à table à Papa qui nous a répondu que c’était certainement un père de famille qui avait pensé à ses propres enfants en nous voyant. En arrivant devant le portail de la cure surmonté d’une statue de la Vierge, nous avons vu un soldat sur son char qui visait la statue.

Quand la lumière est revenue à la Roulière en juillet 1944, c’est grâce à deux jeunes du coin, un cousin CADU et André BONTEMPS, qui ont trafiqué le transformateur au bas du champ de Marcel HAY, au bord de la petite route de Terves. Cet après-midi-là, je me trouvais dans le Corridor de la maison quand j’ai vu une faible lumière dans l’ampoule qui pendait au bout du fil. Pour moi, c’était un événement si important qu’immédiatement j’ai été en avertir les autres qui étaient dans la maison et le jardin, puis que j’ai couru sans m’arrêter vers le bas du Champ de la Mothe où Papa et Jean plantaient des rabioles. Tout essoufflé, je leur ai annoncé la nouvelle. Ils se sont redressés, ont souri en m’entendant et se sont remis au travail. Et moi, j’en suis resté tout pantois, tellement déçu que c’est un de mes plus mauvais souvenirs d’enfance. Quand même, l’arrivée de cette lumière que nous attendions tant depuis des mois, c’était donc un événement sans importance pour eux ?!

Ces actions de résistance, que j’ai citées dans le désordre parce que ma mémoire est défaillante, nous donnaient l’espoir d’une libération prochaine. Mais elles ne sont pas restées impunies. Un jour, le 25 août 1944, nous avons aperçu une colonne de fumée qui s’élevait au loin en direction de la Vendée. Nous devions apprendre que les Allemands, en remontant vers les côtes normandes, avaient pris en otages une quinzaine d’hommes de Cerizay, qu’ils les avaient exécutés et avaient incendié le bourg.

C’est dans cette période que, le soir, nous entendions les bombardements des Alliés sur Nantes située à environ 80 kilomètres.

[à suivre…]

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